par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 5 mars 2014, 12-29974
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
5 mars 2014, 12-29.974

Cette décision est visée dans la définition :
Majeurs protégés




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 19 septembre 2012), que par jugement du 10 janvier 2011, confirmé par arrêt du 19 septembre 2012, Alain-Claude X... a été placé sous le régime de la curatelle renforcée pour une durée de 60 mois, Mme Astrid Y..., épouse Z..., nièce de l'intéressé, ayant été désignée en qualité de curatrice, que le 27 mai 2011, il a été conclu entre les consorts A..., enfants de sa première épouse décédée, et Alain-Claude X..., « soit pour lui sa curatrice Astrid Z... », sous diverses conditions suspensives, notamment que l'accord soit « ratifié par l'autorité des tutelles de Bayonne », une transaction réglant l'ensemble des points en débat entre les parties et mettant un terme définitif au litige les opposant depuis juillet 2007, à la suite de la procédure en partage successoral engagée par Alain-Claude X..., que le 5 juin 2011, Mme Z... a demandé au juge des tutelles son accord aux fins de signature de celle-ci, que par lettre du 8 juin 2011, ce dernier l'informait que son autorisation n'était requise qu'en cas de désaccord entre le curateur et la personne protégée, que l'épouse d'Alain-Claude X..., Mme B..., a saisi le juge des tutelles d'une action en nullité de la transaction, signée par la curatrice seule ;

Attendu que Mme B... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article 469 du code civil que le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour conclure en son nom un acte de disposition, telle une transaction, sauf à y avoir été préalablement autorisé par le juge des tutelles exclusivement dans le cas d'une compromission grave de ses intérêts par la personne protégée ; que comme l'a elle-même constaté la cour d'appel, aux termes de l'article 465-4° du même code, si le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge, l'acte est nul de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le 27 mai 2011, Mme Astrid Z..., curatrice de M. Alain-Claude X..., avait conclu avec les consorts de A..., au nom du majeur protégé, représenté, un accord transactionnel portant sur plusieurs millions d'euros et que cette situation correspondait exactement à l'hypothèse envisagée à l'article 465-4° du code civil ; qu'en refusant néanmoins de déclarer nulle la transaction litigieuse, au motif erroné qu'aucun texte ne donnait au juge des tutelles le pouvoir, par voie d'action, de prononcer la nullité d'un contrat, ce qu'était le protocole objet de la contestation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par refus d'application, l'article 465-4° du code civil ;

2°/ que si le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge, l'acte est nul de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice ; que dès lors, en se fondant en outre, pour refuser de prononcer la nullité de la transaction litigieuse, sur l'absence, selon elle, de tout préjudice souffert par M. Alain-Claude X..., personne protégée, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 465-4° du code civil ;

3°/ qu'il résulte de l'article 465-4° du code civil que, tant que la mesure de protection est ouverte, le juge des tutelles peut seulement autoriser la personne protégée à confirmer l'acte nul de plein droit, sans être habilité à le faire lui-même ; que dès lors, en confirmant elle-même la transaction conclue le 27 mai 2011 par la curatrice en représentation du majeur protégé, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 465-4° du code civil ;

4°/ que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt que M. Alain-Claude X..., majeur protégé par la mesure de curatelle, avait renoncé, sans équivoque, à se prévaloir de la nullité de la transaction conclue en son nom par sa curatrice seule ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que les conditions de la confirmation de l'acte nul étaient réalisées, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil ;

Mais attendu que l'action en nullité de droit des actes passés, postérieurement au jugement d'ouverture de la curatelle, par la personne protégée ou son curateur, ne peut être exercée, hors le cas prévu à l'article 465, alinéa 2, du code civil, que par le majeur protégé, assisté du curateur, pendant la durée de la curatelle, par le majeur protégé après la mainlevée de la mesure de protection et par ses héritiers après son décès ; que, dès lors, Mme B... n'ayant pas qualité pour exercer l'action en nullité relative prévue par l'article 465, alinéa 1er, 4°, du même code, sa demande était irrecevable ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme B... à payer la somme de 3 000 euros à M. C..., ès qualités et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour Mme B..., veuve X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme Caroline B..., désormais veuve de M. Alain Claude X..., tendant à voir constater la nullité de l'acte transactionnel conclu le 27 mai 2011 à Genève par la seule curatrice de M. Alain Claude X... et d'avoir confirmé ledit accord transactionnel vicié de forme ;

