par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 7 octobre 2015, 14-22224
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
7 octobre 2015, 14-22.224

Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 28 août 1986 sous le régime légal et ont divorcé le 12 juin 2006 ; que des difficultés sont nées de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt « d'homologuer »le rapport d'expertise déposé le 8 décembre 2010 par M. Z... et de dire que doivent figurer à l'actif à partager les 6 700 titres détenus par M. X... dans le capital de la société Grands Vins sélection, d'une valeur de 337 500 euros, et le prix de cession des 2 000 titres de la société que M. X... détenait et a cédés le 31 mars 2010, d'un montant total de 100 000 euros ;

Attendu, d'abord, qu'en entérinant les conclusions de M. Z..., expert judiciaire, après avoir relevé, par motifs adoptés, que celui-ci s'était notamment basé sur le rapport réalisé le 26 mai 2007 par M. A..., expert de Mme Y..., et que ce dernier, lorsqu'il avait établi une note non contradictoire en décembre 2010, n'avait pas la connaissance que M. Z... avait de la société concernée, la cour d'appel, qui a estimé souverainement que les appréciations critiques ultérieures de M. A... n'étaient pas pertinentes, a examiné, pour les écarter, les conclusions de celui-ci ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt énonce que l'expert avait constaté que le résultat de la société Grands Vins sélection avait été très bénéficiaire en 2005, s'était révélé déficitaire en 2006, puis préoccupant à compter de 2007, les pertes enregistrées alors ayant généré une dégradation des capitaux propres telle que l'avenir de la société s'était avéré compromis, et que la procédure d'alerte avait été déclenchée en 2010, nécessitant des avances en compte courant pratiquées par l'associé principal, M. X... ; qu'en adoptant les conclusions de l'expert, la cour d'appel, qui a ainsi implicitement écarté le préjudice résultant d'une perte, consécutive à la cession des 2 000 actions, de la minorité de blocage, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de la jouissance exclusive des titres par M. X... à concurrence d'un tiers des différents avantages que ce dernier a perçus pendant la durée de l'indivision ;

Attendu que c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a estimé souverainement que Mme Y... ne démontrait pas que M. X... avait bénéficié d'avantages, tels que des dividendes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la deuxième branche du premier moyen :

Vu les articles 1421 et 815-3 du code civil ;

Attendu que, pour dire que doit figurer à l'actif de la masse à partager le prix de cession des 2 000 titres de la société par actions simplifiée Grands Vins sélection que M. X... détenait et qu'il a cédés le 31 mars 2010, d'un montant total de 100 000 euros, l'arrêt retient que Mme Y... ne peut faire grief à M. X... d'avoir vendu sans son autorisation une partie des actions qu'il possédait, alors que l'expert judiciaire n'a relevé aucune faute de gestion de celui-ci et que la valeur de cession des titres est celle qui a été admise comme base d'évaluation des participations de M. X... dans la société ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, durant l'indivision post-communautaire, l'aliénation d'actions indivises par un époux seul est inopposable à l'autre, de sorte que doit être portée à l'actif de la masse à partager la valeur des actions au jour du partage, la cour d'appel, qui a fixé à 50 euros la valeur de l'action à cette date, a violé le premier texte susvisé, par fausse application, et le second, par refus d'application ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du 16 mai 2012 ayant dit que doit figurer à l'actif à partager le prix de cession des 2 000 titres de la société Grands Vins sélection que M. X... détenait et qu'il avait cédés le 31 mars 2010, d'un montant total de 100 000 euros, l'arrêt rendu le 20 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que doit figurer à l'actif à partager la somme de 100 000 euros correspondant à la valeur au jour du partage des 2 000 actions de la société Grands Vins sélection que M. X... détenait et qu'il a cédées le 31 mars 2010 ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir homologué le rapport d'expertise de M. Z... déposé le 8 décembre 2010 et d'avoir dit et jugé que doivent figurer à l'actif à partager, les 6700 titres détenues par M. X... dans le capital de la société Grands Vins Sélection pour une valeur de 337.500 euros, le prix de cession de 2000 titres que détenait M. X... dans la société Grands Vins Sélection et qu'il a cédés le 31 mars 2010 pour une somme totale de 100.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE M. Z... désigné en qualité d'expert a fait le constat que le résultat courant de la société Grands Vins Sélection était très bénéficiaire en 2005, s'est révélé légèrement déficitaire en 2006, puis préoccupant à compter de 2007, les pertes enregistrées dès lors ayant généré une dégradation des capitaux propres tel que l'avenir de la société s'avérait compromis et que la procédure d'alerte a été déclenchée en 2010 nécessitant des avances en compte courant pratiquées par l'associé principal ; que la situation comptable à fin mai 2010 révélait une augmentation des pertes par rapport à 2009 ; qu'en présence de ces éléments l'expert judiciaire a utilisé pour valoriser la société en 2010, différentes méthodes d'évaluation de PME ; que les méthodes PER et EBIT ont produit des résultats négatifs donc inexploitables dans le présent litige ; qu'en mettant en oeuvre la méthode de « l'actif net corrigé », qui permet de prendre en considération la valeur réelle des titres détenus par M. X... selon la valeur du marché sur la base du prix de vente des 6750 titres pour lesquels il a obtenu un prix de 50 euros soit 337.500 euros pour 6750 titres ; que l'expert a évalué la société en 2004 selon chacune des trois méthodes précitées et en a fait la moyenne pondérée en affectant un coefficient 2 à la valeur patrimoniale ; qu'il en est ressorti une évaluation de la société à cette date de 4.091.794 euros ; qu'il a estimé la participation de M. X... à la même date à 1.500.000 euros après avoir appliqué un abattement de 15% eu égard à sa position minoritaire mais néanmoins importante ; qu'il a expliqué que la dégradation de la valeur de la société n'était pas consécutive à une faute de gestion de son dirigeant mais résulte de l'évolution du marché qu'il a par ailleurs analysé ; qu'il a conclu que la valeur des participations détenues par M. X... dans le capital de la société Grands Vins Séléction dépendant de la communauté était :
- en 2004 de 1.500.000 euros pour 8570 titres sur les 20.000 composant le capital social,
- en 2010, de 337.500 euros pour 6730 titres, après avoir cédé le 21 mars 2010, 2000 titres pour la somme de 100.000 euros ;

