par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 8 avril 2011, 10-25354
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
8 avril 2011, 10-25.354
Cette décision est visée dans la définition :
Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
Vu l'article 23-5, dernier alinéa, de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que si, lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé, il peut n'être pas sursis lorsqu'elle est tenue de statuer en urgence ;
Attendu que le renvoi, par arrêt de ce jour, devant le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. X... n'emporte pas sursis à statuer dès lors que la situation de celui-ci impose de se prononcer en urgence ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, que l'hospitalisation d'office de M. X... a été ordonnée par arrêté préfectoral du 20 septembre 1995, renouvelé les 20 octobre 1995 et 19 juillet 1996 ; qu'un juge des libertés et de la détention a rejeté sa requête du 21 juin 2010 tendant à sa sortie immédiate ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'ordonnance relève que la demande de M. X... est fondée sur le caractère irrégulier de la mesure d'hospitalisation d'office qui n'aurait pas été renouvelée dans les délais prévus par l'article L. 3213-4 du code de la santé publique et que cette contestation, qui ne porte pas sur une nécessité médicale, relève de la compétence de la juridiction administrative ;
Qu'en statuant ainsi, alors que M. X... soutenait également dans ses conclusions que son état ne présentait pas une quelconque dangerosité actuelle au sens de l'article L. 3213-1 du même code, la cour d'appel en a dénaturé les termes et a ainsi méconnu l'objet du litige en violation du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 30 juillet 2010, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel d'Angers ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes qui a rejeté la demande de sortie immédiate du requérant
AUX MOTIFS QUE
Considérant que Jean-Louis X..., hospitalisé sans son consentement au centre hospitalier Guillaume Régnier de Rennes, a saisi le 21 juin 2010 le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Rennes d'une requête tendant à obtenir sa sortie immédiate ;
Que, par l'ordonnance en date du 12 juillet 2010 dont appel, le juge des libertés et de la détention a rejeté la requête présentée par M. X..., après avoir relevé : " M. X... a été placé en hospitalisation d'office antérieurement à l'ordonnance de non lieu du juge d'instruction prise en application de l'article 122-1 du code pénal. Il résulte du principe de séparation des pouvoirs que le juge judiciaire n'est pas compétent pour statuer sur la régularité de l'arrêté de placement pris par le Préfet d'Ille et Vilaine le 20 septembre 1995, un recours étant pendant devant le tribunal administratif de Rennes " ;
Considérant que l'appelant fait grief au premier juge de s'être estimé incompétent ; Qu'il rappelle qu'il a été initialement placé en hospitalisation d'office par arrêté du 20 septembre 1995 et que cet arrêté a été renouvelé le 20 octobre 1995 ;
Qu'il fait valoir que la mainlevée de son hospitalisation d'office est acquise dès lors que l'arrêté préfectoral n'est pas intervenu dans les trois jours précédent l'expiration du premier mois d'hospitalisation mais le jour même de son expiration ;
Qu'il ajoute que le dernier arrêté est daté du 19 juillet 1996 et n'a donné lieu à aucun arrêté ultérieur ;
Qu'il sollicite l'infirmation de la décision déférée et sa sortie immédiate ;
Considérant que le Préfet d'Ille et Vilaine, représenté à l'audience, demande la confirmation de l'ordonnance entreprise ;
Qu'il soutient que c'est à bon droit que le juge des libertés et de la détention s'est estimé incompétent pour statuer sur la requête déposée par M. X... ;
Considérant que M. le Procureur Général indique qu'il est d'avis de rejeter la requête présentée par M. X... et, subsidiairement, d'ordonner une expertise psychiatrique
Considérant que la demande de sortie immédiate de M. X... est fondée sur le caractère irrégulier de la mesure d'hospitalisation d'office qui, selon le requérant, n'aurait pas été renouvelée dans les délais prévus à l'article L 3213-4 du code de la santé publique ;
Que sa contestation porte donc bien sur la régularité de son hospitalisation d'office, puis de son maintien en établissement psychiatrique ;
Qu'une telle contestation, qui ne porte pas sur la nécessité médicale de l'hospitalisation d'office, ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, mais de la compétence de la juridiction administrative, au demeurant déjà saisie par l'intéressé
Qu'il convient, dans ces conditions, de confirmer l'ordonnance entreprise.
ALORS QUE dénature les conclusions et méconnaît les termes du litige le juge qui en limite le contenu ; que l'exposant avait fait valoir qu'il n'apparaît pas que son « état présente aujourd'hui une quelconque dangerosité actuelle au sens de l'article L 3213-1 du code de la santé publique » ; qu'en se bornant à considérer que la contestation porte sur la régularité de l'hospitalisation d'office, puis du maintien en établissement psychiatrique et ne porte pas sur la nécessité médicale de l'hospitalisation d'office et ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, mais de la compétence de la juridiction administrative, le Conseiller, par délégation du Premier Président de la Cour d'appel a dénaturé les conclusions dont il était saisi et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle, le juge des libertés et de la détention étant spécialement compétent pour ordonner à tout moment la sortie immédiate de la personne maintenue en hospitalisation d'office sans base légale ; qu'en l'espèce il résulte des propres constatations de la décision attaquée que le dernier arrêté du représentant de l'Etat dans le département ayant maintenu l'hospitalisation était daté du 19 juillet 1996 et n'avait donné lieu à aucun arrêté ultérieur ; qu'en présence d'une hospitalisation aussi manifestement irrégulière, le Conseiller, par délégation du Premier Président de la Cour d'appel ne pouvait se borner à relever son incompétence au profit de la juridiction administrative mais était tenu de mettre immédiatement fin à la détention arbitraire qu'il constatait, à peine de violer les articles L. 3213-4 et L. 3211-12 du code de la santé publique, 66 de la Constitution ;
ALORS QUE pour respecter les exigences de l'article 5 § 1 e) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une privation de liberté doit être « régulière » et effectuée « selon les voies légales » ; qu'il résulte des propres constatations de la décision attaquée que le dernier arrêté du représentant de l'Etat dans le département ayant maintenu l'hospitalisation était daté du 19 juillet 1996 et n'avait donné lieu à aucun arrêté ultérieur, qu'ainsi la privation de liberté du requérant postérieurement au 19 janvier 1997 n'a pas été effectuée selon les voies légales ; qu'en refusant dès lors d'ordonner la sortie immédiate de la personne maintenue en hospitalisation d'office sans décision du représentant de l'Etat à l'issue de chacun des délais prévus par l'article L. 3213-4 du code de la santé publique, la décision attaquée a violé ensemble les articles L. 3213-4 du code de la santé publique et 5 § 1 e) de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS QU'en prévoyant que l'hospitalisation d'office peut être maintenue dans les trois jours précédant l'expiration du premier mois d'hospitalisation sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire et qu'au-delà de cette durée, l'hospitalisation peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes de six mois maximum renouvelables selon les mêmes modalités, toujours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, les dispositions de l'article L. 3213-4 du code de la santé publique méconnaissent les exigences de l'article 66 de la Constitution ; que la déclaration de nonconformité à la Constitution de ces dispositions que prononcera le Conseil constitutionnel privera de toute base légale la décision attaquée.
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Cette décision est visée dans la définition :
Question prioritaire de constitutionnalité (QPC)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.