par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 janvier 2011, 09-15298
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 janvier 2011, 09-15.298

Cette décision est visée dans la définition :
Rapport successoral




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu que François X... et Paulette Y..., son épouse, sont décédés respectivement les 11 février 1987 et 13 février 2002, laissant pour leur succéder leurs deux enfants, Marguerite et Pierre, en l'état d'une donation consentie à leur fils par acte authentique du 27 juillet 1984 d'une propriété rurale située à Arles ; que des difficultés se sont élevées entre les héritiers quant au règlement des successions ; que par jugement du 4 mars 2008, le tribunal de grande instance de Montpellier a notamment rejeté la demande de M. Pierre X... de rapport en nature et a décidé qu'il devra payer en valeur à Mme Marguerite X... une soulte ;

Attendu que Mme Marguerite X... fait grief à l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 avril 2009), d'avoir infirmé le jugement et d'avoir décidé que M. Pierre X... était en droit d'opter pour le rapport en nature du bien immobilier objet de la donation du 27 juillet 1984, alors, selon le moyen :

1°/ que si en vertu de l'article 859 du code civil, l'héritier bénéficiaire d'une libéralité en avancement d'hoirie a la faculté de rapporter en nature le bien donné libre de toute charge ou occupation jusqu'à la concrétisation du partage, c'est à la condition évidente que l'acte de donation n'impose pas au donataire acceptant sans réserve la libéralité un rapport en moins prenant en son principe et en ses modalités ; qu'en l'espèce, l'acte de donation du 27 juillet 1984 contient sur le "rapport" une clause spécifique qui n'est pas de pur style en ce qu'elle stipule "expressément que le rapport en moins prenant à faire à la succession du donateur sera de la valeur de cet immeuble à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation" ; que l'arrêt qui prétend que cette clause ne serait qu'une simple clause de style par rappel de la règle générale visée à l'article 858 du code civil et que la seule exception à l'exercice de la faculté de demander le rapport en nature serait une stipulation contraire expresse de l'acte de donation imposant le rapport en nature, a donc violé ensemble les articles 859 et 1134 du code civil ;

2°/ que si tant est que l'acte de liquidation du 10 avril 2006 n'ait pas été signé par les parties, il n'en résulte pas moins clairement de la teneur du procès-verbal de lecture de même date rédigé par le notaire liquidateur en présence des parties qu' "après lecture de l'acte liquidatif : les parties sont d'accord sur son contenu", incluant le rapport en valeur des libéralités en avancement d'hoirie consenties à M. X... dont celle du 27 juillet 1984 et ce, selon les termes figurant dans ces actes de donation ; que le seul point de désaccord à ce sujet se limite à un "problème de paiement de la soulte", M. X... déclarant "ne pas être en mesure d'être assuré pour le risque décès au titre du prêt qu'il a sollicité auprès de la Société générale pour le paiement de la soulte, ayant dépassé à ce jour l'âge de 75 ans, et ne pas être en mesure de payer comptant cette soulte sans l'obtention de ce prêt" ; mais que, comme le faisaient valoir les conclusions de sa cohéritière, cette prétendue impossibilité de payer la soulte résultait exclusivement de la carence de M. X..., propriétaire de plusieurs immeubles, à ne pas avoir sollicité un prêt sans assurance auprès de la Cafpi, assureur spécialisé de clients atypiques mais solvables, dont "des personnes âgées pour lesquelles l'assurance est refusée", ou de ne pas avoir envisagé de vendre l'un de ses nombreux biens ; et que l'arrêt qui ne s'explique pas à ce sujet est entaché en conséquence d'un défaut de base légale au regard des articles 859 et 1134 du code civil, dans la mesure où les parties étaient d'accord en avril 2006 sur le principe et les modalités d'un rapport en valeur et où la prétendue impossibilité de M. X... de payer la soulte était démentie par les pièces du débat, ce qui lui interdisait de demander après coup le rapport en nature ;

