par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 12 juillet 2011, 09-71764
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Cour de cassation, chambre commerciale
12 juillet 2011, 09-71.764

Cette décision est visée dans la définition :
Excès de pouvoir (droit privé)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rabat d'office de l'arrêt n° 227 F P + B rendu le 8 mars 2011 par la chambre commerciale, financière et économique :

Vu les avis donnés aux parties et au ministère public ;

Attendu que cet arrêt est entaché d'une erreur de procédure, en ce que les parties n'ont pas été appelées à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité du pourvoi prononcée au motif que selon l'article L. 623-5 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ne sont susceptibles que d'un appel et d'un pourvoi en cassation de la part du ministère public, les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application des articles L. 622-16, L. 622-17 et L. 622-18, qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours qu'en cas d'excès de pouvoir ;

Qu'il y a lieu de rabattre cet arrêt et de statuer à nouveau ;

Sur l'irrecevabilité du pourvoi, relevée d'office après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 octobre 2009), que, par jugements des 19 au 30 décembre 1996, les sociétés du groupe Spad ont été mises en redressement judiciaire ; que, par jugements du 30 janvier 1997, le tribunal a homologué leur cession au profit de quatre cessionnaires, M. X... étant désigné commissaire à l'exécution du plan puis remplacé par la société X... Y... le 15 janvier 2008 ; que, le 20 janvier 2005, M. X..., ès qualités, a assigné en responsabilité délictuelle les sociétés Banque Neuflize OBC (la banque), Sophia et Cofitem-Cofimur ayant participé au rachat de l'immeuble occupé par les sociétés du groupe Spad ; que les défenderesses ont soulevé des exceptions de procédure, sollicitant le sursis à statuer dans l'attente des décisions à venir sur la régularité de la durée des fonctions de M. X..., ès qualités, qui ont été plaidées devant le juge rapporteur le 13 mars 2007 ; que, par ordonnance du 19 février 2008, le juge rapporteur a ordonné la réouverture des débats afin d'assurer le respect de la contradiction à l'égard de M. X..., ès qualités ; que, le tribunal a rouvert les débats et ordonné un renvoi au 5 mars 2008 ; qu'après plusieurs renvois, les exceptions de procédure ont été de nouveau plaidées devant la formation collégiale du tribunal le 21 octobre 2008 ; que, par jugement du 27 janvier 2009, le tribunal a ordonné la jonction des exceptions de procédure avec le fond et décidé du renvoi de cette affaire au 24 février 2009 ; que, le 7 avril 2009, la banque en a interjeté appel ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir dit que son appel nullité était irrecevable, alors, selon le moyen, que le juge est tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de loyauté des débats judiciaires ; que pour juger que la décision de joindre l'incident au fond n'était pas constitutive d'un excès de pouvoir, la cour d'appel a retenu la complexité de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressortait du dossier de procédure qu'il avait toujours été convenu, jusqu'à l'audience collégiale du tribunal de commerce de Nanterre du 21 octobre 2008, ayant donné lieu au jugement du 27 janvier 2009, de ne conclure que sur les exceptions de procédure à l'exclusion de toute question de fond, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir, violant le principe de loyauté processuel, les exigences du procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes régissant l'excès de pouvoir ;

Mais attendu que ne méconnaît pas l'étendue de ses attributions juridictionnelles une juridiction qui décide, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction d'incidents de procédure avec le fond, une telle mesure d'administration judiciaire n'étant sujette à aucun recours en application de l'article 537 du code de procédure civile ; que la nature de cette mesure exclut que les parties puissent exercer à son encontre un appel nullité, fût-ce en invoquant l'excès de pouvoir ; que l'arrêt, après avoir énoncé que la banque ne conteste pas que la voie de l'appel de droit commun n'est pas ouverte à l'encontre du jugement du 27 janvier 2009 qui se borne à ordonner la jonction d'incidents avec le fond et le renvoi des parties à conclure au fond, relève que celle-ci a formé un appel nullité reposant sur un excès de pouvoir négatif commis par le tribunal pour ne pas avoir exercé les attributions juridictionnelles que la loi lui attribue ; que l'arrêt relève que si la procédure a été introduite par assignation du 20 janvier 2005, la banque n'a jamais conclu au fond, sollicitant par écritures du 31 octobre 2006 un sursis à statuer tout en soulevant différentes exceptions de procédure, l'affaire étant plaidée le 13 mars 2007 ; qu'il relève qu'à l'occasion d'une réouverture des débats, qui a dû être ordonnée en raison d'un risque de non respect de la contradiction à l'égard de M. X..., ès qualités, le tribunal en formation collégiale a rendu le jugement du 27 janvier 2009, ordonnant la jonction des incidents de procédure avec le fond afin de lui permettre d'avoir " une exacte appréciation et un exposé complet du dossier, conditions qui ne seront réunies que par un examen corrélatif des exceptions et du fond " ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la décision de joindre les incidents de procédure avec le fond ne présentait aucunement le caractère d'un déni de justice de ses attributions juridictionnelles commis par le tribunal mais l'exercice, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de sa faculté de joindre plusieurs instances prévues par l'article 367 du code de procédure civile, la cour d'appel a exactement retenu que la banque n'était pas fondée à arguer d'un excès de pouvoir et qu'en conséquence son appel nullité était irrecevable ;

