par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 juin 2017, 15-29346
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 juin 2017, 15-29.346

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Bâtonnier




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes Z... et B... et MM. A... et Y..., avocats associés, ont exercé leur activité au sein de la société civile professionnelle Artémis (la SCP) dont ils sont devenus les cogérants à compter du 6 juin 2011 ; qu'à la suite d'un différend né des modalités de rémunération de cette cogérance, ils ont demandé successivement leur retrait, entraînant ainsi la dissolution de la SCP et l'ouverture, le 26 décembre 2014, d'une procédure de liquidation amiable, Mme Z... et M. A... étant désignés en qualité de liquidateurs ; qu'en vue d'obtenir l'annulation de diverses délibérations ainsi qu'une indemnisation après expertise, M. Y... a demandé, sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, l'arbitrage du bâtonnier, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel qu'il a formé contre cette décision, alors, selon le moyen :

1°/ que, selon l'article 16, alinéa 1er, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le recours interjeté, devant la cour d'appel, contre une décision du bâtonnier est « formé » par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, tandis qu'il est « instruit et jugé » selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire ; que seuls l'instruction et le jugement de ce recours sont soumis aux règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire ; que, dès lors, les mentions prescrites à peine de nullité par l'article 58 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 933 dudit code ne sont pas applicables à la formation de ce recours, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et, par fausse application, les articles 933 et 58 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte de la combinaison des articles 179-6 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la décision rendue par le bâtonnier, dans le cadre du règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, est notifiée aux parties qui peuvent en interjeter appel dans les conditions prévues aux premier, deuxième et sixième alinéas de l'article 16 ; que ledit article 16, alinéa 1er, disposant uniquement que le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, sans qu'il soit mentionné qu'il y ait à désigner les autres parties, il incombe alors au juge d'avertir ces parties et de les faire convoquer en temps utile par le greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que, pour juger irrecevable l'appel formé par M. Y... à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Poitiers du 22 avril 2015, l'arrêt attaqué retient qu'il n'a désigné aucun intimé en violation des dispositions de l'article 58 du code de procédure civile ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 179-6, 152 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 par refus d'application et 933 et 58 du code de procédure civile par fausse application ;

Mais attendu que ni l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 ni les articles 16 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, auxquels renvoie l'article 179-6 du même décret relatif à l'appel des décisions d'arbitrage rendues pour le règlement des différends entre avocats dans leur exercice professionnel, ne définissent les mentions que doit contenir la déclaration d'appel et les sanctions qu'entraîne leur irrégularité ; que, selon l'article 277 du décret précité, il est procédé comme en matière civile pour tout ce que le décret ne règle pas ; que, dès lors, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la déclaration d'appel contre les décisions d'arbitrage du bâtonnier devait comporter les mentions prescrites par l'article 58 du code de procédure civile, conformément à l'article 933 du même code, régissant la procédure contentieuse sans représentation obligatoire à laquelle ces décisions ressortissent ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 114 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt énonce que la déclaration d'appel ne désigne aucun intimé et ne donne aucune indication permettant d'identifier la ou les personnes contre qui le recours est formé, en violation des dispositions de l'article 58 du code de procédure civile ; qu'il en déduit que la SCP ainsi que Mme Z... et M. A..., en leur qualité de liquidateurs amiables, sont bien fondés à invoquer le non-respect des dispositions des articles 931 et suivants du code précité, qui leur cause nécessairement grief, s'agissant en particulier de Mme Z... et M. A..., l'absence de désignation des intimés et de leur qualité ne leur permettant pas de déterminer à quel titre ils seraient appelés devant la cour, liquidateurs de la SCP ou anciens associés ou avocats exerçant sous une autre forme depuis la liquidation ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence du grief que le vice de forme retenu aurait causé aux intimés, désignés en première page de l'arrêt comme étant la SCP, prise en la personne de ses liquidateurs amiables, Mme Z..., M. A... et Mme B..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne Mmes Z... et B... et M. A... ainsi que la société civile professionnelle Artémis, prise en la personne de ses liquidateurs amiables, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Brouchot , avocat aux Conseils, pour M. Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable l'appel formé par M. Y... contre la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers du 22 avril 2015 ;