AUX MOTIFS QUE les actions en nullité des actes accomplis postérieurement à l'ouverture d'une mesure de protection relèvent de la compétence des juridictions de droit commun, voire de celles désignées dans le protocole transactionnel ; cette analyse n'est en droit pas contestée utilement en cause d'appel par Caroline B... qui invoque les mêmes arguments à l'appui des même demandes qu'en première instance. Le juge des tutelles, s'il lui est effectivement dévolu une mission de protection générale des majeurs dont les facultés sont altérées, reste une juridiction d'exception de sorte qu'il ne peut statuer que dans les strictes limites de sa compétence matérielle. Or, aucun texte ne lui donne le pouvoir, par voie d'action, de prononcer la nullité d'un contrat-ce qu'est le protocole objet de la contestation. En revanche, le juge des tutelles reçoit une telle compétence dans quelques cas énumérés par la loi et notamment à l'article 465 du code civil lorsque des actes irréguliers ont été accomplis postérieurement à l'ouverture d'une mesure de protection au profit du majeur. Il est indéniable que l'accord transactionnel conclu le 27 mai 2011 a été signé, non par Alain Claude X... personnellement, mais " pour lui (par) sa curatrice, Mme Astrid Z... ". Compte tenu des dispositions de l'article 467 du même code et par transposition des règles de la tutelle à la curatelle, il apparaît que cette transaction pouvait être conclue par la personne protégée, qui en avait le pouvoir, sauf à être assistée de son curateur. Cette procédure n'a pas été respectée puisque Astrid Z... a, non pas assisté mais représenté la personne protégée, ce qui constitue une irrégularité formelle. Cette situation correspond exactement à l'hypothèse envisagée au paragraphe 4 de l'article 465 du code civil qui dispose en substance que « si (...) le curateur accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée (...) avec son assistance (...), l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice ». Le dernier alinéa de cet article instaure cependant une possibilité de régularisation en édictant que « l'acte prévu au 4ème paragraphe (du même article) peut être confirmé avec l'autorisation du juge ». C'est donc exclusivement sous l'angle de la détermination de l'intérêt à confirmer l'acte, au moins au plan formel, qu'il convient d'examiner l'économie de la transaction contestée. L'appelante fait valoir que cet accord cause grief à son mari sur un certain nombre de points : 1°) l'hypothèque sur l'immeuble de Vandoeuvres ; elle a été souscrite par Alain-Claude X... et sa première épouse pour un montant de 2, 2 millions de francs suisses (F. S.) ; en acceptant d'en prendre en charge la totalité, il en supporte une moitié indue, soit 1, 1 million de F. S. ; 2°) il perd encore 3 millions de F. S. s'agissant du compte courant E..., du compte joint Crédit Agricole, de la villa de Saint-Jean-de-Luz et de trois véhicules ; 3°) il risque de perdre une somme indéterminée sur la vente de l'immeuble de Vandoeuvres l'amenant, le cas échéant, à abandonner tous droits sur cette propriété ; 4°) il perd les impenses des immeubles de Vandoeuvres et de Saint-Jean-de-Luz, soit 2, 6 millions de F. S.. Cette présentation des termes de la transaction est à la fois partielle et partiale pour omettre les avantages dont va bénéficier Alain-Claude X... en contrepartie de ses abandons : > la pleine propriété de l'immeuble de Saint-Jean-de-Luz dont il ne détient que 5/ 8ème des droits ; estimée en 2005 à une moyenne de 1, 1 millions d'euros mais à 2 millions d'euros dans les négociations entre parties à la transaction-évaluation contrebattue par rien-compte tenu de l'évolution des prix du marché, cela représente un avantage de l'ordre de 0, 9 millions de F. S. ; > estimé 4 millions de F. S. en 2005 dans la déclaration-vraisemblablement sous-évaluée-de succession de Marie D..., l'immeuble de Vandoeuvres a été estimé récemment à l'initiative de l'appelante elle-même entre 15, 5 et 26 à 29 millions de F. S. ; il doit revenir à Alain-Claude X... les 3/ 4 du prix de vente ; le risque que cet immeuble soit vendu à un prix inférieur à 7, 9 millions de F. S., ce qui entraînerait effectivement certaines obligations financières à sa charge, est donc purement théorique compte tenu de la différence considérable des valeurs qui viennent d'être exprimées ; > la succession A... abandonne sa contestation sur les droits d'Alain-Claude X... sur le compte personnel de Marie D... ouvert auprès du Crédit Agricole de Genève de sorte que la personne protégée est en droit de percevoir immédiatement la moitié-désormais indiscutée-du solde créditeur de ce compte, soit la moitié de 3, 5 millions de F. S. ; > la succession A... abandonne toute revendication sur le compte joint d'Alain-Claude X... et de Marie D... ouvert dans les livres du Crédit Agricole de Genève-sur lequel ils avaient des droits à hauteur d'l/ 4- ce qui libère immédiatement la somme de 3, 9 millions de F. S.