par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



MISE EN DEMEURE DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Mise en demeure

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"Demeure" vient du latin "mora" signifiant "retard". La mise en demeure est une interpellation formelle faite au débiteur qui n'a pas exécuté son obligation à son terme. Notons que l'appellation "mise en demeure" désigne à la fois le document qui est notifié au débiteur et les conséquences de sa réception. Une fois la mise en demeure notifiée on dit du débiteur, qu'"il est en demeure"

Ainsi qu'il résulte de l'article 1139 du Code civil, le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. La mise en demeure est donc une protestation invitant le débiteur à s'exécuter dans le délai qu'elle fixe, étant précisé qu'à défaut d'exécution volontaire la personne à laquelle elle est adressée, sera citée à comparaître devant la juridiction ayant compétence pour juger l'affaire. Cette interpellation, n'est efficiente que si la dette est liquide et exigible. La sommation dont il est question dans l'article 1139 ci-dessus est un acte d' huissier de Justice. Si le créancier n'a pas procédé à l'envoi d'une lettre recommandée ou s'il n'a pas fait faire une sommation par huissier, la citation à comparaître notifiée par l'huissier vaut par elle même mise en demeure.

Ayant constaté qu'une banque avait adressé aux emprunteurs une mise en demeure de régler la somme restant due, par une lettre recommandée qu'ils s'étaient abstenus de réclamer aux services postaux, une cour d'appel n'a pu qu'en déduire que l'action de la banque avait été régulièrement mise en oeuvre. (1ère Chambre civile 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20680, Legifrance).

En cas d'inexécution du contrat ou de retard dans cette exécution, et sauf cas fortuit ou force majeure, la date de l'envoi d'une mise en demeure transmise au débiteur génère une créance d'intérêts qui sont calculés soit au taux fixé par le contrat s'il le prévoit ou au taux légal, dans le cas contraire. Le débiteur en demeure doit payer. outre le principal et les frais de recouvrement. L'interpellation du débiteur indique que sauf exécution, le créancier sollicitera sa condamnation au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice que l'inexécution ou le retard, lui cause.

Le problème se pose de savoir si la réparation due au créancier d'une prestation non exécutée par le débiteur, est subordonnée à l'envoi par celui ci d'une mise en demeure ou si les dommages intérêts sont dus encore qu'aucune mise en demeure n'ai été signifiée au débiteur. Par arrêt du 6 juillet 2007 rendu par la Chambre mixte (BICC n°670 du 1er novembre 2007), sur le rapport de M. Héderer, Conseiller, et l'avis écrit de M. de Gouttes, Premier avocat général, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé qu'« une cour d'appel ayant retenu, par des motifs non critiqués, que l'inexécution du contrat par le vendeur était acquise et avait causé un préjudice à l'acquéreur en a exactement déduit qu'il y avait lieu d'allouer à ce dernier des dommages-intérêts. .". Le pourvoi du débiteur condamné était fondé sur les dispositions de l'article 1146 du code civil et apparemment la Cour a donné raison au débiteur en confirmant l'arrêt de la Cour d'appel. Cependant il convient de remarquer que la Cour de cassation n'a pas jugé l'affaire au fond, car si elle a rejeté le pourvoi du débiteur elle a motivé sa décision par la circonstance que l'arrêt lui était déféré, avait "retenu, par des motifs non critiqués, que l'inexécution du contrat était acquise et avait causé un préjudice au créancier. On ne sait donc pas ce qu'elle aurait jugé si les motifs de la Cour d'appel avait été critiqués de sorte que le problème reste entier. On notera que le Conseiller rapporteur avait fait remarqué que dans de nombreuses situations, la jurisprudence retient que la mise en demeure d'exécuter ne conditionne pas l'octroi de dommages-intérêts compensatoires. Il avait conclu en faveur de la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel, alors que de son côté, le Premier avocat général avait estimé qu'une mise en demeure suffisante résultait, en l'espèce, de l'assignation en résolution du contrat effectuée par l'acquéreur ou même d'une lettre adressée par le créancier au débiteur.

Voir aussi le mot ""Commandement"

Textes

  • Code civil, articles 1138, 1139, 1146 et s. 1230, 1392, 1652.
  • Code monétaire et financier, articles L214-36, L214-145, L431-4, L431-7-3. L512-80, L571-4, L572-2, D431-2.
  • Code de commerce, articles L145-17, L145-30, L145-47, L228-27, L235-6, L237-31, L321-14, L450-4, L522-31, L622-13, L741-2, L641-11-1. L651-3, L653-7, L654-17, R210-18, R221-10, R228-11, D144-4.
  • Bibliographie.

  • Allix, Réflexions sur la mise en demeure. JCP., 1977, I, 2844.
  • Bonneau (Th.), Rep. proc. civ. Dalloz - V° Mise en demeure.
  • Lagarde (X.), Remarques sur l'actualité de la mise en demeure, JCP 1996, Doctrine 3974, p. 423 et suiv.
  • Liron (R.), Essai sur la nature de la demeure du créancier d'après le droit suisse, éd. H. Jaunin, 1953.

  • Liste de toutes les définitions