Et attendu que ni la méconnaissance du principe de loyauté des débats, ni le grief tiré d'une violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne constituent un excès de pouvoir ;

D'où il suit que le pourvoi dirigé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré d'excès de pouvoir est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

RABAT l'arrêt n° 227 F-P + B rendu le 8 mars 2011 ;

Statuant à nouveau :

DECLARE irrecevable le pourvoi ;

Condamne la société Banque Neuflize OBC aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société X... Y..., ès qualités, la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille onze.

Moyen produit par la SCP Defrenois et Levis, avocat aux Conseils pour la société Banque Neuflize OBC

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel-nullité de la société banque de Neuflize formé à l'encontre du jugement rendu le 27 janvier 2009 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

AUX MOTIFS QUE le juge qui refuse d'exercer les compétences et pouvoirs juridictionnels que la loi lui attribue commet un excès de pouvoir ; qu'en l'espèce, le litige est né du rapport déposé le 30 octobre 2000 par l'expert désigné à la requête du commissaire à l'exécution du plan de redressement d'un groupe de sociétés, qui a remis en cause notamment une opération d'achat-revente d'immeuble ayant préjudicié à l'une des sociétés du groupe, et à laquelle a participé le Crédit Chimique, aux droits duquel la Selas X... Y... soutient que vient la banque de Neuflize ; qu'au vu de ce rapport dont il déduisait un montage frauduleux, le commissaire à l'exécution du plan a initialement assigné avec la banque deux sociétés de crédit-bail également visées dans le rapport, mais que Me X... s'étant persuadé que ces deux sociétés avaient été instrumentalisées par le Crédit Chimique, s'est désisté de son instance et de son action à leur égard ; que la complexité de l'affaire est manifeste ; que si la procédure a été introduite par assignation du 20 janvier 2005, la banque de Neuflize n'a jamais conclu au fond, sollicitant par écritures du 31 octobre 2006 un sursis à statuer tout en soulevant différentes exceptions ; que l'affaire a été plaidée le 13 mars 2007 ; que toutefois une réouverture des débats a dû être ordonnée en raison d'un risque de non-respect du contradictoire à l'égard de Me X... ; que c'est sur cette réouverture des débats que le tribunal en formation collégiale a rendu le jugement critiqué le 27 janvier 2009, ordonnant la jonction de l'incident au fond ; que celui-ci est clairement motivé, le tribunal arguant de la complexité et l'ancienneté de l'affaire puisque, de fait, la procédure collective du groupe SPAD date de 1997, ce qui ne facilite pas les investigations, le « montage » invoqué met en cause divers intervenants, présentant des imbrications multiples ; qu'il a estimé que pour répondre aux moyens développés par la banque, il convenait d'avoir « une exacte appréciation et un exposé complet du dossier, conditions qui ne seront réunies que par un examen corrélatif des exceptions et du fond », suivant en cela les réquisitions du parquet, telles que rapportées par le jugement présent à l'audience ; qu'au regard de ces circonstances, la décision de joindre l'incident au fond ne présente aucunement le caractère de déni de justice que lui impute la banque, qu'à défaut du déni de justice invoqué, la banque de Neuflize n'est pas fondée à arguer d'un excès de pouvoir, que l'appel-nullité n'est donc pas recevable ; que l'éventuelle méconnaissance de l'obligation de statuer dans un délai raisonnable n'ouvre pas la voie d'un appel-nullité ;

ALORS QUE le juge est tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de loyauté des débats judiciaires ; que pour juger que la décision de joindre l'incident au fond n'était pas constitutive d'un excès de pouvoir, la cour d'appel a retenu la complexité de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressortait du dossier de procédure qu'il avait toujours été convenu, jusqu'à l'audience collégiale du tribunal de commerce de Nanterre du 21 octobre 2008, ayant donné lieu au jugement du 27 janvier 2009, de ne conclure que sur les exceptions de procédure à l'exclusion de toute question de fond, la cour d'appel a consacré un excès de pouvoir, violant le principe de loyauté processuel, les exigences du procès équitable au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes régissant l'excès de pouvoir.



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Cette décision est visée dans la définition :
Excès de pouvoir (droit privé)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.