par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 22 juin 2017, 16-17277
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
22 juin 2017, 16-17.277

Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 213-6, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un jugement du 24 novembre 1982, un tribunal d'instance a condamné M. C... et Mme Z... à payer à M. D... une somme avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 1982 ; que M. D... a cédé sa créance, le 17 juin 1984, à M. Y... ; que ce dernier a, par actes des 14 et 19 décembre 2012, fait signifier cette cession de créance aux deux débiteurs et leur a fait délivrer un commandement de payer ; que Mme Z... a saisi un juge de l'exécution aux fins de constatation de la prescription de la créance, de l'inopposabilité de la cession de créance, et, à titre subsidiaire, d'octroi de délais de paiement ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant constaté que la créance n'était pas prescrite mais qu'elle était éteinte à la date du 19 décembre 2012 en raison d'un paiement, les intérêts échus antérieurement au 19 décembre 2007 étant déclarés prescrits, l'arrêt retient qu'ainsi que l'a exactement décidé le premier juge, un commandement de payer ne constitue pas un simple acte préparatoire mais le premier acte d'une procédure d'exécution forcée d'un titre exécutoire, et qu'il entrait dans les pouvoirs du juge de l'exécution de statuer sur les prétentions de Mme Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le commandement litigieux n'étant pas un commandement à fin de saisie-vente, il n'engageait aucune mesure d'exécution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée  ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QUE, les juges du fond ont décidé que le juge de l'exécution avait le pouvoir de statuer sur le commandement de payer du 19 décembre 2012 puis constater la prescription des intérêts pour la période antérieure au 19 décembre 2007 et estimer qu'à la suite du paiement intervenue en février 2011, la dette était éteinte à l'égard de Madame Z... épouse A... ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire : « Le Juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire » ; qu'ainsi que l'a exactement décidé le premier juge, un commandement de payer ne constitue pas un simple acte préparatoire mais le premier acte d'une procédure d'exécution forcée d'un titre exécutoire ; que par suite, les dispositions précitées permettent au débiteur de le contester devant le Juge de l'exécution, indépendamment de la possibilité qui lui offerte par l'article R. 121-1 du code des procédures d'exécution de solliciter des délais de paiement ; qu'il en résulte qu'il entrait dans le champ des pouvoirs du juge de l'exécution et, désormais de la cour, de statuer sur les prétentions de Mme Z... » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « selon l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connait, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'il est aujourd'hui acquis que le juge de l'exécution peut être saisi dès la mise en oeuvre d'un acte visant l'exécution forcée d'un titre exécutoire, soit à partir de la signification d'un commandement de payer avant saisie qui constitue, non pas un simple acte préparatoire comme le soutien Monsieur Y... mais un acte engageant la procédure d'exécution » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, aux termes de l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire, c'est à l'occasion de l'exécution forcée que le juge de l'exécution peut connaître des difficultés relatives au titre exécutoire ; que sauf exception, un commandement de payer n'est pas un acte de l'exécution forcée ; qu'en se reconnaissant le pouvoir de statuer sur la prescription des intérêts ou encore de constater les caractéristiques de la dette ou l'extinction de la dette susceptible de peser sur Madame Z..., quand le commandement du 19 décembre 2012 ne s'analysait pas en un acte de l'exécution forcée, les juges du fond ont commis un excès de pouvoir ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, qu'en se reconnaissant le pouvoir de statuer sur la prescription des intérêts ou encore de constater les caractéristiques de la dette ou l'extinction de la dette susceptible de peser sur Madame Z..., quand le commandement du 19 décembre 2012 ne s'analysait pas en un acte de l'exécution forcée, les juges du fond ont à tout le moins violé l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, s'il est vrai que, sans être un acte de l'exécution forcée, le commandement peut être un préalable à l'exécution forcée et engager l'exécution forcée, encore faut-il, à l'effet de rattacher le commandement à l'exécution forcée, que le juge constate que le commandement de payer, dans l'esprit de son auteur, a été délivré préalablement à la mise en oeuvre d'une voie d'exécution forcée exigeant une commande préalable, et ce notamment eu égard au bref laps de temps qui a séparé le commandement de payer et le premier acte de la procédure d'exécution forcée ; qu'en l'espèce il n'a pas été constaté que le commandement de payer ait été un préalable à une procédure d'exécution forcée telle une saisie vente ; qu'à tout le moins, l'arrêt attaqué doit être censuré pour défaut de base légale au regard de l'article L.213-6 du Code de l'organisation judiciaire.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a décidé que les intérêts, qui assortissent une décision judiciaire de condamnation, étaient une dette à échéances périodiques et relevaient de l'article 2277 du Code civil pour considérer qu'en l'espèce, les intérêts afférents à la condamnation prononcée le 24 novembre 1982 étaient soumis à la prescription quinquennale de l'article 2277 ancien du Code civil et constaté l'extinction des intérêts ayant couru avant le 19 décembre 2007 ;

AUX MOTIFS QUE « si un créancier peut poursuivre pendant trente ans l'exécution d'un jugement le condamnant au paiement d'une somme d'argent, il ne peut, en vertu de l'article 2277 ancien du code civil, applicable en raison de la nature périodique de la créance d'intérêts, obtenir le recouvrement des intérêts de cette somme échus plus de cinq ans avant la date de la mesure d'exécution ; que par la suite, les intérêts échus antérieurement au 19 décembre 2007 sont prescrits » ;

ALORS QUE, si même le taux de l'intérêt légal est calculé par référence à une année, le paiement des intérêts, qui assortissent une condamnation judiciaire, n'est pas soumis à échéances périodiques ; que les intérêts ne peuvent dès lors être considérés comme constitutifs d'une créance à échéances périodiques ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont violé l'article 2277 ancien du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a décidé que les intérêts, qui assortissent une décision judiciaire de condamnation, étaient une dette à échéances périodiques et relevaient de l'article 2277 du Code civil pour considérer qu'en l'espèce, les intérêts afférents à la condamnation prononcée le 24 novembre 1982 étaient soumis à la prescription quinquennale de l'article 2277 ancien du Code civil et constaté l'extinction des intérêts ayant couru avant le 19 décembre 2007 ;

AUX MOTIFS QUE « si un créancier peut poursuivre pendant trente ans l'exécution d'un jugement le condamnant au paiement d'une somme d'argent, il ne peut, en vertu de l'article 2277 ancien du code civil, applicable en raison de la nature périodique de la créance d'intérêts, obtenir le recouvrement des intérêts de cette somme échus plus de cinq ans avant la date de la mesure d'exécution ; que par la suite, les intérêts échus antérieurement au 19 décembre 2007 sont prescrits » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « si Monsieur Y... peut poursuivre dans le délai de l'ancien article 2262, l'exécution du jugement du 24 novembre 1982, il ne peut par application de l'ancien article 2277, obtenir le recouvrement des intérêts échus plus de cinq ans avant la date de sa demande »


ALORS QUE la prescription quinquennale doit être écartée dès lors que le créancier, sans exercer une action en paiement, met simplement en oeuvre une procédure de recouvrement ; qu'à supposer qu'il soit considéré, contrairement à ce qui est soutenu dans le cadre du premier moyen, que le commandement de payer était le préalable à une exécution forcée, force serait alors de considérer que c'est dans le cadre d'une procédure de recouvrement que la prescription a été évoquée, quand elle ne pouvait pas l'être ; qu'en opposant la prescription quinquennale, les juges du fond ont violé l'article 2277 ancien du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Juge de l'exécution (JEX)


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