par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



RETRACTER DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Rétracter

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La rétraction est le fait par une personne, une autorité, ou un magistrat de revenir sur une décision déjà prise. Il en est ainsi par exemple du droit du parent qui a consenti à l' adoption d'un de ses enfants et qui, dans les délais prévus par la loi, manifeste sa volonté d'annuler le consentement qu'il avait donné à cette adoption. C'est encore le cas de l'héritier qui après avoir déclaré renoncer à la succession qui lui est dévolue, décide de changer d'avis et qui décide de l'accepter et d'en payer le passif.

Le verbe rétracter s'emploi aussi dans le langage procédural. Il convient, à cet égard de rappeler que l'autorité de la chose jugée est acquise dès que le jugement est prononcé. Il ne peut alors être réformé que par les voies de recours prévues par la loi. L'autorité de la chose jugée, qu'il ne faut pas confondre avec le caractère définitif d'une décision qui n'est acquis que lorsque les délais pour exercer les voies de recours sont expirés ou que les recours ont été épuisés (on dit alors que le jugement est "passé en force de chose jugée"), s'impose aux parties comme au juge. Sauf ce qui sera dit ci-après pour la rectification des erreurs matérielles, le juge est dessaisi par le prononcé du jugement, il n'a pas compétence pour le rétracter et le modifier. Les parties n'ont que la ressource d'exercer les recours prévus par la loi lorsqu'ils leur sont encore ouverts.

Il n'y a que trois hypothèses dans lequel le juge peut rétracter un jugement. C'est le cas, soit que la décision comporte une erreur purement matérielle, soit que le jugement a été pris par défaut et que la partie défaillante y fait opposition. Il y a aussi rétractation en cas de recours en révision. En ce qui concerne la voie de l'opposition, on estime que lorsque la partie contre laquelle un jugement a été pris n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir ses moyens de défense, l'intéressé doit pouvoir revenir devant le même juge pour instituer un débat contradictoire. Dans ce cas, si le juge saisi à nouveau de l'affaire, décide de faire droit au recours dont il a été saisi, il "rétracte" sa décision. Notons que ce n'est pas l'acte d'opposition qui met le premier jugement à néant, mais la décision que prend le juge s'il décide de la "rétracter" après que la procédure ait été menée contradictoirement.

En cas de caducité de la citation faute de comparution du demandeur en application de l'article 468 du code de procédure civile, la déclaration de caducité peut être rapportée par le juge qui l'a prononcée, dans les conditions prévues par ce texte, de sorte qu'un appel ne peut être formé qu'à l'encontre de la décision du juge qui refuse de rétracter sa première décision, serait-elle entachée d'un excès de pouvoir. La rétractation de la déclaration de caducité de la citation entraînant par voie de conséquence celle des chefs de cette décision statuant sur les dépens et frais de l'instance éteinte par l'effet de la caducité, l'ouverture du recours en rétractation au demandeur exclut que celui-ci puisse interjeter appel de ces autres chefs du jugement (2e Chambre civile 20 avril 2017, pourvoi n°16-15934, BICC 869 du 15 octobre 2017 et Legifrance).

L'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire. La saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, de sorte qu'estt irrecevable la demande tendant à voir ordonner, en cas de rejet de la demande de rétractation, la mainlevée d'une mesure de séquestre (2e Chambre civile 27 septembre 2018, pourvoi n°17-20127, BICC n°895 du 1er février 2018 et Legifrance).

En ce qui concerne les décisions qui ne sont pas rendues au fond, elles ne "préjudicient pas au principal", en d'autres termes, elles ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée. Il en est ainsi des ordonnances de référé, des ordonnances sur requête, des mesure de mise en état, des mesures d'administration judiciaire. Ainsi, est jugée irrecevable le pourvoi formé contre une ordonnance d'un Président de chambre d'une cour d'appel ayant accueilli une requête tendant au remplacement du notaire désigné par un précédent arrêt pour procéder à la poursuite des opérations de compte, liquidation et partage d'une succession, dès lors que, lorsqu'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance pour en demander la rétractation et que la voie du pourvoi en cassation n'est ouverte que lorsque les autres voies de recours sont fermées. (Cass. 1ère Civ. - 15 mai 2008, BICC n°688 du 1er octobre 2008). L'article 497 du code de procédure civile n'exige pas que le juge de la rétractation soit la même personne physique que celle qui a ordonné la mesure critiquée (2e chambre civile 11 mars 2010, pourvoi n°09-66338, BICC n°726 du 15 juillet 2010 et Legifrance).

