par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 7 octobre 2015, 14-17490
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, 1ère chambre civile
7 octobre 2015, 14-17.490

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Exequatur
Sentence d'arbitrage




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2014), que, le 3 mars 2008, la société des Iles Vierges britanniques Dakin International Ltd (Dakin) et M. X..., son président directeur, ont conclu un accord de principe avec la société émiratie Financial Technologies Middle East DMCC (FTME), portant sur la cession de 90 % des actions de la société Audit Control and Expertise Global Ltd Essex UK (ACE) ; que, par un avenant du 11 août 2008, la société mauricienne FT Group Investments Private Ltd (FTGIPL) est devenue partie à l'accord et que, le même jour, a été signé le contrat de vente d'actions entre les sociétés Dakin, FTME et FTGIPL ; qu'un différend étant survenu entre elles, les deux dernières ont mis en oeuvre la clause compromissoire stipulée par le contrat de vente d'actions ; qu'une sentence rendue à Londres, le 14 avril 2011, a reconnu la compétence de l'arbitre à l'égard de M. X..., ordonné que les 20 % du capital d'ACE acquis par les sociétés FTME et FTGIPL soient cédés à la société Dakin et à M. X... après paiement par ceux-ci d'une certaine somme ; que le président du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance du 18 janvier 2012, conféré l'exequatur à la sentence ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de confirmer cette ordonnance, alors, selon le moyen, que si le seul recours ouvert contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger est l'appel prévu par l'article 1525 du code de procédure civile, dans les cas visant la sentence elle-même, la nullité de l'ordonnance qui accorde l'exequatur est encourue en cas d'excès de pouvoirs du juge de l'exequatur ; qu'excède ses pouvoirs le juge qui accorde l'exequatur d'une sentence arbitrale sans vérifier que l'existence de la convention d'arbitrage est établie conformément aux articles 1514 et 1515 du code de procédure civile ; qu'en déclarant irrecevables les moyens tirés de l'insuffisance ou de l'imperfection des pièces soumises au juge de l'exequatur, motifs pris « que le seul recours ouvert contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger est l'appel prévu par l'article 1525 du code de procédure civile, dans les cas d'ouverture énumérés par l'article 1520 du même code, qui visent la sentence elle-même » et « que la décision d'exequatur n'est, en tant que telle, susceptible d'aucun recours », la cour d'appel a violé les articles 1514, 1515 et 1525 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir ;

Mais attendu qu'après avoir retenu que M. X... avait prétendu qu'à la requête en exequatur avait été annexée une traduction incompréhensible et n'avait pas été jointe la convention d'arbitrage, la cour d'appel, qui a relevé que la décision d'exequatur n'était, en tant que telle, susceptible d'aucun recours, en a exactement déduit que les moyens tirés de l'insuffisance ou de l'imperfection des pièces soumises au juge de l'exequatur ne constituaient pas un des cas d'ouverture du recours contre la sentence ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt ;

Attendu qu'après avoir constaté qu'en tous ses articles, le contrat de cession se référait, pour désigner la société Dakin, à sa qualité de vendeur, à l'exception de celui aux termes duquel les vendeurs donnaient une garantie personnelle et d'entreprise de rachat des actions acquises par les acquéreurs et que la sentence énonçait que M. X... avait confirmé à l'audience que la mention d'une garantie personnelle figurant dans le contrat de cession faisait référence à une garantie donnée de sa part aux termes de cet acte, la cour d'appel a décidé, à bon droit, sans être tenue de procéder à une recherche que l'argumentation développée devant elle n'appelait pas, que M. X..., en tant que garant de l'exécution du contrat de cession, y était personnellement partie et était lié par la convention d'arbitrage ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer aux sociétés FTGIPL et FTME la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur du 18 janvier 2012, conférant l'exequatur à la sentence arbitrale rendue à Londres, le 14 avril 2011, sous l'égide de la Chambre de commerce internationale, par M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE sur les moyens tirés de l'article 1515 du code de procédure civile, M. X... soutient que l'exequatur ne pouvait être conféré à une sentence produite dans une traduction incompréhensible faite par un traducteur non assermenté et qui n'était pas accompagnée de la convention d'arbitrage ; considérant que le seul recours ouvert contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger est l'appel prévu par l'article 1525 du code de procédure civile, dans les cas d'ouverture énumérés par l'article 1520 du même code, qui visent la sentence elle-même ; que la décision d'exequatur n'est, en tant que telle, susceptible d'aucun recours ; que les moyens tirés de l'insuffisance ou de l'imperfection des pièces soumises au juge de l'exequatur sont donc irrecevables ;

