par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 4 novembre 2014, 13-18024
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Cour de cassation, chambre commerciale
4 novembre 2014, 13-18.024

Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Dubus que sur le pourvoi incident relevé par la société ITC Global Services Limited (la société ITC) ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par contrat d'agent commercial conclu le 6 janvier 2010, d'une durée indéterminée, la société Dubus a consenti à la société ITC le droit exclusif de promouvoir, dans une certaine zone géographique, les services de courtage exercés par la société Dubus sur les « crédits de carbone », et notamment sur les certificats de « droit à émettre » émis par certains Etats (« Certified Emissions Reductions ou CERS ») ; que la société ITC, après avoir mis la société Dubus en demeure d'exécuter ses obligations, lui a notifié la rupture des relations contractuelles à ses torts le 22 novembre 2010, et l'a fait assigner en indemnisation des préjudices subis ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 134-12 du code de commerce ;

Attendu que pour condamner la société Dubus au paiement d'une somme de 75 000 euros en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'arrêt retient que l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi peut être évaluée par référence aux opérations au titre desquelles le principe d'une commission était acquis ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le contrat n'avait pu donner lieu au paiement d'aucune commission, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 1147 du code civil, ensemble l'article 4 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande formée au titre de la perte de commissions par suite des manquements du mandant dans l'exécution de ses obligations, l'arrêt retient qu'en l'absence de donnée fiable sur le volume et le prix des CERS cédés, les éléments versés aux débats par la société ITC ne permettent pas de calculer la réalité de son préjudice ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société ITC avait apporté à la société Dubus des clients et que cette dernière n'avait pas exécuté loyalement ses engagements en entravant l'action de son agent, et constaté l'existence d'opérations au titre desquelles le principe d'une commission était acquis, ce dont il résultait que la réalité du préjudice était établie, la cour d'appel, qui a refusé d'en évaluer le montant, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Dubus à payer à la société ITC Global Services Limited la somme de 75 000 euros à titre d'indemnité de rupture et rejeté la demande de la société ITC Global Services Limited au titre de la perte de commissions, l'arrêt rendu le 12 mars 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Dubus, demanderesse au pourvoi principal.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir condamné la société DUBUS à payer à la société ITC une somme de 75 000 € à titre d'indemnité compensatrice de rupture ;

AUX MOTIFS QUE « la société ITC fait état d'un préjudice au titre de la perte des gains espérés de 1.786.242 euros en produisant deux tableaux (pièces 22 et 24) établis par elle-même dans lesquels elle reprend une estimation du nombre de CERS générés par sept projets dont quatre projets BLY pour des provinces dans lesquelles la société DUBUS n'est pas intervenue ;
Qu'en se référant aux modalités de calcul de la rémunération de l'agent prévues par l'annexe 3 du contrat, auxquelles il est renvoyé, le tribunal a retenu une perte de gain pour le seul projet GOA SUD de 27.490 euros ;
Que, toutefois, en l'absence d'éléments fiables sur le volume et le prix des CERS cédés les éléments versés aux débats par la société ITC ne permettent pas de calculer la réalité de son préjudice au titre de la perte de commissions ;
Que la société ITC doit également être déboutée de sa demande au titre d'un préjudice d'image dont elle ne justifie aucunement ;
Qu'elle a droit, en revanche, par application de l'article L. 134-12 du code de commerce à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, laquelle peut être évaluée, compte tenu des pièces produites et du nombre de CERS considérés par les opérations au titre desquelles le principe d'une commission était pourtant acquis mais en l'absence de référence possible au paiement antérieur de commissions, à la somme de 75.000 euros » ;

1/ ALORS QUE l'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice subi qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties ; qu'il appartient donc à l'agent commercial qui sollicite le paiement d'une indemnité de cessation de contrat d'établir l'existence et le montant des rémunérations acquises en exécution de son mandat ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté, d'une part, que la société ITC n'avait jamais reçu paiement de commissions, relevant à cet égard « l'absence de référence possible au paiement antérieur de commissions » (arrêt, p. 5, alinéa 10), et, d'autre part, que la société ITC n'avait subi aucun préjudice du fait de cette absence de paiement puisque « la réalité de son préjudice au titre de la perte de commissions » (arrêt, p. 5, alinéa 8) n'était pas établie, et l'a, en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre ; que l'exécution du contrat n'ayant jamais procuré le moindre revenu à la société ITC, sans que cette absence de rémunération ne soit la source d'un quelconque préjudice, il en résultait que la rupture du contrat d'agent commercial ne causait aucune perte à la société ITC ; qu'en décidant cependant que la société ITC était en droit d'obtenir une indemnité de rupture, qu'elle a évaluée à une somme de 75 000 €, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

2/ ALORS QUE la Cour d'appel a expressément relevé « l'absence d'éléments fiables sur le volume et le prix des CERS » qu'aurait pu acquérir la société DUBUS par l'intermédiaire de la société ITC si les contrats d'achats de crédit de carbone avaient été conclus (arrêt, p. 5, alinéa 8) ; que pour évaluer à une somme de 75 000 € le montant de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, la Cour d'appel a statué « compte tenu des pièces produites et du nombre de CERS considérés » (arrêt, p. 8, alinéa 10) ; qu'en prétendant ainsi se fonder sur le nombre de CER, tout en constatant qu'il n'existait aucun élément fiable sur ce nombre de CER, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société ITC Global Services Limited, demanderesse au pourvoi incident.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, s'il a octroyé à juste titre une indemnité au titre de l'impossibilité d'exploiter à l'avenir la clientèle, il a rejeté en revanche la demande d'indemnité en tant qu'elle visait à obtenir réparation du préjudice lié à la perte de commission ;

