par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 23 avril 2013, 11-28197
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Cour de cassation, chambre sociale
23 avril 2013, 11-28.197

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 26 septembre 2011) rendu sur renvoi après cassation (Chambre sociale 31 mars 2009 n° 0745618), que Mme X..., engagée le 8 janvier 1963 par le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique pour exercer diverses fonctions administratives au sein du consulat général de cet Etat en Martinique, a été licenciée le 2 juin 1993 à la suite de la décision de fermeture définitive de ce consulat ; qu'elle a perçu une indemnité de licenciement à l'amiable, puis a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de complément d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour défaut de proposition de convention de conversion alors, selon le moyen :

1°/ qu'il incombe au juge français, saisi par une partie d'une demande d'application d'un droit étranger contestée par la partie adverse, de rechercher la loi compétente selon la règle de conflit même en présence de droits disponibles ; qu'à défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail est régi, sauf s'il présente des liens plus étroits avec un autre pays, par la loi du pays où le salarié, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail ; qu'en appliquant le droit américain sans déterminer, ainsi qu'il lui était demandé, s'il s'agissait du droit compétent en application de la règle de conflit de lois, la cour d'appel ne met pas en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Mme X... qui faisait valoir que les parties n'avaient jamais exprimé la volonté de soumettre le contrat de travail au droit américain et qu'à défaut de choix, c'était la loi du lieu d'exécution du contrat, c'est-à-dire la loi française qui était applicable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que Mme X... faisait valoir que les notifications des mesures relatives au personnel faisaient référence, s'agissant du temps de travail, au droit du travail français : « Plein temps : 40 heures hebdomadaires (le droit français requiert 39 heures plus une heure supplémentaire)», qu'elle percevait une majoration de salaire pour la quarantième heure de travail hebdomadaire et que l'article 613 du Foreign Service Act disposait que « le Secrétaire (d'Etat) peut à tout moment licencier tout employé étranger (FSN) en tenant compte des critères et procédures normalement applicables localement dans des circonstances similaires » ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la relation de travail n'était pas effectivement gouvernée par les règles du droit du travail français, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 3 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ que l'employeur ne saurait critiquer l'application de la loi française relative aux licenciements sous l'empire de laquelle il s'est placé et dont les dispositions relatives aux effets sont indissociables de celles qui concernent la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique avait entendu se conformer au droit français applicable en matière de licenciement et d'indemnisation des salariés et a condamné l'Etat des Etats-Unis à payer à Mme X... des indemnités pour non-respect des modalités françaises de convocation à l'entretien préalable ; qu'en appliquant néanmoins le droit américain au régime de l'indemnisation due à Mme X... au titre de son licenciement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 3 du code civil ;

5°/ qu'en vertu du principe fondamental de l'ordre public social, l'indemnité de licenciement résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur doit recevoir application lorsqu'elle est plus favorable que l'indemnité légale ; qu'en l'espèce, le Severance Pay Plan fixant, après une étude réalisée auprès de sept entreprises locales, l'indemnité de licenciement à 6 % du salaire annuel par année de service constitue un engagement unilatéral de l'employeur ; qu'en estimant que Mme X... avait été remplie de ses droits au regard du droit du travail français en percevant une indemnité légale de licenciement calculé conformément aux dispositions du code du travail quand le Severance Pay Plan prévoyait une indemnité d'un montant plus élevé dont Mme X... revendiquait l'application, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 3 du code civil, ensemble le principe fondamental en droit du travail selon lequel en cas de conflits de normes, c'est la plus favorable au salarié qui doit recevoir application ;

Mais attendu d'abord que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la salariée n'était pas recevable à invoquer au soutien de sa demande en paiement de dommages-intérêts les règles régissant les licenciements pour motif économique, qui ne s'appliquent pas au licenciement du personnel des services consulaires de l'Etat employeur ;

Attendu ensuite qu'ayant constaté que l'engagement pris par l'employeur dans le "Severance pay plan" dont la salariée entendait bénéficier, était subordonné à la réalisation d'une condition tenant à l'absence d'attribution d'une pension de retraite, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans écarter l'application de la loi française, que la salariée, qui avait fait valoir ses droits à la retraite, ne pouvait prétendre au paiement de l'indemnité prévue dans cet acte et qu'elle avait droit au paiement de l'indemnité légale de licenciement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme Marie-Ange X... de ses demandes visant un complément d'indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité pour défaut de proposition de la convention de conversion ;

