par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 12 janvier 2010, 09-12133
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Cour de cassation, chambre commerciale
12 janvier 2010, 09-12.133

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2008), que Mme X..., avocate, a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 8 février 2007 publié au Bodacc le 9 mars 2007, M. Y... étant désigné liquidateur ; que Mme X... n'a pas établi la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours exigée par l'article L. 622-6 du code de commerce ; que la Caisse nationale des barreaux français (la CNBF) a déclaré, le 11 mai 2007, une créance de 110 555,48 euros et sollicité, le 29 mai 2007, un relevé de forclusion ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir relevé la CNBF de la forclusion, alors, selon le moyen :

1°/ que la méconnaissance par le débiteur de l'obligation qui lui est faite de remettre à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers ne peut justifier que le créancier soit relevé de la forclusion que lorsque le défaut de déclaration de la créance dans le délai requis est directement imputable à cette omission du débiteur ; qu'en relevant la CNBF de la forclusion encourue en raison de la tardiveté de sa déclaration de créance, au seul motif que Mme X... avait omis d'établir la liste de ses créanciers sans établir que la tardiveté de la déclaration de créance était due à l'omission imputable à Mme X..., la cour d'appel qui a considéré que le relevé de forclusion était de droit dès lors qu'était établie l'existence d'une omission volontaire du débiteur a violé les articles L. 622-6 et L. 622-26 du code de commerce ;

2°/ que les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, qui, à défaut, sont réputées avoir été abandonnées, et que la cour d'appel ne statue que sur les dernières conclusions ; qu'en retenant le caractère délibéré de l'omission imputable à Mme X... au regard d'une affirmation formulée par celle-ci dans des conclusions du 31 mars 2008, tout en constatant que les dernières conclusions de Mme X... étaient en date du 30 juin 2008, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur les dernières conclusions de l'appelante, a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

3°/ que dès lors qu'elle constatait que Mme X... ne se reconnaissait pas débitrice à l'égard de la CNBF, la cour d'appel ne pouvait retenir une omission volontaire de Mme X... d'établir une liste de créances incluant la CNBF, sans constater objectivement la réalité de cette créance ; qu'en ne recherchant pas si la créance de la CNBF existait effectivement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 622-6 et L. 622-26 du code de commerce ;

4°/ que dans des conclusions demeurées sans réponse, signifiées le 31 mars 2008, Mme X... faisait valoir que la CNBF, créancier institutionnel, était présumée connaître l'obligation qu'elle avait de déclarer sa créance dans le délai utile ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions déterminantes, toute carence d'un créancier institutionnel à déclarer sa créance étant réputée être de son fait, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'aveu judiciaire contenu dans des conclusions antérieures n'est pas rétracté du seul fait qu'il n'a pas été repris dans les dernières conclusions ; qu'ayant relevé que le caractère délibéré de l'omission imputable à Mme X... était attesté par l'affirmation dans ses conclusions du 31 mars 2008 qu'elle ne se reconnaissait débitrice d'aucune somme à l'égard de quiconque et ne reconnaissait à quiconque la qualité de créancier et que, dès lors, l'établissement d'une liste de créanciers par ses soins était sans pertinence aucune, la cour d'appel n'a pas encouru le grief de la deuxième branche ;

