par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 3 mars 2016, 14-25307
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
3 mars 2016, 14-25.307

Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 juillet 2014), qu'Edouard X... a souffert d'un cancer broncho-pulmonaire primitif qui a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie comme étant une maladie professionnelle ; que le 9 mai 2007, il a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation et est décédé le 22 juin 2007 en cours d'instruction de son dossier ; que son épouse, Mme Arlette X..., a repris la demande ; que le FIVA lui a fait une offre et a précisé qu'en cas d'acceptation de l'offre, il engagerait une action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur ; que Mme Arlette X... a accepté l'offre du FIVA et a perçu les sommes correspondantes ; que par lettre du 21 septembre 2010, le FIVA a informé Mme Arlette X... que l'action en reconnaissance de faute inexcusable était prescrite ; que Mme Arlette X... ainsi que Mme Sandy X... et M. Jean-Philippe X..., fille et fils d'Edouard X... (les consorts X...), ont intenté devant un tribunal administratif une action en responsabilité contre le FIVA ; que par jugement du 13 mars 2012, le tribunal administratif s'est déclaré incompétent et que le 4 avril 2013, une cour administrative d'appel a confirmé cette décision, précisant que le litige relevait de la compétence du juge judiciaire ; que les consorts X... ont alors saisi une cour d'appel de leur demande ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que le FIVA fait grief à l'arrêt de déclarer la cour d'appel compétente pour connaître de l'action en responsabilité intentée par les consorts X... contre lui, alors, selon le moyen, que seul le juge administratif est compétent pour statuer sur une action en responsabilité intentée à l'encontre du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, établissement public national à caractère administratif ; qu'en se déclarant cependant compétente pour connaître de l'action en responsabilité intentée par les consorts X... à l'encontre du Fonds, pour ne pas avoir exercé d'action en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur de leur auteur, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 53- II de la loi n º 2000-1257 du 23 décembre 2000, par refus d'application, et l'article 53- V de la même loi, par fausse interprétation ;

Mais attendu que l'action en responsabilité engagée contre le FIVA, pour ne pas avoir saisi une juridiction en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, en application de l'article 53 VI, alinéas 2 et 4, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, se rattachant à sa fonction d'indemnisation des victimes de l'amiante, relève de la seule compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en conséquence c'est à bon droit que la cour d'appel, désignée par l'article 24 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001, s'est déclarée compétente pour connaître du litige ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, comme forclose, leur action en responsabilité intentée contre le FIVA, alors, selon le moyen :

1°/ que le délai de deux mois prévu par l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 pour contester la notification par le Fonds de l'offre d'indemnisation ou le refus de faire suite à la demande d'indemnisation, effectuée en vertu de l'article 22 du même décret, ne s'applique pas à une action en responsabilité engagée contre le Fonds aux fins d'obtenir réparation du dommage causé par l'inaction fautive de ce dernier ayant négligé d'engager un recours subrogatoire tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur du salarié ; qu'en déclarant irrecevable l'action en réparation introduite par les consorts X... contre le FIVA, le 9 juin 2011, au motif que la forclusion de leur demande avait commencé à courir du jour où ils ont été informés, par lettre du 21 septembre 2010, que le Fonds n'agirait pas contre l'employeur de M. X... car l'action en reconnaissance de faute inexcusable était prescrite, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant d'office, pour déclarer forclose l'action en responsabilité introduite contre le FIVA par les consorts X..., qu'en application de l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001, ces derniers devaient saisir la cour d'appel dans les deux mois suivant la lettre du 21 septembre 2010 par laquelle le Fonds les informait qu'il n'agirait pas en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur car l'action était prescrite, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que selon l'article 22 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001, la notification d'une décision du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante doit indiquer les délais et voies de recours ainsi que leurs modalités, l'absence de cette mention ayant pour effet de ne pas faire courir les délais de recours ; que la lettre du 21 septembre 2010 par laquelle le FIVA informait Mme X... qu'il ne pouvait agir contre l'ancien employeur de M. X... en reconnaissance d'une faute inexcusable car une telle action était prescrite ne comportait aucune information quant à l'exercice possible d'une voie de recours, à son délai et ses modalités ; qu'en déclarant néanmoins prescrite l'action en responsabilité portée devant elle par les consorts X... contre le Fonds, faute par les demandeurs d'avoir introduit leur demande en justice dans les deux mois suivant la réception du courrier précité, la cour d'appel a violé les articles 22 et 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 ;