AUX MOTIFS QU'il est indiqué à l'article 613-b du Foreign Service Act de 1980 que le secrétaire d'Etat peut à tout moment révoquer tout employé étranger en tenant compte des critères et procédures normalement appliquées localement dans des conditions similaires ; qu'il ressort du document « Foreign Affairs Manual », pris dans ses articles 3 FAM 7349 « Avantages spécifiques », 3 FAM 7349-1 « indemnité de licenciement » et 3 FAM 7349.1-1 « Règlement » et ne s'appliquant qu'aux étrangers employés en service, que le processus d'indemnisation de licenciement des employés étrangers doit contenir des règles appropriées pour permettre l'indemnisation dans le strict respect de la loi et/ou des coutumes locales ; qu'il doit être déduit de ces textes que le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique a entendu se conformer au droit français applicable en matière de licenciement et d'indemnisation des salariés ; qu'en application de ce principe, en l'espèce, après une étude réalisée auprès de sept entreprises pour en fixer le montant, il a été calculé et inscrit dans un mémorandum (le Severance Pay Plan) une indemnité de licenciement à partir de 6 % du salaire annuel par année de service, laquelle a été versée aux autres salariés locaux licenciés ; que cependant l'article 3 FAM 7349-1-4 de ce même document précise que n'est pas autorisé le paiement d'une indemnité de licenciement en faveur d'un salarié éligible à une pension « Civil Service Retirement » (CSR) immédiate ou différée ou à une autre pension à laquelle le gouvernement américain a contribué, à moins qu'il ne soit justifié qu'un tel paiement est pleinement compatible avec les types et niveaux d'indemnisation en vigueur localement ; qu'en l'espèce, contrairement aux autres employés locaux affiliés à la sécurité sociale française, Mme Marie-Ange X... a été affiliée au service de retraite américain « Civil Service Retirement System » (CRS) à sa demande à partir du 4 décembre 1967 et que le 8 mai 1993, elle a fait valoir ses droits à percevoir une retraite immédiate en application du droit américain ; que consécutivement, sa demande d'indemnisation au titre du Severance Pay Plan a été rejetée par le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique ; que néanmoins, par lettre du 11 août 1993 faisant valoir sa retraite anticipée forcée du fait de la fermeture du Consulat américain en Martinique, son employeur consentait à appliquer à la situation de Mme Marie-Ange X... les dispositions du Code du droit du travail relatives aux indemnités de licenciement et lui versait le 15 décembre 1993 une indemnité légale de 113 181,25 francs (17 253,37 €) ; que dans de telles conditions, Mme Marie-Ange X... ne peut prétendre à l'indemnité du Severance Pay Plan (indemnité de 6 %), au double motif qu'elle a d'une part préalablement fait le choix de cotiser au régime de retraite de la fonction publique américaine et sollicité le 28 mai 1993 sa mise à la retraite immédiate et le versement de sa pension subséquente, s'excluant ainsi du bénéfice du Severance Pay Plan, étant précisé que le taux réduit de retraite demeurait sans effet sur les conditions d'attribution de ce plan, et qu'elle a d'autre part bénéficié du régime de l'indemnité légale de licenciement calculée conformément aux dispositions des articles L 122-9 et R 122-2 du Code du travail en vigueur lors du licenciement ; qu'elle n'a donc fait l'objet d'aucune mesure discriminatoire dans le règlement de son licenciement ;

ALORS, D'UNE PART, QU' il incombe au juge français, saisi par une partie d'une demande d'application d'un droit étranger contestée par la partie adverse, de rechercher la loi compétente selon la règle de conflit même en présence de droits disponibles ; qu'à défaut de choix par les parties de la loi applicable, le contrat de travail est régi, sauf s'il présente des liens plus étroits avec un autre pays, par la loi du pays où le salarié, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail ; qu'en appliquant le droit américain sans déterminer, ainsi qu'il lui était demandé (conclusions d'appel de Mme X..., p. 9 à 12), s'il s'agissait du droit compétent en application de la règle de conflit de lois, la Cour d'appel ne met pas en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 3 du Code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions de Mme X... (conclusions d'appel p. 9 à 12) qui faisait valoir que les parties n'avaient jamais exprimé la volonté de soumettre le contrat de travail au droit américain et qu'à défaut de choix, c'était la loi du lieu d'exécution du contrat, c'est-à-dire la loi française qui était applicable, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE Mme X... faisait valoir que les notifications des mesures relatives au personnel faisaient référence, s'agissant du temps de travail, au droit du travail français : « Plein temps : 40 heures hebdomadaires (le droit français requiert 39 heures plus une heure supplémentaire)», qu'elle percevait une majoration de salaire pour la quarantième heure de travail hebdomadaire et que l'article 613 du Foreign Service Act disposait que « le Secrétaire (d'Etat) peut à tout moment licencier tout employé étranger (FSN) en tenant compte des critères et procédures normalement applicables localement dans des circonstances similaires » ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si la relation de travail n'était pas effectivement gouvernée par les règles du droit du travail français, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 3 du Code civil et L 1221-1 du Code du travail ;