Dans ces cas, soit qu'il agisse de sa propre initiative, soit qu'il ait été saisi par l'une ou par l'autre des parties, le juge peut, s'il estime ce recours fondé, "rétracter" sa décision et, éventuellement remplacer sa première décision par une autre. Par exemple le juge des référés qui dans une première ordonnance a prescrit la mise sous séquestre d'un bien, décidera dans une seconde ordonnance d'annuler la mise sous séquestre et de la remplacer par un cautionnement.

Encore que l'emploi du mot "rétractation" ne soit pas exactement approprié, il est souvent utilisé par les praticiens au lieu et place de " droit de repentir", pour désigner la faculté reconnue, soit par l'effet de la Loi soit par l'effet d'un clause contractuelle, à l'un des contractant d'annuler les effets d'un congé. Ainsi en est il en matière de baux commerciaux : le bailleur peut renoncer au congé qu'il a fait délivrer au locataire. L'exercice du droit de repentir annule les effets du congé et il évite, par ce moyen, d'avoir à payer au locataire une indemnité d'éviction. Mais la Cour de cassation pose le principe que toutes les actions consécutives à la mise en oeuvre du droit de repentir, y compris dans le cadre de l'organisation de la fin des relations contractuelles doivent, toujours, être empreintes de bonne foi et que ce principe englobe, nécessairement, toutes les relations entre les parties avant et après la naissance et, la fin d'un contrat Ainsi, lorsque le bailleur ayant d'abord refusé la demande de renouvellement notifiée par le preneur sans offrir d'indemnité d'éviction, pour motif grave et légitime tiré du défaut réitéré du paiement du prix du bail, il lui notifie en cours d'instance qu'il exerce son droit de repentir, le Tribunal saisi peut retenir des circonstances de la cause que le revirement du bailleur traduisait sa volonté manifeste de mettre le locataire en difficulté, le but poursuivi étant de faire échec à tout risque de paiement d'une indemnité d'éviction. Il peut en déduire que l'exercice du droit de repentir du bailleur est fautif et juger que le preneur est alors en droit d'obtenir le paiement d'une indemnité d'éviction (3e Chambre civile 10 mars 2010, pourvoi n°09-10793, BICC n°726 du 15 juillet 2010 et Legifrance). Consulter aussi la note de Madame Chavance référencée dans la Bibliographie ci-après et Com., 16 mai 1949, pourvoi n° 39.283., Bull. 1949, II, n° 199 ; Com., 9 mai 1955, pourvoi n° 2.281., Bull. 1955, III, n° 159.

Le mot rétractation est également employé par la Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail pour désigner le droit pour le salarié, comme pour l'employeur, de résilier la convention par laquelle ils ont mis fin conventionnellement au contrat de travail.

Consulter aussi :

  • "Rectification"
  • "Rapport".

    Textes

  • Code de procédure civile, articles 572 (opposition), 488 (référé), 784 (ordonnance de clôture), 497 (ordonnance sur requête).
  • Décret n°53-960 du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux, articles 8 et s.
  • Décret n° 2008-1371 du 19 décembre 2008 portant application de l'Article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (Rétractation au profit de l'acquéreur de droits immobiliers par un non-professionnel)
  • Bibliographie

  • Bertin, Le référé aux fins de rétractation de l'ordonnance rendue sur la requête initiale en divorce, JCP 1984, I, 3146.
  • Chavance (E.), L'exercice par le bailleur de son droit de repentir est fautif dès lors que le preneur a engagé un processus irréversible de départ des lieux rendant impossible la continuation de l'exploitation du fonds dans les lieux, Revue Loyers et copropriété, n°5, mai 2010, commentaire n°141, p.24, note à propos de 3e Civ. 10 mars 2010.
  • Dagorne-Labbe (Y.), Promesse de vente - Acquéreur - Faculté de rétractation - Exercice - Effet, Observations sous 3e Civ. 13 février 2008, Bull. 2008, III, n°29, Dalloz, 5 juin 2008, n°22, pp.1530-1531
  • Hovasse (S.), Régime de la faculté de rétractation du preneur d'assurance-vie. La semaine juridique, éd. notariale et immobilière, n°43-44 24 octobre 2008, Jurisprudence, n°1318, pp. 33 à 37.
  • Mirabail (S.), La rétractation en droit privé français, Paris, LGDJ., 1997.
  • Motulsky, Les ordonnances sur requête dans la pratique judiciaire française - rapport de synthèse, Colloque de Lille, 1964, éd. LITEC, 1967.
  • Perrot (P.), Ordonnances sur requête. Rétractation : à quel moment le juge doit-il se placer ?, RTC janvier- mars 2002, n°1, pp. 146-148.
  • Viatte, Matière gracieuse et ordonnance sur requête, Gaz. Pal. 1976, Doctr. 622.

  • Liste de toutes les définitions