par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 21 janvier 2016, 14-24795
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
21 janvier 2016, 14-24.795

Cette décision est visée dans la définition :
Hypothèque




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 15 juillet 2014), que, par bordereau du 30 juin 2011, la société Quincaillerie Saint-Jean a sollicité l'inscription d'une hypothèque judiciaire en vertu d'un titre exécutoire délivré par un huissier de justice à la suite du non-paiement d'un chèque ; que cette demande ayant fait l'objet d'un rejet par le conservateur des hypothèques, la société Quincaillerie Saint-Jean l'a assigné pour que soient ordonnés l'enregistrement et la publication de l'inscription d'hypothèque judiciaire ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que l'Etat fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par la société Quincaillerie Saint-Jean, alors, selon le moyen, que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice du défendeur ; que le conservateur des hypothèques n'a pas la personnalité juridique ; que dès lors, en retenant que le recours engagé par la société Quincaillerie Saint-Jean était recevable, cependant qu'elle avait relevé que cette société avait fait assigner le conservateur des hypothèques de Pointe-à-Pitre sans autre forme de précision, la cour d'appel a violé l'article 117 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le recours exercé par la société Quincaillerie Saint-Jean était dirigé contre la décision de rejet du 18 juin 2012 et ne mettait pas en cause la responsabilité du conservateur des hypothèques, et retenu que ce recours était conforme aux dispositions de l'article 26 du décret du 4 janvier 1955, la cour d'appel en a exactement déduit que le recours de la société Quincaillerie Saint-Jean était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 2396 du code civil ;

Attendu que, pour annuler la décision de rejet du bordereau d'inscription judiciaire et ordonner sa publication, l'arrêt retient que le titre litigieux n'est pas un certificat de non-paiement mais un titre exécutoire dressé le 6 janvier 2010 au visa de l'article L. 131-73, alinéas 3 à 5, du code monétaire et financier au bénéfice de la société Quincaillerie Saint-Jean par un huissier de justice, à la suite du non-paiement d'un chèque tiré au bénéfice de la société précitée par M. X..., que ce titre a été signifié le 7 janvier 2010 à celui-ci, à domicile, en lui ouvrant la voie du pourvoi en cassation, et que la remise de ce titre exécutoire doté de la force de chose jugé n'autorisait pas le rejet prononcé par le conservateur des hypothèques de Pointe-à-Pitre au visa de l'article 57-2 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un titre exécutoire délivré par un huissier de justice, qui n'est pas un jugement, n'autorise pas l'inscription d'une hypothèque judiciaire définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la décision de rejet du bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire déposé le 25 octobre 2011 et ordonne la publication du bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire, l'arrêt rendu le 15 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne la société Quincaillerie Saint-Jean aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour l'Etat français.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR, infirmant l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de grande instance de POINTE A PITRE le 19 août 2012, et statuant à nouveau, déclaré recevable et bien fondé le recours formé par la SARL QUINCAILLERIE SAINT-JEAN contre une décision de rejet d'une inscription d'hypothèque judiciaire de dix ans ;

AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, lorsqu'un document sujet à publicité dans un bureau d'hypothèque a fait l'objet d'un refus de dépôt ou de rejet de la formalité, le recours de la partie intéressée contre la décision du conservateur des hypothèques est porté, dans les 8 jours de la notification de cette décision devant le président du tribunal de grande instance du ressort duquel sont situés les immeubles. Il est statué comme en matière de référé. Aux termes de l'article 2450 du Code civil dans sa rédaction alors applicable, les conservateurs des hypothèques sont responsables du préjudice résultant du défaut de publication des actes et décisions judiciaires déposés à leur bureau, et des inscriptions requises, toutes les fois que ce défaut de publication ne résulte pas d'une décision de refus ou de rejet. En l'espèce, la décision de rejet rendue le 18 juin 2012 par l'adjoint du conservateur des hypothèques de Pointe à Pitre, M. Jean-Pierre Y..., et notifié par lettre avec accusé de réception du 20 juin 2012, rappelait expressément qu'un recours contre cette décision pouvait être porté dans les huit jours de la présente notification devant le président du tribunal de grande instance en rappelant l'article 26 précité. Par acte d'huissier du 27 juin 2012, la SARL Quincaillerie Saint Jean fait assigner le conservateur des hypothèques de Pointe-à-Pitre en contestant le motif du rejet retenu par cette décision. En aucun cas, d'une part, le recours ainsi exercé ne met en cause la responsabilité du conservateur des hypothèques de Pointe-à-Pitre, auteur de la décision, qu'il n'est au demeurant pas, et ce qui, surabondamment, eut été difficile au regard des dispositions de l'article 2450 susvisé. D'autre part, le recours critiqué s'est conformé aux dispositions de l'article 26 précité qui n'exige aucune spécification particulière en cas de non mise en jeu de la responsabilité du conservateur des hypothèques auteur de la décision contestée. Dès lors, infirmant la décision déférée, il y a lieu de déclarer recevable le recours engagé par la SARL Quincaillerie Saint Jean » (arrêt p. 3) ;