4°/ qu'en statuant de la sorte sans qu'il ressorte de ses constatations que les consorts X... aient été informés de l'existence d'un recours possible contre le FIVA ainsi que de son délai et de ses modalités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 22 et 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 ;

Mais attendu que c'est à bon droit et sans méconnaître le principe de la contradiction que la cour d'appel a décidé que, comme le soutenait le FIVA, le délai de deux mois prévu par l'article 25 du décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 était applicable à l'action engagée ;

Et attendu que le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, comme tel, irrecevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne les consorts X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les consorts X....

Ce moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable, comme forclose, l'action en responsabilité intentée par Madame Arlette X..., Madame Sandy X... et Monsieur Jean-Philippe X... contre le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante ;

AUX MOTIFS QUE les textes instaurent une prescription et une forclusion ; que la prescription née de la loi porte sur la saisine du Fonds relativement à l'indemnisation des préjudices et la forclusion issue du règlement porte sur la saisine de la juridiction en cas de litige avec le Fonds ; qu'à la date du 21 septembre 2010, la réforme de la durée de la prescription introduite par la loi n° 2010-1504 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 ne s'appliquait pas ; qu'aussi la saisine du Fonds en vue de l'indemnisation des préjudices était soumise à la prescription quadriennale ; que l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 dispose : « Le délai pour agir devant la cour d'appel est de deux mois. Ce délai court à partir de la notification, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de l'offre d'indemnisation ou du constat établi par le Fonds que les conditions d'indemnisation ne sont pas réunies » ;
que le 21 septembre 2010, le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante a avisé Arlette X... qu'il ne pouvait pas agir en reconnaissance de faute inexcusable car l'action était prescrite ; que la forclusion de l'action en responsabilité a commencé à courir du jour où ils ont été informés que le Fonds n'agirait pas car ladite action était prescrite, et donc à compter du 21 septembre 2010 ; qu'en application de l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001, les consorts X... devaient saisir la Cour dans les deux mois du courrier précité ;
que l'article 2241 du Code civil dispose que la demande en justice même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription et le délai de forclusion et en vertu de l'article 2242 du même code, cet effet interruptif se poursuit jusqu'à l'extinction de l'instance ; que cependant les consorts X... ont saisi le Tribunal administratif de LYON le 9 juin 2011, soit après la forclusion de leur action ; que la saisine des juridictions administratives n'a pas pu faire renaître le délai d'agir qui était déjà expiré ; qu'en conséquence, l'action intentée par Arlette X..., Sandy X...et Jean-Philippe X... doit être déclarée irrecevable pour cause de forclusion ;

ALORS D'UNE PART QUE le délai de deux mois prévu par l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 pour contester la notification par le Fonds de l'offre d'indemnisation ou le refus de faire suite à la demande d'indemnisation, effectuée en vertu de l'article 22 du même décret, ne s'applique pas à une action en responsabilité engagée contre le Fonds aux fins d'obtenir réparation du dommage causé par l'inaction fautive de ce dernier ayant négligé d'engager un recours subrogatoire tendant à faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur du salarié ; qu'en déclarant irrecevable l'action en réparation introduite par les consorts X... contre le FIVA, le 9 juin 2011, au motif que la forclusion de leur demande avait commencé à courir du jour où ils ont été informés, par lettre du 21 septembre 2010, que le Fonds n'agirait pas contre l'employeur de Monsieur X... car l'action en reconnaissance de faute inexcusable était prescrite, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 ;

ALORS D'AUTRE PART QU'le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en retenant d'office, pour déclarer forclose l'action en responsabilité introduite contre le FIVA par les consorts X..., qu'en application de l'article 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001, ces derniers devaient saisir la cour d'appel dans les deux mois suivant la lettre du 21 septembre 2010 par laquelle le Fonds les informait qu'il n'agirait pas en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur car l'action était prescrite, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;

