par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 24 février 2016, 14-26964
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
24 février 2016, 14-26.964

Cette décision est visée dans la définition :
Compromis




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 25 septembre 2014), que la société X... et M. X... ont assigné la société Subway international en réparation pour rupture des relations contractuelles devant un tribunal de grande instance ; que cette dernière a invoqué la clause compromissoire stipulée dans la lettre d'engagement qui les liaient ;

Attendu que la société X... et M. X... font grief à l'arrêt de dire que l'Association américaine d'arbitrage était compétente pour apprécier sa compétence au regard de la clause d'arbitrage, et de les avoir renvoyés à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge doit apprécier l'inapplicabilité manifeste d'une clause compromissoire, au regard de la nature du litige, sans pouvoir se retrancher derrière la priorité de compétence de l'arbitre qui n'est mise en oeuvre que si la clause n'est pas « manifestement » inapplicable ; qu'en énonçant que la clause compromissoire en cause n'était pas manifestement inapplicable, car « l'appréciation de l'applicabilité de la clause compromissoire à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles nécessite une interprétation de la convention des parties et une recherche de la commune intention des parties, à laquelle seul l'arbitre saisi peut procéder pour vérifier sa compétence », quand il lui incombait de se prononcer sur l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire, éventuellement en procédant à son interprétation, la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

2°/ que la clause compromissoire qui vise les litiges survenus dans le cadre de l'exécution de l'accord est manifestement inapplicable à une action en responsabilité pour rupture abusive et brutale du contrat ; qu'en énonçant que la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable au litige, alors qu'elle ne visait que les litiges survenus dans le cadre de l'exécution de l'accord, de sorte que le différend né de la rupture abusive et brutale du mandat qui liait les parties se situait en-dehors du champ d'application de la clause compromissoire, la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

3°/ qu'une clause compromissoire attribuant compétence au bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris est manifestement inapplicable, lorsqu'il a refusé de retenir sa compétence et d'exercer son pouvoir juridictionnel ; qu'en énonçant que la clause d'arbitrage n'était pas manifestement inapplicable, alors que le bâtonnier de Paris, investi d'un rôle d'arbitre par la clause compromissoire, avait refusé de retenir sa compétence, en raison du refus de la société Subway international de se soumettre à son pouvoir juridictionnel, la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

4°/ qu'une juridiction étatique qui décide qu'une clause compromissoire n'est ni nulle, ni manifestement inapplicable ne peut que se déclarer incompétente ; qu'en refusant de se déclarer incompétente, tout en reconnaissant la priorité de l'arbitre pour se prononcer sur sa propre compétence, à raison du litige né entre les sociétés X... et Subway international, la cour d'appel a refusé d'exercer ses pouvoirs, en violation des articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que l'appréciation de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles nécessite une interprétation de la convention et une recherche de la commune intention des parties et relève qu'à défaut de possibilité de résolution par la médiation ou la procédure de résolution des conflits appropriée suggérée par l'ordre des avocats, la clause prévoit un arbitrage d'après les règles des litiges commerciaux de l'Association américaine d'arbitrage, dont rien ne démontre que la mise en oeuvre serait impossible ; que la cour d'appel, qui a exactement déduit que l'inapplicabilité invoquée n'était pas manifeste, a décidé, à bon droit, de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société X... et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Subway international une somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société X... et M. X...