ALORS, ENFIN, QUE l'employeur ne saurait critiquer l'application de la loi française relative aux licenciements sous l'empire de laquelle il s'est placé et dont les dispositions relatives aux effets sont indissociables de celles qui concernent la procédure ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément relevé que le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique avait entendu se conformer au droit français applicable en matière de licenciement et d'indemnisation des salariés et a condamné l'Etat des Etats-Unis à payer à Mme X... des indemnités pour non-respect des modalités françaises de convocation à l'entretien préalable ; qu'en appliquant néanmoins le droit américain au régime de l'indemnisation due à Mme X... au titre de son licenciement, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard des articles des articles L 1221-1 du Code du travail et 3 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme Marie-Ange X... de sa demande visant un complément d'indemnité de licenciement ;

AUX MOTIFS QU'il est indiqué à l'article 613-b du Foreign Service Act de 1980 que le secrétaire d'Etat peut à tout moment révoquer tout employé étranger en tenant compte des critères et procédures normalement appliquées localement dans des conditions similaires ; qu'il ressort du document « Foreign Affairs Manual », pris dans ses articles 3 FAM 7349 « Avantages spécifiques », 3 FAM 7349-1 « indemnité de licenciement » et 3 FAM 7349.1-1 « Règlement » et ne s'appliquant qu'aux étrangers employés en service, que le processus d'indemnisation de licenciement des employés étrangers doit contenir des règles appropriées pour permettre l'indemnisation dans le strict respect de la loi et/ou des coutumes locales ; qu'il doit être déduit de ces textes que le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique a entendu se conformer au droit français applicable en matière de licenciement et d'indemnisation des salariés ; qu'en application de ce principe, en l'espèce, après une étude réalisée auprès de sept entreprises pour en fixer le montant, il a été calculé et inscrit dans un mémorandum (le Severance Pay Plan) une indemnité de licenciement à partir de 6 % du salaire annuel par année de service, laquelle a été versée aux autres salariés locaux licenciés ; que cependant l'article 3 FAM 7349-1-4 de ce même document précise que n'est pas autorisé le paiement d'une indemnité de licenciement en faveur d'un salarié éligible à une pension « Civil Service Retirement » (CSR) immédiate ou différée ou à une autre pension à laquelle le gouvernement américain a contribué, à moins qu'il ne soit justifié qu'un tel paiement est pleinement compatible avec les types et niveaux d'indemnisation en vigueur localement ; qu'en l'espèce, contrairement aux autres employés locaux affiliés à la sécurité sociale française, Mme Marie-Ange X... a été affiliée au service de retraite américain « Civil Service Retirement System » (CRS) à sa demande à partir du 4 décembre 1967 et que le 8 mai 1993, elle a fait valoir ses droits à percevoir une retraite immédiate en application du droit américain ; que consécutivement, sa demande d'indemnisation au titre du Severance Pay Plan a été rejetée par le Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique ; que néanmoins, par lettre du 11 août 1993 faisant valoir sa retraite anticipée forcée du fait de la fermeture du Consulat américain en Martinique, son employeur consentait à appliquer à la situation de Mme Marie-Ange X... les dispositions du Code du droit du travail relatives aux indemnités de licenciement et lui versait le 15 décembre 1993 une indemnité légale de 113 181,25 francs (17 253,37 €) ; que dans de telles conditions, Mme Marie-Ange X... ne peut prétendre à l'indemnité du Severance Pay Plan (indemnité de 6 %), au double motif qu'elle a d'une part préalablement fait le choix de cotiser au régime de retraite de la fonction publique américaine et sollicité le 28 mai 1993 sa mise à la retraite immédiate et le versement de sa pension subséquente, s'excluant ainsi du bénéfice du Severance Pay Plan, étant précisé que le taux réduit de retraite demeurait sans effet sur les conditions d'attribution de ce plan, et qu'elle a d'autre part bénéficié du régime de l'indemnité légale de licenciement calculée conformément aux dispositions des articles L 122-9 et R 122-2 du Code du travail en vigueur lors du licenciement ; qu'elle n'a donc fait l'objet d'aucune mesure discriminatoire dans le règlement de son licenciement ;

ALORS QU'en vertu du principe fondamental de l'ordre public social, l'indemnité de licenciement résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur doit recevoir application lorsqu'elle est plus favorable que l'indemnité légale ; qu'en l'espèce, le Severance Pay Plan fixant, après une étude réalisée auprès de sept entreprises locales, l'indemnité de licenciement à 6 % du salaire annuel par année de service constitue un engagement unilatéral de l'employeur ; qu'en estimant que Mme X... avait été remplie de ses droits au regard du droit du travail français en percevant une indemnité légale de licenciement calculé conformément aux dispositions du code du travail quand le Severance Pay Plan prévoyait une indemnité d'un montant plus élevé dont Mme X... revendiquait l'application, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 3 du Code civil, ensemble le principe fondamental en droit du travail selon lequel en cas de conflits de normes, c'est la plus favorable au salarié qui doit recevoir application.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.