par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 21 septembre 2011, 10-21900
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 3ème chambre civile
21 septembre 2011, 10-21.900

Cette décision est visée dans la définition :
Bail à construction




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2010), que, suivant acte authentique du 7 octobre 1988, suivis par des avenants des 22 septembre 1989 et 5 mars 1990, la commune de Cannes a consenti à la société Noga Hôtel Cannes un bail à construction d'une durée de soixante-quinze ans sur un terrain situé 50 boulevard de la Croisette à Cannes ; qu'en contrepartie de la jouissance d'une assiette foncière déterminée, la société Noga Hôtel Cannes s'était engagée à faire construire un ensemble immobilier à usage d'hôtel de luxe, de casino, de salle de spectacle, de galeries commerciales et de parkings dont le coût s'est élevé à 132 750.000 euros et à acquitter un loyer annuel de 762,25 euros ; que, sur poursuite des banques, créancières de la société Noga Hôtel Cannes, un jugement du 9 février 2006 a adjugé le bail à construction à la société Jesta Fontainebleau ; que la commune de Cannes a, par acte du 26 mai 2006, assigné cette société aux fins de voir, à titre principal, constater l'inexistence du contrat de bail à construction, à titre subsidiaire, prononcer sa nullité ;

Attendu que la commune de Cannes fait grief à l'arrêt de déclarer son action prescrite par application de l'article 1304 du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'un bail, quelle qu'en soit la durée, implique la fixation d'un loyer sérieux ; qu'en estimant que le prix dérisoire affectant la convention de bail à construction ne pouvait être sanctionné par l'inexistence du bail, mais exclusivement par l'absence de cause, la cour d'appel a violé l'article 1108 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, le contrat conclu sans prix sérieux est affecté d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'objet, élément essentiel du contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun ; qu'en estimant cependant que l'action de la commune de Cannes était soumise à la prescription de cinq ans, la cour d'appel a violé l'article 1126 du code civil, ensemble l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le contrat de bail à construction conclu pour un prix dérisoire ou vil n'était pas inexistant mais nul pour défaut de cause et en a exactement déduit que l'action en nullité de ce contrat, qui relevait d'intérêt privé, était, s'agissant d'une nullité relative, soumise à la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune de Cannes aux dépens ;

Vu l'article 700:du code de procédure civile, rejette la demande de la commune de Cannes, la condamne à payer à la société Jesta Fontainebleau la somme de 2 500 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour la commune de Cannes.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la ville de Cannes à l'encontre de la société JESTA FONTAINEBLEAU prescrite par application de l'article 1304 du code civil ;

Aux motifs que « pour écarter la prescription quinquennale de l'article 1304 du Code civil invoquée par la société intimée, la commune appelante objecte la notion d'inexistence – qui serait imprescriptible – et la prescription trentenaire de l'article 2262 du Code civil, l'action en nullité étant fondée sur l'absence d'objet et non de cause.

La théorie de l'inexistence du bail du 07 octobre 1988 au motif que "le loyer n'est ni réel ni substantiel et n'offre aucune contrepartie économique ni avantage économique à la ville de Cannes" ne repose, comme le relève à juste raison la société intimée, sur aucun fondement légal. Le législateur n'a prévu en matière contractuelle que la sanction de la nullité dans l'hypothèse où l'un des éléments essentiels et déterminants constituant la convention fait défaut (consentement – cause – objet).

La référence à l'existence d'un vil prix ou d'un prix dérisoire ne relève que d'une absence de cause au sens de l'article 1131 du code civil, susceptible d'entraîner l'annulation de la convention. L'action de la ville de Cannes fondée sur un prix dérisoire ou vil ne pourrait, en toute hypothèse, aboutir qu'à une annulation du bail pour défaut de cause.

Le point de départ de la prescription est celui de l'acte, de sorte que l'action ayant été initiée en mai 2006, alors que le bail est d'octobre 1998, le délai de prescription de l'article 1308 du Code civil est acquis.

La Ville de Cannes ne peut utilement tenter de faire partir le délai e prescription au 23 novembre 2005, date à laquelle a obtenu des services des domaines, la fixation de la valeur vénale de son assiette foncière en vue de la cession éventuelle de ladite assiette.

Elle soutient que le vice du consentement déterminé par une erreur substantielle et déterminante sur le prix du loyer n'est donc apparu qu'à cette date.

Cette thèse ne peut être admise dans la mesure où les pièces produites aux débats illustrent le fait que les modalités économiques de l'opération ont été menées après appel d'offres et examen de différentes propositions.

L'intimée rappelle à raison à cet égard, que NOGA avait proposé d'acquérir le foncier pour 50 millions de francs ou encore d'acquitter pendant la durée d'un bail emphytéotique une rente annuelle de 2 millions de francs, avant d'accepter un paiement en capital de 38 millions de francs, la première offre étant de 35 millions de francs.

D'autres candidats avaient d'ailleurs fait des offres d'un montant moindre tel la Banque Industrielle Immobilière privée (30 millions avec bail emphytéotique de 75 ans et promesse de bail commercial en fin de période).

De plus, le bail à construction passé avec NOGA prévoit la remise de la totalité des constructions en fin de bail. La Ville de Cannes ne peut prétendre avoir ignoré le prétendu vil prix sur lequel elle fonde sa prétention dès la conclusion du bail à construction puisque selon sa thèse l'assiette foncière a été valorisée à 375 000 francs, payables en 75 ans.

La prescription ne peut davantage être celle de l'article 2262 du Code civil relatif aux actes de pure faculté et à ceux de simple tolérance qui ne peuvent fonder ni possession ni prescription. La prescription trentenaire ne peut au demeurant jouer que pour la protection d'intérêt d'ordre public, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant d'une action relevant d'intérêt privé, dès lors soumise à l'article 1304 du code civil » ;

Alors, d'une part, que l'existence d'un bail, quelle qu'en soit la durée, implique la fixation d'un loyer sérieux ; qu'en estimant que le prix dérisoire affectant la convention de bail à construction ne pouvait être sanctionné par l'inexistence du bail, mais exclusivement par l'absence de cause, la Cour d'appel a violé l'article 1108 du code civil ;


Alors, d'autre part et en tout état de cause, que le contrat conclu sans prix sérieux est affecté d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'objet, élément essentiel du contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun ; qu'en estimant cependant que l'action de la société exposante était soumise à la prescription de cinq ans, la Cour d'appel a violé l'article 1126 du code civil, ensemble l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.



site réalisé avec
Baumann Avocat Droit des affaires

Cette décision est visée dans la définition :
Bail à construction


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.