3°/ que la négation par l'arrêt de la signature des parties à l'acte de liquidation du 10 avril 2006 est démentie tout à la fois : par la correspondance du notaire liquidateur dont celle adressée directement au juge de première instance le 20 avril 2006 et qui a emporté sa décision, eu égard à la communication du "brevet de l'état des opérations des comptes liquidation et partage des biens dépendant des successions de M. François X... et de Mme Paulette Y..., veuve X... régularisé en mon étude le 10 avril 2006 ; la copie authentique du procès-verbal d'ouverture des opérations et procès-verbal de lecture, régularisé en mon étude le 10 avril 2006" ; par le fait que, bien que les copies de ces actes remises aux parties ne comportent pas leur signature, la référence finale sur l' "enregistrement à Montpellier le 13 avril 2006. Bordereau 2006/325 case 1 (et) case 2. Reçu 125,00 euros. Le receveur principal signé" implique nécessairement que l'original ou la copie certifiée pouvant seul être enregistré avait été signé par les parties ; et que la lettre subséquente de M. A... du 16 avril 2008 déclarant ne pas pouvoir poursuivre les opérations eu égard au désaccord des parties sur une difficulté persistante et aggravée n'implique pas qu'à la date du 10 avril 2006 les actes en question n'aient pas été signés ; qu'il s'ensuit qu'à la date du 19 décembre 2006 où M. X... a prétendu user de la faculté de demander le partage en nature, il était nécessairement forclos ; que l'arrêt a donc violé par fausse application en la cause l'article 859 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que si l'acte de donation peut écarter la faculté offerte à l'héritier de rapporter en nature, la cour d'appel, après avoir relevé que l'acte litigieux se bornait à reproduire les dispositions légales du rapport en moins prenant, a, par une recherche nécessaire de la commune intention des parties à l'acte, estimé que le donateur n'avait pas entendu imposer le rapport en valeur, ensuite, qu'en ses deuxième et troisième branches, le moyen ne tend qu'à instaurer devant la Cour de cassation une discussion de pur fait ; d'où il suit, que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Marguerite X..., épouse B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté la demande de rapport en nature de Monsieur Pierre X... condamné à payer une soulte de 169 531,38 euros et d'AVOIR dit que celui-ci est en droit d'opter pour le rapport en nature du bien immobilier objet de la donation du 27 juillet 1984, renvoyant en conséquence les parties devant le notaire liquidateur qui procédera à un nouvel état liquidatif prenant compte de cette option ;

AUX MOTIFS QUE le fait que l'acte de donation fait par François et Paulette X... à Pierre X... stipule que le rapport se fera en moins prenant (pris dans le sens de rapport en valeur), ce qui correspond au principe général posé par l'article 858 du Code Civil, n'exclut pas que le donataire puisse s'y soustraire ; que ce n'est que dans le cas où par stipulation contraire expresse de l'acte de donation lui imposant le rapport en nature qu'il aurait accepté, qu'il perd le choix prévu par l'article 859 du Code Civil ; que ce choix n'est donc pas perdu en l'espèce, l'immeuble donné n'étant plus grevé d'occupation ; que par ailleurs il résulte du procès-verbal d'ouverture des opérations et procès-verbal de lecture établis le 10 avril 2006 à 10 heures, que Maître A... devant lequel les parties ont comparu, leur a lu l'état des opérations de liquidation qu'il avait préparé en exécution des jugements de 1999 et 2005 l'ayant commis concernant les successions de leurs père et mère ; que cette lecture terminée, les parties ont fait 2 observations dont l'une relative au paiement de la soulte prévue à la charge de Monsieur X... en complément du rapport en moins prenant, points de désaccord que le notaire a exposés et enregistrés avant, en conséquence des contestations des parties, de les renvoyer à se pourvoir ainsi qu'il appartiendra ; que ce procèsverbal ne mentionne pas, et pour cause, que les parties ont signé l'état des opérations de comptes, liquidation et partage des biens ; que la copie de l'état produite par les deux parties ne porte aucune signature et que la mention de l'enregistrement portée à la fin de l'acte, a été prévue à l'avance par le notaire et ne porte pas davantage de cachet en confirmant l'exécution ; qu'il résulte d'une lettre de Maître A... du 16 avril 2008 que le procès-verbal d'ouverture des opérations indique qu'il a été pris connaissance des opérations de comptes, liquidation et partage des successions, que l'on y mentionne les points d'accord et de désaccord des parties et que dans la mesure où il existe une difficulté, Maître A... ne peut pas poursuivre les opérations, l'affaire étant renvoyée devant le Tribunal ; qu'il en résulte sans équivoque que l'état liquidatif n'a pas été signé par les parties ; qu'enfin le fait que Monsieur X... n'ait pas exprimé avant le 19 décembre 2006 la volonté de procéder à un rapport en nature n'exclut pas qu'il puisse le faire devant le juge saisi des difficultés ; que dès lors l'immeuble donné n'ayant pas fait l'objet de transfert de propriété et étant libre de charges et d'occupation, aucune autre condition n'étant mise par l'article 859 du Code Civil à l'exercice de son droit de substitution, le donataire peut exprimer un accord explicite et non équivoque sur un rapport en valeur (sic – au lieu de nature) jusqu'au partage ;