AUX MOTIFS QUE la décision dont il est fait appel a été rendue par la bâtonnière de l'ordre des avocats de Poitiers à la suite d'une requête formée sur le fondement des dispositions des articles 179-1 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ; que l'article 179-6 de ce décret prévoit que la décision du bâtonnier est notifiée et peut être contestée par les parties dans les conditions prévues à l'article 152 ; que l'article 152 dispose : « La décision du bâtonnier est notifiée par le secrétariat du conseil de l'ordre, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, aux parties qui peuvent en interjeter appel dans les conditions prévues au premier, deuxième et sixième alinéa de l'article 16 » ; que l'article 16 dispose en ses premier, deuxième et sixième alinéas :
« Le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef. Il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire.
Le délai du recours est d'un mois.
Le délai d'appel suspend l'exécution de la décision du conseil de l'ordre. L'appel exercé dans ce délai est également suspensif » ;
que selon l'article 933 du code de procédure civile applicable en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel comporte notamment les mentions prescrites par l'article 58 du même code qui prévoit que la déclaration contient, à peine de nullité :
1- pour les personnes physiques : l'indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur (
)
2- l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
qu'en l'espèce, la décision contestée a été rendue sur requête de Me Carl Y..., à l'encontre de la SCP Artémis prise en la personne de ses trois liquidateurs amiables, Me Z..., A... et B... et contre les trois mêmes avocats, à titre personnel ; que Me Carl Y... à qui la décision contestée a été notifiée le 24 avril 2015 par lettre recommandée avec accusé de réception comportant l'indication des délais et modalités d'appel devant la cour, a déclaré contester la décision par un recours déposé au greffe de la cour le 30 avril 2015 qui en a donné récépissé ; que si Me Y... mentionne bien dans ce recours les éléments essentiels de son identification, bien qu'il omette ses date et lieu de naissance, en revanche, il ne désigne aucun intimé et ne donne aucune indication permettant d'identifier la personne ou les personnes contre qui le recours est formé, en violation des dispositions de l'article 58 du code de procédure civile ; que faute de désignation d'intimé, la cour n'a donc pas été valablement saisie du recours ; que la SCP Artémis avec Me Z... et A... ès qualités de liquidateur amiable sont ainsi bien fondés à soulever l'irrecevabilité de l'appel pour non-respect des dispositions des articles 931 et suivants du code de procédure civile, ce qui leur cause nécessairement grief, s'agissant en particulier de Me Z... et A..., l'absence de désignation des intimés et de leur qualité ne leur permettant pas de déterminer à quel titre ils seraient appelés devant la cour, liquidateurs de la SCP Artémis ou anciens associés de cette SCP ou encore avocats exerçant sous une autre forme depuis la liquidation ; que l'appel sera en conséquence déclaré irrecevable de ce chef sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité ;

1) ALORS QUE selon l'article 16, alinéa 1er, du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, le recours interjeté, devant la cour d'appel, contre une décision du bâtonnier est « formé » par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, tandis qu'il est « instruit et jugé » selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire ; que seuls l'instruction et le jugement de ce recours sont soumis aux règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire ; que, dès lors, les mentions prescrites à peine de nullité par l'article 58 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 933 dudit code ne sont pas applicables à la formation de ce recours, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 et par fausse application les articles 933 et 58 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'il résulte de la combinaison des articles 179-6 et 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la décision rendue par le bâtonnier, dans le cadre du règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, est notifiée aux parties qui peuvent en interjeter appel dans les conditions prévues aux premier, deuxième et sixième alinéas de l'article 16 ; que ledit article 16, alinéa 1er, disposant uniquement que le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, sans qu'il soit mentionné qu'il y ait à désigner les autres parties, il incombe alors au juge d'avertir ces parties et de les faire convoquer en temps utile par le greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que pour juger irrecevable l'appel formé par M. Y... à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Poitiers du 22 avril 2015, l'arrêt attaqué retient qu'il n'a désigné aucun intimé en violation des dispositions de l'article 58 du code de procédure civile ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 179-6, 152 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 par refus d'application et 933 et 58 du code de procédure civile par fausse application ;


3) ET ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE les irrégularités qui affectent les mentions de la déclaration d'appel constituent des vices de forme qui n'entraînent la nullité de l'acte que si celui que les invoque établit le grief que lui cause ces irrégularités, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 114, 933 et 58 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.