par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 14 septembre 2017, 15-26737
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
14 septembre 2017, 15-26.737

Cette décision est visée dans la définition :
Déni de justice




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. Andoche X...de sa reprise d'instance en tant qu'ayant droit de Godefroy X..., décédé ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° X 15-26. 737 et Y 15-26. 738 ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe du déni de justice ;

Attendu que, si l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge chargé de se prononcer sur sa prétention et d'exercer un droit qui relève de l'ordre public international constitue un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France, la seule détention par une société française d'une partie du capital d'une société étrangère ne constitue pas un lien de rattachement au titre du déni de justice ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. Y...et Godefroy X..., salariés de la société de droit gabonais Compagnie minière de l'Ogooué Comilog (société Comilog), licenciés pour motif économique le 23 octobre 1992 à la suite de la fermeture de la ligne ferroviaire exploitée par cette société, ont saisi le 21 mai 2008 le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société Comilog et de ses trois filiales ayant leur siège social à Paris, à savoir les sociétés Comilog Holding, Comilog International et Comilog France, en invoquant à l'encontre de ces dernières sociétés leur qualité de co-employeur ; que les défendeurs ont soulevé l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale française ;

Attendu que, pour se déclarer compétente à l'encontre de la société Comilog, la cour d'appel a retenu que la procédure judiciaire, introduite par les salariés devant les juridictions congolaises par requête du 28 août 1992, n'a pas encore abouti à une décision au fond, que le tribunal du travail de Pointe-Noire a rendu le 16 juillet 1993 un jugement écartant l'exception d'incompétence territoriale soumise par la société Comilog au profit du tribunal de Dolisié, ordonnant à celle-ci de conclure sur le fond et renvoyant l'affaire à cette fin, que la cour d'appel de Pointe-Noire a, par arrêt du 21 septembre 1994, déclaré irrecevable l'appel formé par la société et renvoyé le dossier au tribunal du travail de Pointe-Noire pour qu'il soit jugé au fond, qu'un pourvoi a été formé contre cet arrêt, le 30 octobre 1995, sur lequel il n'a pas été statué à ce jour, que, près de vingt après le dépôt du pourvoi, il ne résulte d'aucun des éléments produits aux débats à quelle date il pourrait être statué sur cette voie de recours, étant rappelé qu'elle a été formée contre un arrêt qui a déclaré un appel irrecevable et renvoyé l'affaire au juge de première instance, afin que se tiennent les débats au fond, que la date à laquelle la requête déposée le 18 août 1992 par les salariés pourra être examinée reste donc à ce jour encore indéterminée, et qu'une telle situation, contraire au principe selon lequel la justice doit être rendue dans un délai raisonnable, caractérise à l'évidence un déni de justice, que la société Comilog a désormais pour principal actionnaire, à hauteur de 63, 71 % de son capital, et notamment aux côtés de l'État gabonais, la société française Eramet ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la juridiction étrangère était saisie du litige et que n'était dès lors pas établie l'impossibilité pour les salariés d'accéder à un juge chargé de se prononcer sur leur prétention et que la seule prise de participation par une société française dans le capital de la société Comilog n'était pas un lien de rattachement au titre du déni de justice, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'ils ont dit recevable l'intervention volontaire de la Fédération syndicaliste force ouvrière des cheminots, constaté qu'aucune demande n'est formée contre la société Comilog Holding, rejeté les demandes formées par M. Fidèle Y..., par Godefroy X...et par la Fédération syndicaliste force ouvrière des cheminots contre les sociétés Comilog France et Comilog International,