II est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'Association Américaine d'Arbitrage était compétente pour apprécier sa compétence, au regard de la clause d'arbitrage insérée dans une lettre d'engagement du 20 septembre 2011, signée entre une cliente (la société Subway International) et un avocat (la SELARL X... et M. Kenneth X...) et d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS OU'il résultait de la combinaison des articles 1448 et 1466 du code de procédure civile qu'il appartient à l'arbitre de statuer par priorité sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ; qu'en conséquence, il incombait à la SELARL X... et à M. Kenneth X..., qui soutenaient la compétence du tribunal de grande instance de Versailles, d'établir le caractère manifeste de la nullité ou de l'inapplicabilité de la clause d'arbitrage, seule de nature à faire obstacle à la compétence prioritaire de l'arbitre pour statuer sur l'existence, la validité et l'étendue de la convention d'arbitrage ; que la SELARL X... et M. X... faisaient valoir que la clause était manifestement inapplicable en raison de la nature du litige, dès lors qu'elle ne visait que les litiges relatifs aux dispositions prévues par la lettre d'engagement pendant l'exécution de l'accord ; que, cependant, l'inapplicabilité invoquée n'était pas manifeste, l'appréciation de l'applicabilité de la clause d'arbitrage à un litige né des conditions dans lesquelles il avait été mis fin aux relations contractuelles nécessitent une interprétation de la convention et une recherche de la commune intention des parties, à laquelle seul l'arbitre saisi peut procéder pour vérifier sa compétence ; qu'ils arguaient de l'inapplicabilité et de la nullité de la clause en raison de l'impossibilité de la mettre en oeuvre, étant donné la position déjà adoptée par l'Ordre des avocats de Paris ; que le délégué du Bâtonnier de Paris qui avait été saisi d'une demande, dans une décision du 2 octobre 2013, avait relevé que " La question soumise au Bâtonnier porte sur la portée de la clause convenue entre les parties pour connaître la mission que celles-ci lui ont assignée. Il n'est pas douteux que les parties sont convenues de voir résolu leur différend à travers une médiation ou une procédure de résolution des conflits suggérée par le barreau de Paris. Les parties ont expressément envisagé l'hypothèse d'un échec de cette voie de règlement en déclarant que lesdits différends seraient alors résolus dans le cadre d'un arbitrage qui les obligerait, selon le règlement de l'AAA (...) le bâtonnier ne peut statuer pour trancher le litige, en l'absence d'une clause qui lui attribue compétence ; la clause étant manifestement inapplicable à l'arbitrage de l'Ordre des avocats et la compétence obligatoire du bâtonnier ne concernant que les différends entre avocats, il en résulte que le principe de compétence-compétence ne peut s'appliquer " ; que la clause prévoyait, à défaut de possibilité de résolution par la médiation ou la procédure de résolution des conflits appropriée suggérée par l'Ordre des avocats, le recours à un arbitrage liant les parties conformément aux règles des litiges commerciaux alors en vigueur de l'Association Américaine d'Arbitrage, dont il n'était pas démontré que la mise en oeuvre serait impossible ; que la SELARL X... et Me Kenneth X... soutenaient également que la société Subway International avait renoncé à l'application de cette clause et ne pouvait prétendre en obtenir l'exécution partielle, faisant valoir que la société Subway International ne disposait d'aucun droit d'option et avait refusé de se soumettre à la médiation et à la procédure de résolution des conflits appropriée suggérée par l'Ordre des Avocats ; que si la clause ne prévoyait pas une option, elle prévoyait une résolution du litige autrement que par la juridiction de droit commun, avec un ordre de priorité ; que le fait que la société Subway International ait refusé le recours à une médiation devant l'Ordre des avocats de Paris, alors qu'en tout état de cause il avait été relevé par le bâtonnier de Paris, la clause étant manifestement inapplicable à l'arbitrage de l'Ordre des avocats, la compétence obligatoire du bâtonnier ne concernant que les différends entre avocats, ne permettait pas de retenir qu'à l'évidence, la société Subway International avait renoncé à l'application de la clause d'arbitrage ; que la SELARL X... et M. Kenneth X... prétendaient que la clause était contraire à l'ordre public dès lors qu'exerçant la profession d'avocat, ils ne peuvent être soumis aux règles relatives aux litiges entre commerçants ; que, cependant, l'article 2061 du code civil autorise le recours à une clause compromissoire dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle ; que la clause, qui en second recours prévoyait un arbitrage, ne pouvait être considérée comme manifestement nulle au seul motif que pour la mise en oeuvre de celui-ci il était fait référence aux règles des litiges commerciaux en vigueur auprès de l'Association Américaine d'Arbitrage désignée comme arbitre ; qu'aucun des éléments soumis aux débats ne permettait de considérer que la clause compromissoire était manifestement nulle ou inapplicable au présent litige ; que, dans ces conditions, et dès lors que le Bâtonnier de Paris s'était d'ores et déjà prononcé pour dire que la clause était manifestement inapplicable à la résolution du conflit par l'ordre des avocats, il appartenait à l'Association Américaine d'Arbitrage de se prononcer à son tour sur sa compétence en application de cette clause ; que le jugement entrepris devait être confirmé, non pas en ce que le tribunal s'était déclaré incompétent, dès lors que l'Association Américaine d'Arbitrage était seule compétente pour apprécier sa compétence au regard de la clause d'arbitrage dont la société Subway International revendiquait le bénéfice, mais seulement en ce qu'il avait renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;

1° ALORS QUE le juge doit apprécier l'inapplicabilité manifeste d'une clause compromissoire, au regard de la nature du litige, sans pouvoir se retrancher derrière la priorité de compétence de l'arbitre qui n'est mise en oeuvre que si la clause n'est pas « manifestement » inapplicable ; qu'en énonçant que la clause compromissoire en cause n'était pas manifestement inapplicable, car «/'appréciation de l'applicabilité de la clause compromissoire à un litige né des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux relations contractuelles nécessite une interprétation de la convention des parties et une recherche de la commune intention des parties, à laquelle seul l'arbitre saisi peut procéder pour vérifier sa compétence » (arrêt, p. 4 § 3), quand il lui incombait de se prononcer sur l'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire, éventuellement en procédant à son interprétation, la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE la clause compromissoire qui vise les litiges survenus dans le cadre de l'exécution de l'accord est manifestement inapplicable à une action en responsabilité pour rupture abusive et brutale du contrat ; qu'en énonçant que la clause compromissoire n'était pas manifestement inapplicable au litige, alors qu'elle ne visait que les litiges survenus dans le cadre de l'exécution de l'accord, de sorte que le différend né de la rupture abusive et brutale du mandat qui liait les parties se situait en-dehors du champ d'application de la clause compromissoire, la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

3° ALORS QU'une clause compromissoire attribuant compétence au Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris est manifestement inapplicable, lorsqu'il a refusé de retenir sa compétence et d'exercer son pouvoir juridictionnel ; qu'en énonçant que la clause d'arbitrage n'était pas manifestement inapplicable, alors que le Bâtonnier de Paris, investi d'un rôle d'arbitre par la clause compromissoire, avait refusé de retenir sa compétence, en raison du refus de la société Subway International de se soumettre à son pouvoir juridictionnel, la cour d'appel a violé les articles 1448 et 1466 du code de procédure civile ;

4° ALORS QU'une juridiction étatique qui décide qu'une clause compromissoire n'est ni nulle, ni manifestement inapplicable ne peut que se déclarer incompétente ; qu'en refusant de se déclarer incompétente, tout en reconnaissant la priorité de l'arbitre pour se prononcer sur sa propre compétence, à raison du litige né entre les sociétés X... et Subway International, la cour d'appel a refusé d'exercer ses pouvoirs, en violation des articles 1448 et 1466 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.