- montant au jour du décès-au profit de la personne protégée ; > la succession A... abandonne tout droit sur la vente des parts de Boros SA, Primistères Reynoird et E... SA ; > les parties s'en remettent aux décisions à intervenir du tribunal de grande instance de Bayonne s'agissant du litige relatif à la somme de 453. 000 euros, montant de la condamnation prononcée par la cour d'appel de Basse-Terre à l'encontre de Patrice A.... II ne résulte nullement de ce qui précède que l'économie de l'accord transactionnel disputé serait déséquilibré ou même seulement financièrement défavorable à Alain-Claude X.... Au-delà de l'aspect strictement patrimonial, l'utilité de cette transaction, dont il faut rappeler qu'elle implique des concessions réciproques, est aussi évidente sur le terrain psychologique et moral : 1°) il ôte à un homme avancé en âge-il a 75 ans-le souci d'une interminable procédure de succession et est facteur de " paix des familles " en mettant fin au litige l'opposant à la succession A... ; 2°) il lui permet de recouvrer sans délai une marge de manoeuvre financière qu'il avait perdue-il était même en difficulté sur ce plan-en le remettant en quelque sorte à la tête de son patrimoine ; 3°) la succession A... accepte le principe de la cession de l'immeuble de Vandoeuvres ; 4°) il devient plein propriétaire de l'immeuble de Saint-Jean-de-Luz, qui est son lieu de vie. La preuve de ce qu'Alain-Claude X... aurait triomphé de la succession A... en vertu de décisions définitives favorables ne résulte de rien ; il convient à ce propos d'indiquer qu'une chose est la liste des pièces communiquées figurant dans le bordereau et autre chose est la production effective de ces documents au dossier de la cour. Au même motif, l'opposition d'intérêt entre le majeur protégé et son curateur invoquée en filigrane par l'appelante n'est pas démontrée par elle de manière réelle et consistante ; en effet, aucun document n'est produit pour en étayer la réalité directe ou indirecte. Il convient en conséquence, en l'absence de tout préjudice souffert par Alain-Claude X..., outre d'adopter les motifs du premier juge non contraires aux présents et de confirmer la décision déférée sur la demande de nullité du protocole transactionnel formée par l'appelante, d'y ajouter en confirmant l'accord transactionnel vicié de forme conclu à Genève le 27 mai 2011 ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 469 du code civil que le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour conclure en son nom un acte de disposition, telle une transaction, sauf à y avoir été préalablement autorisé par le juge des tutelles exclusivement dans le cas d'une compromission grave de ses intérêts par la personne protégée ; que comme l'a elle-même constaté la cour d'appel, aux termes de l'article 465-4° du même code, si le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge, l'acte est nul de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que le 27 mai 2011, Mme Astrid Z..., curatrice de M. Alain-Claude X..., avait conclu avec les consorts de A..., au nom du majeur protégé, représenté, un accord transactionnel portant sur plusieurs millions d'euros et que cette situation correspondait exactement à l'hypothèse envisagée à l'article 465-4° du code civil ; qu'en refusant néanmoins de déclarer nulle la transaction litigieuse, au motif erroné qu'aucun texte ne donnait au juge des tutelles le pouvoir, par voie d'action, de prononcer la nullité d'un contrat, ce qu'était le protocole objet de la contestation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par refus d'application, l'article 465-4° du code civil ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE si le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge, l'acte est nul de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice ; que dès lors, en se fondant en outre, pour refuser prononcer la nullité de la transaction litigieuse, sur l'absence, selon elle, de tout préjudice souffert par M. Alain-Claude X..., personne protégée, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 465-4° du code civil ;

3) ALORS EN OUTRE QU'il résulte de l'article 465-4° du code civil que, tant que la mesure de protection est ouverte, le juge des tutelles peut seulement autoriser la personne protégée à confirmer l'acte nul de plein droit, sans être habilité à le faire lui-même ; que dès lors, en confirmant elle-même la transaction conclue le 27 mai 2011 par la curatrice en représentation du majeur protégé, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 465-4° du code civil ;

4) ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE, la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer ; qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt que M. Alain-Claude X..., majeur protégé par la mesure de curatelle, avait renoncé, sans équivoque, à se prévaloir de la nullité de la transaction conclue en son nom par sa curatrice seule ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que les conditions de la confirmation de l'acte nul étaient réalisées, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil.



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Majeurs protégés


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.