rejeté la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés Comilog France, Comilog International et Comilog Holding, dit recevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Compagnie minière de l'ogooué-comilog, les arrêts rendus le 10 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle e'exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens communs produits aux pourvois par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la Compagnie minière de l'Ogooué Comilog.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli M. Y...en son contredit, dit le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour statuer sur les demandes formées par M. Y...contre la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, dit y avoir lieu à évocation, rejeté l'exception de litispendance et d'avoir condamné la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog à payer à M. Y...la somme de 2 719, 61 euros à titre l'indemnité conventionnelle de licenciement, assortie d'un intérêt contractuel de 8 % l'an entre 1993 et 2013 et avec intérêts au taux légal, les sommes de : 343, 17 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 343, 17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 171, 58 euros à titre de prime de fin d'année, 5 147, 40 euros à titre de prime spéciale de bonne séparation, 5 147, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, 2 500 euros à titre de dommages et intérêts sur la perte de retraite, outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU'ainsi qu'il résulte du principe d'accès à la justice, notamment consacré par l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et découlant également de l'article 4 du code civil, l'impossibilité pour une partie étrangère d'accéder au juge national naturellement chargé de se prononcer sur sa prétention, et donc d'exercer un droit qui relève de l'ordre public international, constitue un déni de justice qui fonde la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France ; que M. Fidèle Y...estime le déni de justice caractérisé au motif que la procédure engagée au mois d'août 1992 devant le tribunal du travail de Pointe-Noire n'a pas encore donné lieu à une décision au fond ; qu'il invoque également l'impossibilité que cette procédure ou une autre aboutisse en raison de l'intervention d'un protocole d'accord « pour la reprise du transport sur le territoire congolais du minerai de la Comilog entre le Gouvernement de la République gabonaise et le Gouvernement de la République du Congo », et d'un protocole d'accord conclu à Libreville le 19 (en fait le 20) juillet 2003 entre la République gabonaise, la Comilog et la République du Congo relatif au règlement définitif du contentieux lié à la cessation des activités de la Comilog au Congo ; que M. Fidèle Y...ne produit pas la requête introductive de l'instance ouverte devant le tribunal du travail de Pointe-Noire ; que la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog produit, pour sa part, la décision du président de cette juridiction, rendue le 7 septembre 1992, sur « la requête introduite par M. ou Mme Z... et autres c/ Comilog », faisant citer le directeur de cette société à l'audience du 16 septembre suivant, et des listes de noms suivies, ou non, d'un matricule et d'un émargement, qu'elle présente, sans être contredite, comme les listes des auteurs de la dite requête ; qu'il résulte de l'examen de ces listes et spécialement de celle intitulée « liste agents de service Mi Makabana » (pièce n° 19 de la société) que M. Fidèle Y...y figure, sous le numéro d'ordre 87, et que son nom est suivi de la mention de son matricule (1595) et de sa signature ; qu'il est donc démontré que l'intéressé a saisi la justice congolaise du litige l'opposant à son employeur ; qu'il résulte des pièces produites que cette procédure, introduite par requête du 28 août 1992, n'a pas encore abouti à une décision au fond ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le tribunal du travail de Pointe-Noire a rendu le 16 juillet 1993 un jugement écartant l'exception d'incompétence territoriale soumise par la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog au profit du tribunal de Dolisie, ordonnant à celle-ci de conclure sur le fond et renvoyant l'affaire à cette fin ; la cour d'appel de Pointe-Noire a, par arrêt du 21 septembre 1994, déclaré irrecevable l'appel formé par la société et renvoyé le dossier au tribunal du travail de Pointe-Noire pour qu'il soit jugé au fond ; qu'un pourvoi a été formé contre cet arrêt, le 30 octobre 1995, sur lequel il n'a pas été statué à ce jour ; que la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog produit relativement à la procédure devant la Cour suprême de la République du Congo, saisie de ce pourvoi :