1°) ALORS QUE constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice du défendeur ; que le conservateur des hypothèques n'a pas la personnalité juridique ; que dès lors, en retenant que le recours engagé par la société QUINCAILLERIE SAINT JEAN était recevable, cependant qu'elle avait relevé que cette société avait fait assigner le conservateur des hypothèques de POINTE-A-PITRE sans autre forme de précision (arrêt p. 3), la cour d'appel a violé l'article 117 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le refus abusif de dépôt peut être sanctionné par une mise en oeuvre de la responsabilité civile du conservateur des hypothèques ; qu'au cas présent, pour déclarer recevable le recours de la société QUINCAILLERIE SAINT JEAN qui pourtant ne désignait pas le conservateur des hypothèques en exercice, la cour d'appel a exclu, par référence à l'article 2450 du Code civil, la possibilité d'une mise en cause de sa responsabilité dans l'hypothèse d'une décision de refus ou de rejet ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'article 2452 du Code civil prévoit l'indemnisation des parties dans des hypothèses ou le refus ou le retard dans l'exécution d'une formalité ne relève pas des cas énumérés par la loi, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 2450 du Code civil, ensemble l'article 2452 dudit code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR, par infirmation de l'ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal de grande instance de Pointe à Pitre le 19 août 2012, et, statuant à nouveau, annulé la décision de rejet et ordonné la publication d'une inscription d'hypothèque judiciaire de dix ans ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le bien fondé du recours : Aux termes de l'article 2396 alinéa 2 du Code civil, l'hypothèque judiciaire est celle qui résulte des jugements. Aux termes de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. L'article L.111-3 du même code précise que « seuls constituent des titres exécutoires¿ 5° le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non paiement d'un chèque ». En l'espèce, d'une part, le titre litigieux n'est pas un certificat de non paiement mais un titre exécutoire dressé, au visa de l'article L. 131-73 alinéas 3 à 5 du code monétaire et financier, le 6 janvier 2010 au bénéfice de la SARL Quincaillerie Saint-Jean par la SCP Mathurin-Paulin-Mathurin-Hatty-Bourgeois, huissiers de justice associés à Pointe-à-Pitre, à la suite du non paiement d'un chèque de 107 428,16 ¿ tiré au bénéfice de la SARL précitée par M. Jean-Pierre X.... D'autre part, ce titre a été signifié le 7 janvier 2010 à M. Jean Pierre X..., à domicile, en lui ouvrant la voie du pourvoi en cassation. Ainsi, la remise de ce titre exécutoire doté de la force de chose jugée, le pourvoi en cassation n'étant pas suspensif, n'autorisait pas le rejet prononcé par le conservateur des hypothèques de Pointe-à-Pitre au visa de l'article 57-2 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955. Ajoutant à la décision déférée, il y a lieu d'annuler la décision rendue le 27 janvier 2012, notifiée le 20 juin 2012 et portant rejet du bordereau d'inscription d'hypothèque judiciaire déposé le 4 juillet 2011 sous le numéro 2011D 06183, formalité initiale du 4 juillet 2011 volume 2011 V n° 1105, ce bordereau étant parfaitement valable. L'équité commande d'allouer la somme de 2500 ¿ à l'appelante. L'intimé qui succombe supportera les dépens et les frais consécutifs à la décision de rejet. » (arrêt p.3) ;

1°) ALORS QUE le titre exécutoire délivré par huissier n'est pas un jugement ; qu'il ne permet donc que la prise d'une inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire, provisoire, relevant des dispositions de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et de son décret d'application n° 92-755 du 31 juillet 1992, distincte de l'hypothèque judiciaire attachée aux jugements de condamnation, découlant de plein droit de ces jugements et devant être confirmée par une inscription définitive ; que dès lors en annulant la décision de rejet et en ordonnant la publication d'une inscription d'hypothèque judiciaire de dix ans prise en vertu d'un titre exécutoire dressé par huissier consécutif à la délivrance d'un certificat de non-paiement d'un chèque, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles R. 531-1 à R. 533-6 du Code des procédures civiles d'exécution ;

2°) ALORS QUE le titre exécutoire délivré par huissier n'est pas un jugement ; qu'il ne permet donc que la prise d'une inscription d'hypothèque judiciaire conservatoire, provisoire, relevant des dispositions de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et de son décret d'application n° 92-755 du 31 juillet 1992, distincte de l'hypothèque judiciaire attachée aux jugements de condamnation et découlant de plein droit de ces jugements, et devant être confirmée par une inscription définitive ; que dès lors, en annulant la décision de rejet et en ordonnant la publication d'une inscription d'hypothèque judiciaire de dix ans prise en vertu d'un titre exécutoire dressé par huissier consécutif à la délivrance d'un certificat de non-paiement d'un chèque, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2396 du Code civil ;

3°) ALORS QUE, enfin, tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'au cas présent L'ETAT FRANÇAIS, aux termes de ses conclusions d'appel, faisait valoir que le titre délivré par l'huissier de justice en cas de non-paiement d'un chèque ne permettait à la SARL QUINCAILLERIE SAINT JEAN que de prendre une inscription provisoire conformément à l'article R. 532-1 du Code des procédures civiles d'exécution, devant être confirmée par la suite par une inscription définitive ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, ne serait-ce que pour l'écarter, la cour d'appel a privé sa décision de motifs par violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE, en toute hypothèse, le pourvoi n'étant ouvert qu'à l'encontre de jugements rendus en dernier ressort, le titre exécutoire dressé par huissier au visa de l'article L. 131-73 alinéas 3 à 5 du Code monétaire et financier n'est pas susceptible de ce recours ; que dès lors, en retenant que la signification à la société QUINCAILLERIE SAINT JEAN d'un tel titre lui avait ouvert la voie du pourvoi en cassation, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 605 du Code de procédure civile.



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Hypothèque


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.