AUX MOTIFS QU' « il ressort des nombreux mails échangés entre les parties que dès le 4 février 2010, la Société ITC écrivait à la Société DUBUS « nous souhaitons apporter à la Société DUBUS INDIA des projets sur lesquels nous nous sommes d'ores et déjà positionnés, avec des procédures d'appel d'offres restreints qui seront lancés dans les prochaines semaines » ; que le 3 mai 2010, la Société ITC informait également la SA DUBUS de projets d'appels d'offres pour les actions ADANI POWER, RCF, GNVFC et NFL ; qu'or la Société DUBUS qui reproche, dans le cadre de la présente procédure, à la Société ITC de ne pas avoir rempli ses obligations et qui prétend ne pas avoir souhaité s'engager dans des procédures d'appel d'offre ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait, à l'époque, rappelé à son cocontractant la nécessité de procéder par ventes de gré à gré ;qu'au surcroît, il est démontré que par lettre du 6 mai 2010 transmise à M. X... le 19 mai suivant, la SA DUBUS a confirmé qu'elle serait le partenaire financier de la société NUVO INDIA pour le programme d'ampoules économes en énergie CDM, appelé "Bachat Lainp Yojana" ou "BLY" par ailleurs. Contrairement à ce qu'elle soutient, ce document prouve que la SA DUBUS a accepté de participer à un appel d'offre ; qu'il est également démontré, par la lettre du gouvernement de GOA en date du 23 septembre 2010, que la société NUVO a remporté cet appel d'offre ; que la SA DUBUS ne démontre pas, pour sa part, avoir transmis les informations demandées dès le 27 septembre 2010 de nature à permettre la poursuite de la procédure. S'agissant du projet ADANI, il est établi par les mails échangés entre le 22 juin 2010 et le 24 septembre 2010 que la société ITC était dans l'attente d'une proposition de prix ferme de la part de la SA DUBUS, laquelle ne s'est pas exécutée contrairement à ce qu'elle avait laissé entendre ni expliquée sur les raisons de son silence ; que s'agissant, enfin, du projet CDM de NFL, la preuve du succès par le consortium NUVO, DUBUS et DELOITTE à l'appel d'offre annoncé par mail du 24 septembre 2010 est rapportée par la lettre du 31 janvier 2011 produite par la société ITC ; qu'il se déduit de ses éléments que la société ITC a rempli ses obligations en apportant à la SA DUBUS des clients en vue de la conclusion de contrats d'achats et de vente de crédits carbone ; que la SA DUBUS, en revanche, qui ne justifie pas plus des autres griefs invoqués à l'égard de son agent tels que le problème de la rémunération en CERS plutôt qu'en espèces, de l'identification des numéros de CERS ou de MDP, n'a pas exécuté loyalement ses engagements dès lors qu'elle a manifestement entravé l'action de son agent et n'a pas fait diligence en suite de la lettre du 15 octobre 2010 et de la mise en demeure du 22 novembre suivant que la société 1TC et son conseil lui ont adressé ; que la société 1TC fait état d'un préjudice au titre de la perte des gains espérés de 1.786.242 € en produisant deux tableaux (pièces 22 et 24) établis par elle-même dans lequel elle reprend une estimation du nombre de CERS générés par sept projets dont quatre projets BLY pour des provinces dans lesquelles la société DUBUS n'est pas intervenue ; qu'en se référant aux modalités de calcul de la rémunération de l'agent prévues par l'annexe 3 du contrat, auxquelles il est renvoyé, le tribunal a retenu une perte de gain pour le seul projet GOA SUD de 27.490 € ; que toutefois, en l'absence d'éléments fiables sur le volume et le prix des CERS cédés les éléments versés aux débats par la société ITC ne permettent pas de calculer la réalité de son préjudice au titre de la perte de commissions ; que la société ITC doit également être déboutée de sa demande au titre d'un préjudice d'image dont elle ne justifie aucunement ; qu'elle a droit, en revanche, par application de l'article L 13.442- du code de commerce à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, laquelle peut être évaluée, compte tenu des pièces produites et du et du nombre de CERS considérés par les opérations au titre desquelles le principe d'une commission était pourtant acquis mais en l'absence de référence possible au paiement antérieur de commissions à la somme: de 75.000 € » ;

ALORS QU'après avoir constaté que la Société ITC avait satisfait à ses obligations en accomplissant des diligences et en obtenant des marchés, les juges du fond ont relevé en revanche que la Société DUBUS avait fait preuve de déloyauté ; que les juges du fond ont encore constaté que par l'effet des diligences accomplies par la Société ITC, des appels d'offres ont été remportés (p.5, alinéa 2 et p.5 alinéa 4) ; qu'ils en ont déduit que la Société ITC avait rempli ses obligations en apportant à la Société DUBUS des clients, la conclusion de contrats d'achat et de vente de crédits de carbone ; qu'ayant mis ainsi en évidence le principe d'un préjudice découlant de la perte de commissions, la cour d'appel ne pouvaient rejeter la demande, formulée au titre de cette perte, au motif qu'elle ne disposait pas d'élément fiable sur le volume ou le prix des CERS cédés et qu'ainsi elle n'était pas en mesure de calculer la réalité du préjudice ; qu'en effet, l'incertitude où elle se trouvait avait trait non pas au principe du préjudice, mais à son étendue ; qu'en pareil cas, le juge ne peut rejeter la demande sans avoir préalablement procédé à des investigations au besoin en prescrivant une expertise ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1137 et 1147 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.