- un « certificat de dépôt d'une requête et de reconstitution » en date du 6 mars 2009, par lequel le greffier en chef fait état de ce que, « suite aux événements du 5 juin 1997 qui ont eu lieu à Brazzaville, ce dossier n'a pas été retrouvé après cette guerre dans nos bureaux, est reconstitué ce jour 6 mars 2009 »,
- une ordonnance de désignation d'un juge rapporteur prise par le premier président le 5 mai 2009,
- une notification effectuée le 18 mai 2009 à « Z... Léon et autres » sous couvert de leur avocat, par le dit juge rapporteur, de « la requête de pourvoi en cassation formée par vous » et du fait que ce pourvoi « est assorti d'une requête spéciale aux fins de sursis à exécution », étant observé qu'il n'est pas sérieusement contesté, malgré les termes de ce document, que le pourvoi en cassation n'a pas été formé par les requérants initiaux, mais bien par la société Comilog,
- une ordonnance de désignation d'un autre juge rapporteur prise par le premier président le 21 mars 2014,
- une nouvelle notification du pourvoi, cette fois exactement présenté comme formé par la société Comilog, pourvoi dont il est à nouveau précisé qu'il est assorti d'une requête aux fins de sursis à exécution, cette notification comme la précédente mentionnant le délai de deux mois pour déposer un mémoire en défense ; qu'ainsi que le fait justement observer la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, il n'appartient pas au juge français de suspecter a priori la compétence et l'impartialité d'un juge étranger, de sorte qu'il est indifférent de rechercher si les délais devant la Cour suprême sont la conséquence des événements qu'a connus le Congo à partir de 1997, ou de l'inertie de telle ou telle partie, ou encore de déficiences imputables à l'administration de la justice ; qu'il doit en revanche être constaté que, près de vingt après le dépôt du pourvoi, il ne résulte d'aucun des éléments produits aux débats à quelle date il pourrait être statué sur cette voie de recours, étant rappelé qu'elle a été formée contre un arrêt qui a déclaré un appel irrecevable et renvoyé l'affaire au juge de première instance, qui n'avait jusque là que tranché une exception d'incompétence, afin que se tiennent les débats au fond ; que la cour constate que la date à laquelle la requête déposée le 18 août 1992 par M. Fidèle Y...pourra être examinée reste donc à ce jour encore indéterminée, et qu'une telle situation, contraire au principe selon lequel la justice doit être rendue dans un délai raisonnable, caractérise à l'évidence un déni de justice, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens tirés des protocoles dont se prévaut encore l'intéressé ; que ce dernier fait valoir qu'il existe entre le litige faisant l'objet d'un déni de justice et la France un lien de rattachement suffisant ; qu'un tel lien doit s'apprécier au moment de la saisine des juridictions françaises, de sorte que les développements sur l'histoire de la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog sont inopérants ; qu'il résulte, en revanche, des pièces produites par M. Fidèle Y...(article publié dans Réalités Industrielles en août 2008 et extrait du site internet accessible à l'adresse www. eramet. com, impression du 8 avril 2013), que ladite société Comilog a désormais pour principal actionnaire, à hauteur de 63, 71 % de son capital, et notamment aux côtés de l'État gabonais, la société française Eramet, dont elle est donc devenue une filiale, au sens de l'article L. 233-1 susvisé du code de commerce ; qu'il en résulte que M. Fidèle Y...pouvait saisir, pour faire échec au déni de justice dont il est l'objet au Congo, la juridiction du travail française ; que M. Fidèle Y...sera en conséquence accueilli en son contredit ;