Attendu, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 622-26 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à défaut de déclaration dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective de leur débiteur, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance est due à une omission volontaire du débiteur lors de l'établissement de la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours ; qu'il n'appartient pas au juge-commissaire de vérifier, avant de statuer sur la demande de relevé de forclusion fondée sur ce motif, l'existence de la créance si elle est contestée par le débiteur ; qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme X... ne s'était pas présentée au rendez-vous fixé par le liquidateur en vue de lui fournir la liste des créanciers, que son conseil, avisé de la date du rendez-vous, avait répondu au liquidateur qui le questionnait sur l'établissement de cette liste qu'il interrogeait sa cliente à ce sujet, qu'en dépit de son état de santé attesté par un certificat médical nécessitant un repos complet pendant au moins deux mois, Mme X... était en mesure de communiquer avec son avocat, d'informer celui-ci de l'existence de ses créanciers et de répondre au liquidateur au besoin par son intermédiaire, et que Mme X... affirmait qu'elle ne se reconnaissait débitrice d'aucune somme à l'égard de quiconque et que dès lors l'établissement d'une liste de créanciers par ses soins était sans pertinence, l'arrêt retient que Mme X... a volontairement omis d'établir la liste de ses créanciers ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier l'existence de la créance ni de répondre au moyen évoqué à la quatrième branche qui avait été abandonné dans les dernières écritures de Mme X..., en a exactement déduit que la CNBF devait être relevée de la forclusion ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Bertrand, avocat aux Conseils pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du 29 novembre 2007 par lequel le Tribunal de grande instance de PARIS a déclaré mal fondé le recours formé par Madame Catherine A..., épouse X..., à l'encontre de l'ordonnance du 25 septembre 2007 par laquelle le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de Madame X... a relevé la Caisse Nationale des Barreaux Français de la forclusion encourue en raison de la tardiveté de sa déclaration de créance ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE Madame X... ne justifie d'aucun motif d'annulation du jugement déféré ; que c'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement combattus par l'argumentation développée par l'appelante ni par les pièces qu'elle verse aux débats, et que la cour fait siens, que le premier juge a tenu pour établi, après le juge-commissaire, que Madame X... avait volontairement omis d'établir la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L.622-6 du Code de commerce, étant ici observé que Madame X..., qui, exerçant la profession d'avocat, ne pouvait ignorer qu'elle était tenue de transmettre la liste de ses créanciers à l'organe de la procédure collective dans les huit jours du jugement d'ouverture, était en mesure de répondre, au besoin par l'intermédiaire de son conseil, destinataire du double de la lettre du liquidateur du 16 février 2007, aux demandes de ce dernier dont celle relative à la communication de la liste exhaustive des créanciers ; qu'au demeurant, le caractère délibéré de l'omission imputable à Madame X... est suffisamment attesté par l'affirmation, dans ses conclusions du 31 mars 2008 (p. 9) qu'elle « ne se reconnaît débitrice d'aucune somme à l'égard de quiconque et ne reconnaît à quiconque la qualité de créancier et que, dès lors, l'établissement d'une liste de créanciers par ses soins est, de toutes façons, sans pertinence aucune » (arrêt attaqué p. 3) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' à supposer que Madame Catherine A..., épouse X..., n'ait pas été en mesure d'envoyer personnellement à Maître Y... la liste des créanciers, il convient de relever que représentée par un conseil, elle n'a jamais comparu aux nombreuses audiences devant un tribunal ; qu'elle était pendant la période considérée, toujours représentée par un conseil, dans la procédure aux fins de suspension de l'exécution provisoire du jugement d'ouverture, pendante devant le premier président de la cour d'appel ; que son conseil était d'ailleurs avisé par Maître Y... de la date de rendez-vous fixée, et qu'interrogé par Maître Y... pour l'établissement de la liste des créanciers, il répondait qu'il interrogeait sa cliente à ce sujet ; que l'ensemble de ces éléments permettent de considérer que Madame Catherine A..., épouse X..., était en mesure de communiquer avec son avocat, pour assurer sa défense, et qu'il lui était donc loisible de l'informer de l'existence de ses créanciers ; que le motif d'empêchement allégué ne peut dans ces circonstances être retenu, d'autant que Madame Catherine A..., épouse X..., affirme, non sans ambiguïté, que l'omission serait due à son état de santé, tout en faisant valoir que, contestant toutes ses dettes, l'établissement d'une liste des créanciers par ses soins était « sans pertinence aucune » (jugement p. 3);

ALORS, d'une part, QUE la méconnaissance par le débiteur de l'obligation qui lui est faite de remettre à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers ne peut justifier que le créancier soit relevé de la forclusion que lorsque le défaut de déclaration de la créance dans le délai requis est directement imputable à cette omission du débiteur ; qu'en relevant la Caisse Nationale des Barreaux Français de la forclusion encourue en raison de la tardiveté de sa déclaration de créance, au seul motif que Madame X... avait omis d'établir la liste de ses créanciers sans établir que la tardiveté de la déclaration de créance était due à l'omission imputable à Madame X..., la cour d'appel qui a considéré que le relevé de forclusion était de droit dès lors qu'était établie l'existence d'une omission volontaire du débiteur a violé les articles L.622-6 et L.622-26 du Code de commerce ;

ALORS, d'autre part, QUE les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures, qui, à défaut, sont réputées avoir été abandonnées, et que la cour d'appel ne statue que sur les dernières conclusions ; qu'en retenant le « caractère délibéré de l'omission imputable à Madame X... » au regard d'une affirmation formulée par celle-ci dans des conclusions du 31 mars 2008, tout en constatant que les dernières conclusions de Madame X... étaient en date du 30 juin 2008, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur les dernières conclusions de l'appelante, a violé les articles 4 et 954 du Code de Procédure civile ;

ALORS, de troisième part, QUE dès lors qu'elle constatait que Madame X... ne se reconnaissait pas débitrice à l'égard de la CNBF, la cour d'appel ne pouvait retenir une omission volontaire de Madame X... d'établir une liste de créances incluant la CNBF, sans constater objectivement la réalité de cette créance ; qu'en ne recherchant pas si la créance de la CNBF existait effectivement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.622-6 et L.622-26 du Code de commerce ;


ALORS, enfin, QUE dans des conclusions demeurées sans réponse (signifiées le 31 mars 2008, p. 4) Madame X... faisait valoir que la CNBF, créancier institutionnel, était présumée connaître l'obligation qu'elle avait de déclarer sa créance dans le délai utile ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions déterminantes, tout carence d'un créancier institutionnel à déclarer sa créance étant réputée être de son fait, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.