Que Mme Y... n'a adressé aucun dire à l'expert judiciaire sur communication de son pré-rapport ; que c'est alors qu'elle pouvait le soumettre à la critique de son expert personnel, auquel elle pouvait d'ailleurs demander de l'assister lors de la mesure ; que les appréciations critiques ultérieures de M. A..., auxquelles l'expert judiciaire n'a pu répliquer, ne sont pas pertinentes ; que par application des dispositions de l'article 1421 du Code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer sauf à répondre des fautes qu'il aurait commis dans sa gestion, les actes accomplis sans fraude par un conjoint étant opposables à l'autre ; que Mme Y... ne peut faire grief à M. X... d'avoir vendu sans son autorisation une partie des actions qu'il détenait alors que l'expert judiciaire n'a relevé aucune faute de gestion de celui-ci et que la valeur de cession des titres est celle qui a été admise comme base d'évaluation des participations de M. X... dans la société ; que le jugement déféré n'est donc pas critiquable en ce qu'il a retenu que les 6.700 titres détenus par M. X... dans la société Grands Vins Sélection s'élève à 337.500 euros ;

1°- ALORS QU'il appartient au juge de se prononcer par lui-même sur les éléments de preuve soumis à son examen ; qu'en se fondant pour entériner les conclusions de l'expert judiciaire et écarter les conclusions de l'expert amiable de Mme Y..., M. A..., sur la circonstance que Mme Y... n'avait adressé aucun dire à l'expert judiciaire sur communication de son pré-rapport, qu'elle ne l'avait pas soumis à la critique de son expert personnel, M. A... et que l'expert judiciaire n'avait pas pu répliquer aux appréciations critiques ultérieures de ce dernier, la Cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil ;

2°- ALORS QUE le principe de la gestion concurrente des biens communs posé par l'article 1421 du Code civil dans le cadre de l'administration de la communauté par les époux est sans application à l'administration de l'indivision post-communautaire ; que la vente d'un bien appartenant à une indivision post-communautaire relève des règles applicables en matière d'indivision lesquelles exigent le consentement de tous les indivisaires ; qu'en l'espèce, la cession des titres est intervenue le 31 mars 2010 soit postérieurement au jugement de divorce et à la dissolution de la communauté ; qu'en énonçant que M. X... avait le pouvoir de disposer seul des titres litigieux sauf à répondre des fautes qu'il aurait commis dans sa gestion, que l'acte accompli sans fraude serait opposable à Mme Y... qui ne pourrait lui faire grief d'avoir vendu des titres indivis sans son autorisation, la Cour d'appel a violé les articles 1421 et 815-3 du Code civil ;

3°- ALORS QUE la composition du patrimoine de la communauté se détermine à la date à laquelle le jugement de divorce prend effet dans les rapports patrimoniaux entre époux ; que si le partage ne peut cependant porter que sur les biens qui figurent dans l'indivision, les modifications qui se produisent dans les éléments constitutifs de celle-ci à l'initiative d'un seul indivisaire sans leur accord, ne peuvent nuire aux autres indivisaires ; qu'en se bornant à retenir le prix de cession des titres dans la masse à partager, sans s'expliquer sur le préjudice invoqué par Mme Y... qui faisait valoir que la cession sans son accord d'une partie des titres avait provoqué une perte de la minorité de blocage, la Cour d'appel a violé l'article 262-1, 815 et 1476 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande en indemnisation de la jouissance exclusive des titres par M. X... à concurrence d'un tiers des différents avantages que ce dernier a perçus pendant la durée de l'indivision ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y... ne précise pas sur la base de quels éléments elle se fonde pour soutenir que l'intimé aurait perçu des dividendes ou autres avantages des titres que celui-ci détenait ; qu'elle n'a pas sollicité à l'occasion de sa demande d'expertise, que les investigations sollicitées s'étendent à la recherche des dividendes ayant pu lui être versés en sa qualité d'actionnaire ;


ALORS QU'il appartient à l'indivisaire qui détient les titres indivis et en perçoit les fruits de rendre des comptes et de produire les éléments justifiant du montant des sommes perçues ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les articles 815-8 et 1315 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.