par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 10 novembre 2010, 09-14728
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 2ème chambre civile
10 novembre 2010, 09-14.728

Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 26 juin 2008), que Mme X... a confié à M. Y... la réalisation de travaux dont elle a estimé qu'ils avaient été exécutés de manière défectueuse ; qu'un tribunal correctionnel, par un jugement du 25 février 2003, a déclaré M. Y... coupable, notamment, d'usage de faux au préjudice de Mme X..., a reçu celle-ci en sa constitution de partie civile, a déclaré M. Y... responsable du préjudice subi et l'a condamné à verser un euro à titre de dommages-intérêts ; que Mme X... ayant ensuite demandé par la voie civile l'indemnisation de son préjudice matériel résultant des malfaçons et celle de son préjudice moral, M. Y... a soulevé la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du tribunal correctionnel ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que si le demandeur doit présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il ne peut devant le juge pénal fonder sa demande de réparation du préjudice résultant d'une tentative d'escroquerie sur la mauvaise exécution d'un contrat d'entreprise ; d'où il résulte qu'en opposant l'autorité de la chose jugée par le jugement correctionnel du 25 février 2003 qui avait alloué à Mme X... un euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice trouvant sa source dans la tentative d'escroquerie à sa demande portée devant le juge civil en réparation du préjudice différent résultant de la mauvaise exécution du contrat d'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

2°/ que le jugement du 25 février 2003 en allouant à Mme X... la somme symbolique de un euro s'était borné à réparer le préjudice trouvant sa source dans l'infraction, de telle sorte que n'ayant pas statué sur la demande de réparation du préjudice né de la mauvaise exécution du contrat d'entreprise, la cour d'appel ne pouvait dire irrecevable cette demande portée devant le juge civil comme se heurtant à la chose jugée par le jugement correctionnel, sans violer l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le tribunal correctionnel, statuant par une décision définitive, avait alloué une indemnisation à Mme X... au titre de la réparation de l'ensemble de ses préjudices, la cour d'appel a exactement retenu que la nouvelle demande, qui visait à indemniser les mêmes préjudices, se heurtait à l'autorité de la chose déjà jugée, de sorte qu'elle était irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour Mme X....

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté l'ensemble des demandes présentées par Mme X... contre M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE « le 25 février 2003, le tribunal correctionnel de Riom a condamné M. Y... à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 4.000 € d'amende pour faux et tentative d'escroquerie ainsi que travail dissimulé ; que Mme X... s'était constituée partie civile, le tribunal se bornant à lui allouer 1€ de dommages intérêts pour l'intégralité de son préjudice et 300€ sur le fondement de l'article 475-1 du CPP, alors qu'il était sollicité 12.000 € et 1.000 € au titre de l'article 475-1 du CPP ; qu'il convient de se reporter, pour apprécier l'irrecevabilité de la demande soulevée au civil, au regard de la chose jugée au pénal, aux conclusions présentées par Mme X... devant le tribunal correctionnel ; qu'en ses écritures, au pénal elle soutenait qu'elle :

« n'aurait pas contracté sans les manoeuvres illégales de M. Y... … et qu'elle était fondée, en conséquence, à obtenir réparation du préjudice qui lui occasionnait l'infraction et qui s'établissait, selon les pièces justificatives régulièrement versées aux débats de la façon suivante :
- nécessité de devoir supporter le coût des travaux de reprise des malfaçons, qui ne sont pas assurés puisque les travaux sont, à l'origine, illégaux, soit 4.369,49 €
- préjudice moral, (Mme X... vivant) … très mal d'avoir été flouée et dans la hantise chaque jour de ne bénéficier d'aucune des garanties légales pour les travaux exécutés par M. Y... » ;

qu'elle a alors sollicité, toutes causes de préjudices confondues, 12.000 € à titre de dommages intérêts ;

qu'on ne peut être admis à contester l'identité de cause de deux demandes, en invoquant un fondement juridique qu'on s'était abstenu de soulever en temps utile ; qu'un justiciable ne peut, après une décision dans un litige le concernant, saisir à nouveau un tribunal aux mêmes fins ; qu'en l'espèce, la cause était la même devant la juridiction pénale et la juridiction civile, dès lors que les demandes successives tendaient à obtenir une même indemnisation au titre du travail fourni pendant la même période, seul différant le moyen invoqué ; que, devant le tribunal correctionnel, Mme X... sollicitait, pour un montant voisin de celui réclamé ce jour au civil, le coût des travaux de reprise des malfaçons et un préjudice moral en adéquation ; que force est de constater que Mme X... a demandé, à deux reprises, devant deux juridictions, l'une pénale, l'autre civile, quoique sur des fondements juridiques différents, l'indemnisation du même préjudice, à savoir le dédommagement du montant des travaux de reprise des malfaçons, pour des sommes quasiment identiques et l'indemnisation d'un préjudice moral en liaison avec le préjudice matériel ; qu'une décision étant intervenue au pénal, définitive, elle est irrecevable à se retourner vers la voie civile pour obtenir une satisfaction plus ample, au regard de ce qui lui a été alloué par le juge pénal ; qu'assez curieusement, d'ailleurs, en première instance, sa demande de dommages intérêts pour préjudice moral avait été rejetée, au motif qu'elle avait déjà été indemnisée de ce chef par le juge pénal, le tribunal admettant paradoxalement sur ce point une exception qu'il venait préalablement de rejeter, s'agissant du préjudice matériel ; qu'il convient donc d'infirmer en totalité les décisions déférées et de dire la demande irrecevable » ;

ALORS QUE si le demandeur doit présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il ne peut devant le juge pénal fonder sa demande de réparation du préjudice résultant d'une tentative d'escroquerie sur la mauvaise exécution d'un contrat d'entreprise ;

D'où il résulte qu'en opposant l'autorité de la chose jugée par le jugement correctionnel du 25 février 2003 qui avait alloué à Mme X... 1 euro à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice trouvant sa source dans la tentative d'escroquerie à sa demande portée devant le juge civil en réparation du préjudice différent résultant de la mauvaise exécution du contrat d'entreprise, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

ALORS EN TOUT ETAT QUE le jugement du 25 février 2003 en allouant à Mme X... la somme symbolique de 1 euro s'était borné à réparer le préjudice trouvant sa source dans l'infraction, de telle sorte que n'ayant pas statué sur la demande de réparation du préjudice né de la mauvaise exécution du contrat d'entreprise, la Cour d'appel ne pouvait dire irrecevable cette demande portée devant le juge civil comme se heurtant à la chose jugée par le jugement correctionnel, sans violer l'article 1351 du Code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocat Contrats informatiques

Cette décision est visée dans la définition :
Chose jugée


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.