ALORS QUE, D'UNE PART, si en vertu de l'article 859 du Code Civil, l'héritier bénéficiaire d'une libéralité en avancement d'hoirie a la faculté de rapporter en nature le bien donné libre de toute charge ou occupation jusqu'à la concrétisation du partage, c'est à la condition évidente que l'acte de donation n'impose pas au donataire acceptant sans réserve la libéralité un rapport en moins prenant en son principe et en ses modalités ; qu'en l'espèce, l'acte de donation du 27 juillet 1984 contient sur le « rapport » une clause spécifique qui n'est pas de pure style en ce qu'elle stipule «expressément que le rapport en moins prenant à faire à la succession du DONATEUR sera de la valeur de cet immeuble à l'époque du partage d'après son état à l'époque de la donation » ; que l'arrêt qui prétend que cette clause ne serait qu'une simple clause de style par rappel de la règle générale visée à l'article 858 du Code Civil et que la seule exception à l'exercice de la faculté de demander le rapport en nature serait une stipulation contraire expresse de l'acte de donation imposant le rapport en nature, a donc violé ensemble les articles 859 et 1134 du Code Civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE si tant est que l'acte de liquidation du 10 avril 2006 n'ait pas été signé par les parties, il n'en résulte pas moins clairement de la teneur du procès-verbal de lecture de même date rédigé par le notaire liquidateur en présence des parties qu'« après lecture de l'acte liquidatif : les parties sont d'accord sur son contenu », incluant le rapport en valeur des libéralités en avancement d'hoirie consenties à Monsieur X... dont celle du 27 juillet 1984 – et ce, selon les termes figurant dans ces actes de donation ; que le seul point de désaccord à ce sujet se limite à un «problème de paiement de la soulte », Monsieur X... déclarant « ne pas être en mesure d'être assuré pour le risque décès au titre du prêt qu'il a sollicité auprès de la SOCIETE GENERALE pour le paiement de la soulte, ayant dépassé à ce jour l'âge de 75 ans, et ne pas être en mesure de payer comptant cette soulte sans l'obtention de ce prêt » ; mais que, comme le faisaient valoir les conclusions de sa cohéritière, cette prétendue impossibilité de payer la soulte résultait exclusivement de la carence de Monsieur X..., propriétaire de plusieurs immeubles, à ne pas avoir sollicité un prêt sans assurance auprès de la CAFPI, assureur spécialisé de clients atypiques mais solvables, dont « des personnes âgées pour lesquelles l'assurance est refusée », ou de ne pas avoir envisagé de vendre l'un de ses nombreux biens ; et que l'arrêt qui ne s'explique pas à ce sujet est entaché en conséquence d'un défaut de base légale au regard des articles 859 et 1134 du Code Civil, dans la mesure où les parties étaient d'accord en avril 2006 sur le principe et les modalités d'un rapport en valeur et où la prétendue impossibilité de Monsieur X... de payer la soulte était démentie par les pièces du débat, ce qui lui interdisait de demander après coup le rapport en nature ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART et surabondamment, la négation par l'arrêt de la signature des parties à l'acte de liquidation du 10 avril 2006 est démentie tout à la fois : par la correspondance du notaire liquidateur dont celle adressée directement au juge de première instance le 20 avril 2006 et qui a emporté sa décision, eu égard à la communication du « brevet de l'état des opérations des comptes liquidation et partage des biens dépendant des successions de Monsieur François X... et de Madame Paulette Y... veuve X... régularisé en mon étude le 10 avril 2006 ; la copie authentique du procès-verbal d'ouverture des opérations et procès-verbal de lecture, régularisé en mon étude le 10 avril 2006 » ; par le fait que, bien que les copies de ces actes remises aux parties ne comportent pas leur signature, la référence finale sur l'« Enregistrement à MONTPELLIER le 13 avril 2006. Bordereau 2006/325 case 1 (et) case 2. Reçu 125,00 €. Le receveur principal signé » implique nécessairement que l'original ou la copie certifiée pouvant seul être enregistré avait été signé par les parties ; et que la lettre subséquente de Maître A... du 16 avril 2008 déclarant ne pas pouvoir poursuivre les opérations eu égard au désaccord des parties sur une difficulté persistante et aggravée n'implique pas qu'à la date du 10 avril 2006 les actes en question n'aient pas été signés ; qu'il s'ensuit qu'à la date du 19 décembre 2006 où Monsieur X... a prétendu user de la faculté de demander le partage en nature, il était nécessairement forclos ; que l'arrêt a donc violé par fausse application en la cause l'article 859 du Code Civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.