1) ALORS QUE l'existence d'un déni de justice commis à l'étranger n'est pas de nature à entraîner la compétence internationale des juridictions françaises ; que le conseil de prud'hommes compétent est soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail, soit, lorsque le travail est accompli en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié, ce dernier pouvant également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, l'article R. 1412-1 du même code, ensemble les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 du code civil.

2) ALORS QUE la cour d'appel a considéré que l'impossibilité pour une partie d'accéder à un juge chargé de se prononcer sur sa prétention et d'exercer un droit constituait un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la France ; qu'il n'y a pas impossibilité d'accéder à un juge si une juridiction étrangère, compétente pour statuer sur le litige, a été saisie ; qu'il n'était pas contesté que la justice congolaise était régulièrement saisie du litige opposant M. Y...à la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog ; qu'en retenant cependant la compétence du conseil de prud'hommes de Paris à l'égard de la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, l'article R. 1412-1 du même code, ensemble par fausse application les article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 du code civil ;

3) ALORS QUE subsidiairement, la cour d'appel, après avoir énoncé que la compétence des juridictions françaises pouvait être fondée sur un déni de justice, a précisé que cela supposait que le demandeur se trouve dans l'impossibilité tant juridique que matérielle d'accéder à un juge à l'étranger ; que le fait que la juridiction compétente saisie du litige n'ait pas encore statué au fond, ne saurait caractériser l'impossibilité de saisir une juridiction ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, l'article R. 1412-1 du même code, ensemble par fausse application les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales 4 du code civil ;

4) ALORS QUE subsidiairement, la cour d'appel a énoncé que la compétence d'une juridiction française fondée sur un déni de justice supposait que le demandeur se trouve dans l'impossibilité tant juridique que matérielle d'accéder à un juge à l'étranger ; que le demandeur qui fait valoir qu'il n'a pas été statué dans un délai raisonnable par la juridiction étrangère qu'il a préalablement saisie doit justifier avoir accompli toutes diligences pour faire avancer la procédure ; que la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog avait relevé dans ses conclusions que le demandeur ne justifiait d'aucune diligence pour faire avancer la procédure devant les juridictions congolaises ; qu'en ne vérifiant pas si M. Y...n'avait pas lui-même contribué à l'inertie de la juridiction congolaise saisie du litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, l'article R. 1412-1 du même code, ensemble les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 du code civil ;

5) ALORS QUE l'existence d'un lien de rattachement avec la France doit être appréciée à la date du fait générateur des demandes, soit, s'agissant de demandes relatives à un contrat de travail, à la date de la conclusion du contrat de travail, ou éventuellement de sa rupture ; qu'en disant qu'un tel lien devait s'apprécier au moment de la saisine des juridictions françaises, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, l'article R. 1412-1 du même code, ensemble les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 du code civil ;

6) ALORS QUE le rattachement avec la France ne peut résulter de simples liens capitalistes entre plusieurs sociétés qui n'ont pas la qualité de co-employeurs ; qu'en retenant que la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog avait pour principal actionnaire, à hauteur de 63, 71 % de son capital, aux côtés de l'État gabonais, la société française Eramet, dont elle était devenue une filiale, pour en déduire un lien suffisant du litige avec la France, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles L. 1411-1 et suivants du code du travail, l'article R. 1412-1 du même code, ensemble les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli M. Y...en son contredit, dit le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour statuer sur les demandes formées par M. Y...contre la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, dit y avoir lieu à évocation, rejeté l'exception de litispendance et d'avoir condamné la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog à payer à M. Y...la somme de 2 719, 61 euros à titre l'indemnité conventionnelle de licenciement, assortie d'un intérêt contractuel de 8 % l'an entre 1993 et 2013 et avec intérêts au taux légal, les sommes de : 343, 17 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 343, 17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 171, 58 euros à titre de prime de fin d'année, 5 147, 40 euros à titre de prime spéciale de bonne séparation, 5 147, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, 2 500 euros à titre de dommages et intérêts sur la perte de retraite, outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE [...] si, dans son arrêt du 20 juin 2013 susvisé, la cour a rejeté cette exception, c'est au titre de l'évocation sur les demandes visant les sociétés Comilog France et Comilog international, de sorte qu'il y a lieu de statuer à nouveau sur cette exception en tant qu'elle est présentée par la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog et dès lors, de surcroît, qu'elle se présente dans des conditions différentes, puisque le litige ne se poursuit plus qu'à l'encontre de cette dernière société ; que c'est en vain que celle-ci invoque les dispositions de l'article 100 du code de procédure civile, aux termes desquelles, « si le même litige est pendant devant deux juridictions du même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande » ; qu'outre qu'il résulte des pièces produites que cette cour et la juridiction présentement saisie au Congo ne sont pas du même degré, il sera observé que cette cour ne tient sa compétence que de ce qu'elle a estimé, ainsi qu'il a été dit plus haut, que le déroulement de la procédure en cours au Congo caractérisait un déni de justice, de sorte qu'aucune exception de litispendance avec une telle procédure ne saurait être accueillie ;

