par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 14 juin 2016, 15-12734
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Cour de cassation, chambre commerciale
14 juin 2016, 15-12.734

Cette décision est visée dans la définition :
Clause pénale




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société JP services du désistement de son pourvoi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 novembre 2014), que la société Centre financements (la société CEFI) et la société B3M, aux droits de laquelle vient la société Ardissa, ont conclu un contrat-cadre ayant pour objet la location de matériels, logiciels et services informatiques ; qu'à l'expiration des contrats de location conclus en exécution du contrat-cadre, la société Ardissa n'a restitué à la société CEFI qu'une partie des matériels loués ; que la société CEFI a réclamé à la société Ardissa le paiement de factures correspondant à l'indemnité prévue à l'article 10.3 du contrat-cadre, stipulant qu'en cas de retard dans la restitution du matériel, le locataire devrait payer au bailleur une indemnité de jouissance calculée sur la période comprise entre le jour de la résiliation du contrat de location et celui de la restitution effective du matériel, et sur la base d'une indemnité journalière égale à 1/30e du dernier loyer mensuel ou 1/90e du dernier loyer trimestriel ; que la société Ardissa a assigné la société CEFI afin de voir dire ces factures injustifiées ;

Attendu que la société CEFI fait grief à l'arrêt de dire que l'indemnité de jouissance prévue par la clause litigieuse constitue une clause pénale manifestement excessive et de condamner en conséquence la société Ardissa à lui payer la seule somme de 150 000 euros, au titre des indemnités de jouissance dues jusqu'à cette date, alors, selon le moyen, que ne constitue pas une clause pénale l'indemnité stipulée dans un contrat de location de matériel afin de compenser la jouissance de ce matériel par le locataire au-delà du délai dans lequel il devait être restitué, et correspondant, sans aucune majoration de la charge financière pesant sur le locataire, au seul montant du loyer convenu calculé prorata temporis, de sorte qu'en décidant le contraire pour en déduire que l'indemnité prévue à l'article 10.3 des conditions générales pouvait donner lieu à modération, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1226 du code civil, ensemble celles de l'article 1152 du même code ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, même si pour partie, l'indemnité de jouissance prévue par le contrat représente pour le bailleur une contrepartie du service dont le locataire continue de bénéficier après le terme de la location en conservant les matériels loués, cette indemnité vise également à contraindre le locataire à restituer le matériel loué et constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l'inexécution, qui s'applique du seul fait de celle-ci ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a exactement déduit que la clause prévoyant cette indemnité devait être qualifiée de clause pénale ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Centre financements aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Ardissa la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour la société Centre financements.

En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que l'indemnité de jouissance prévue par l'article 10.3 des conditions générales contractuelles constitue une clause pénale manifestement excessive et en ce qu'elle a condamné en conséquence la société Ardissa à payer à la société CEFI la seule somme de 150 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 avril 2012, au titre des indemnités de jouissance dues jusqu'à cette date en principal et intérêts ;

Aux motifs qu'il est acquis que la société preneuse n'a pas entendu poursuivre les contrats de location au-delà de leur terme contractuel initial de trois ans, à l'exception des deux premiers contrats reconduits pour un an ; il n'est pas davantage contesté qu'en vertu de l'article 10.1 des conditions générales applicables à tous les contrats souscrits, la société Ardissa devait restituer les matériels en fin de bail ; que l'article 10.3 des mêmes conditions stipule qu'en cas de retard dans la restitution du matériel, et ce du premier jour de la résiliation du contrat de location, le locataire doit verser au bailleur, par jour de retard jusqu'à y compris le jour de restitution effective du matériel et/ou des logiciels, une indemnité de jouissance égale H.T au 1/30 (loyers mensuels) du dernier loyer H.T. réglé (arrêt attaqué, p. 7, dernier al. et p. 8, al. 1 et 2) ; que les termes de l'article 10.3 précité des conditions générales, applicables à tous les contrats ayant lié les parties, démontrent que l'indemnité de jouissance stipulée constitue la sanction de l'inexécution par le locataire de l'obligation de restitution qui lui incombe au terme du bail. Même si pour partie, l'indemnité de jouissance prévue par le contrat représente pour le bailleur une contrepartie du service dont le locataire continue de bénéficier après le terme de la location en conservant les matériels loués, cette indemnité vise également à contraindre le locataire à restituer le matériel loué et constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant pour le bailleur de l'inexécution et qui s'applique du seul fait de celle-ci. Elle remplit donc une fonction tant comminatoire que réparatrice et doit dès lors être qualifiée de clause pénale. Il en est de même de la stipulation prévue à l'article 11.3 selon laquelle, en cas de retard dans le paiement de toute somme due par le locataire, le bailleur se réserve la faculté d'exiger le versement d'une indemnité de retard de 1,50 % par mois, majorée de la TVA. Ces indemnités peuvent donc donner lieu à modération dans les conditions de l'article 1152 du code civil (arrêt attaqué, p. 12, al. 1 à 4) ;


Alors que ne constitue pas une clause pénale l'indemnité stipulée dans un contrat de location de matériel afin de compenser la jouissance de ce matériel par le locataire au-delà du délai dans lequel il devait être restitué, et correspondant, sans aucune majoration de la charge financière pesant sur le locataire, au seul montant du loyer convenu calculé prorata temporis ; de sorte qu'en décidant le contraire pour en déduire que l'indemnité prévue à l'article 10.3 des conditions générales pouvait donner lieu à modération, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1226 du code civil, ensemble celles de l'article 1152 du même code.



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Cette décision est visée dans la définition :
Clause pénale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.