ET ALORS EN OUTRE, et en tout de cause, QUE selon l'article 22 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001, la notification d'une décision du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante doit indiquer les délais et voies de recours ainsi que leurs modalités, l'absence de cette mention ayant pour effet de ne pas faire courir les délais de recours ; que la lettre du 21 septembre 2010 par laquelle le FIVA informait Madame X... qu'il ne pouvait agir contre l'ancien employeur de Monsieur X... en reconnaissance d'une faute inexcusable car une telle action était prescrite ne comportait aucune information quant à l'exercice possible d'une voie de recours, à son délai et ses modalités ; qu'en déclarant néanmoins prescrite l'action en responsabilité portée devant elle par les consorts X... contre le Fonds, faute par les demandeurs d'avoir introduit leur demande en justice dans les deux mois suivant la réception du courrier précité, la Cour d'appel a violé les articles 22 et 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001 ;

ET ALORS QU'à tout le moins, en statuant de la sorte sans qu'il ressorte de ses constatations que les consorts X... aient été informés de l'existence d'un recours possible contre le FIVA ainsi que de son délai et de ses modalités, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 22 et 25 du décret n° 2001-63 du 23 octobre 2001. Moyen produit au pourvoi incident par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

LE MOYEN reproche à la cour d'appel,

DE S'ÊTRE déclarée compétente pour connaître de l'action en responsabilité intentée par les consorts X... contre le FIVA.

AUX MOTIFS QUE « le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante est un établissement public administratif ; qu'il a été institué par la loi n º 2000-1257 de financement de la Sécurité Sociale pour 2001 du 23 décembre 2000 ; l'article 53- V de cette loi dispose : " Le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée... ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. Cette action est intentée devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur " ; qu'ainsi, le législateur a, dans un même texte, d'une part, créé le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante, et, d'autre part, défini la procédure applicable concernant les demandes d'indemnisation présentées contre le Fonds ; que le législateur a déféré à la seule Cour d'Appel de l'ordre judiciaire la connaissance du contentieux pouvant naître entre une victime de l'amiante ou ses ayants-droit et le Fonds à l'occasion de la réparation du préjudice lié à l'exposition à l'amiante ; que les consorts X... intentent à l'encontre du Fonds une action en responsabilité pour n'avoir pas exercé l'action en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur de leur auteur et les avoir privés de l'indemnisation résultant d'une telle faute ; qu'Arlette X... réclame l'indemnisation des préjudices directement causés par l'exposition de son défunt mari à l'amiante ; que les demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de l'absence d'action en reconnaissance de faute inexcusable présentées par les consorts X... sont connexes ; que la finalité de l'action des consorts X... est d'obtenir un complément de l'indemnisation du préjudice résultant de l'exposition à l'amiante de leur auteur ; que l'action s'inscrit donc dans la loi précitée ; que la loi n º 2000-1257 de financement de la Sécurité Sociale pour 2001 du 23 décembre 2000 s'applique à la cause ; qu'en effet, l'action rentre dans son cadre et aucun principe supérieur n'interdit sa mise en oeuvre ; que le législateur a expressément désigné la Cour d'Appel de l'ordre judiciaire comme juridiction compétente ; que le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante ne demande nullement que la cause soit renvoyée devant le tribunal de grande instance ; que le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante ne discute pas plus la compétence territoriale de la Cour ; qu'en conséquence, la présente Cour doit se déclarer compétente pour connaître de l'action en responsabilité intentée par les consorts X... contre le Fonds d'indemnisation des Victimes de l'Amiante » ;

ALORS QUE seul le juge administratif est compétent pour statuer sur une action en responsabilité intentée à l'encontre du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, établissement public national à caractère administratif ; qu'en se déclarant cependant compétente pour connaitre de l'action en responsabilité intentée par les consorts X... à l'encontre du Fonds, pour ne pas avoir exercé d'action en reconnaissance de faute inexcusable contre l'employeur de leur auteur, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 53- II de la loi n º 2000-1257 du 23 décembre 2000, par refus d'application, et l'article 53- V de la même loi, par fausse interprétation.



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Cette décision est visée dans la définition :
Fonds d'indemnisation des victimes de l'Amiante


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.