ALORS QU'une situation de litispendance internationale est caractérisée quand, à la date de l'introduction de l'instance en France, un tribunal étranger compétent a déjà été valablement saisi du même litige entre les mêmes parties ; qu'il n'était pas contesté que les juridictions congolaises étaient déjà saisies du litige, toujours pendant, opposant le salarié à la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, lors de l'introduction de l'instance prud'homale ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de litispendance de la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, la cour d'appel a violé l'article 100 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli M. Y...en son contredit, dit le conseil de prud'hommes de Paris compétent pour statuer sur les demandes formées par M. Y...contre la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog, dit y avoir lieu à évocation, rejeté l'exception de litispendance et d'avoir condamné la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog à payer à M. Y...la somme de 2 719, 61 euros à titre l'indemnité conventionnelle de licenciement, assortie d'un intérêt contractuel de 8 % l'an entre 1993 et 2013 et avec intérêts au taux légal, les sommes de : 343, 17 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 343, 17 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 171, 58 euros à titre de prime de fin d'année, 5 147, 40 euros à titre de prime spéciale de bonne séparation, 5 147, 40 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, 2 500 euros à titre de dommages et intérêts sur la perte de retraite, outre une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE [...] tout en reconnaissant qu'elle ignore si le demandeur fait partie des bénéficiaires des règlements déjà opérés, elle soutient que ces documents « laissent à tout le moins planer le doute sur le bien-fondé des demandes » ; qu'il résulte des pièces produites aux débats que, par un protocole du 20 juillet 2003, la République du Congo a repris « à son compte les obligations résultant des activités de la Comilog en République du Congo à la date de [sa] signature [...], notamment droits des travailleurs, indemnisations des victimes, sécurité sociale et charges patronales », et ce après que la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog se fut engagée à lui payer la somme de 1 200 000 000 francs CFA, et à lui abandonner tout son patrimoine en République du Congo, que la somme convenue a été payée par la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog par chèque du 10 juin 2005 à l'ordre de la République du Congo, que ce chèque n'ayant pas encore été encaissé le 19 octobre 2006, un nouveau règlement a été effectué le 21 novembre 2007, et qu'une commission a ensuite été mise en place pour distribuer cette somme aux salariés concernés ; que dans ces conditions, dès lors que les paiements qu'évoque la société Compagnie minière de l'Ogooué ‒ Comilog auraient été effectués pour son compte par la République du Congo, et étant rappelé qu'il appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de la dite obligation, c'est à cette société d'établir que le salarié aurait reçu une quelconque somme et de préciser à quel titre, ce qu'elle manque à faire ; qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande de sursis à statuer, dans l'attente de la production par le salarié de plus amples justificatifs, et la demande tendant à la désignation d'un expert doivent être rejetées, ces mesures d'instruction étant inutiles, étant rappelé qu'aux termes de l'article 146 du code de procédure civile, « une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve » ;


ALORS QUE la cour d'appel a constaté que la société Comilog avait payé la somme convenue dans le protocole du 20 juillet 2003 aux termes duquel la République du Congo avait repris « à son compte les obligations résultant des activités de la Comilog en République du Congo à la date de [sa] signature [...], notamment droits des travailleurs, indemnisations des victimes, sécurité sociale et charges patronales », et qu'une commission avait ensuite été mise en place pour distribuer cette somme aux salariés concernés ; qu'en énonçant cependant pour accueillir les demandes du salarié qu'il appartenait à la société Comilog d'établir que M. Y...avait reçu une quelconque somme et préciser à quel titre, sans rechercher si, en vertu du droit congolais applicable au litige, la dette de la société Comilog n'était pas présumée éteinte, inversant ainsi la charge de la preuve, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil.



site réalisé avec
Baumann Avocats Droit des affaires

Cette décision est visée dans la définition :
Déni de justice


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.