ALORS QUE si le seul recours ouvert contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger est l'appel prévu par l'article 1525 du Code de procédure civile, dans les cas visant la sentence elle-même, la nullité de l'ordonnance qui accorde l'exequatur est encourue en cas d'excès de pouvoirs du juge de l'exequatur ; qu'excède ses pouvoirs le juge qui accorde l'exequatur d'une sentence arbitrale sans vérifier que l'existence de la convention d'arbitrage est établie conformément aux articles 1514 et 1514 du Code de procédure civile ; qu'en déclarant irrecevables les moyens tirés de l'insuffisance ou de l'imperfection des pièces soumises au juge de l'exequatur, motifs pris « que le seul recours ouvert contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger est l'appel prévu par l'article 1525 du code de procédure civile, dans les cas d'ouverture énumérés par l'article 1520 du même code, qui visent la sentence elle-même » et « que la décision d'exequatur n'est, en tant que telle, susceptible d'aucun recours », la cour d'appel a violé les articles 1514, 1515 et 1525 du Code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur du 18 janvier 2012 conférant l'exequatur à la sentence arbitrale rendue à Londres, le 14 avril 2011, sous l'égide de la Chambre de commerce internationale, par M. Y... ;

AUX MOTIFS QUE sur le moyen tiré de l'incompétence de l'arbitre à l'égard de M. X... (article 1520 1° du code de procédure civile), M. X... fait valoir que l'arbitre a été saisi sur le fondement de la clause compromissoire du contrat de cession qui prévoit un arbitrage à Londres avec application de la loi anglaise, qu'il n'est pas partie à cette convention, et que cette qualité ne saurait lui être conférée du seul fait qu'il a signé le contrat de cession en tant que président directeur de DAKIN, que, du reste, DAKIN étant seule propriétaire des actions d'ACE pouvait seule en être cessionnaire, enfin, que la convention de cession ne constitue pas un ensemble contractuel avec le MOU ainsi qu'en atteste le fait que ce dernier stipulait un arbitrage à Genève avec application du droit helvétique ; considérant que la cour d'appel, juge de l'exequatur d'une sentence rendue à l'étranger, contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ; que le 3 mars 2008, M. X..., personnellement, et la société DAKIN qu'il représente, ont conclu avec la société FTME un memorandum of understanding (MOU) qui prévoyait la vente par les premiers, dénommés collectivement « Les Vendeurs », à la seconde, d'actions du groupe ACE à concurrence de 90 % du capital, ainsi que la conclusion d'un contrat de travail entre FTME et M. X... et d'une convention d'actionnaires et d'une convention de séquestre entre FTME, M. X... et DAKIN ; qu'il était stipulé une clause d'arbitrage à Genève avec application du droit suisse ; considérant qu'en vertu du MOU, 6% puis 14% du capital du groupe ACE ont été cédés à FTME le 6 mars et le 9 avril 2008 et payés par elle au prix de 5 millions USD versé sur un compte séquestre ; que par avenant du 11 août 2008, FTGIPL est devenue partie au MOU ; qu'à la même date a été conclu entre DAKIN, d'une part, FTGIPL et FTME, d'autre part, un contrat de cession d'actions (share purchase agreement : SPA) d'ACE portant sur la participation de 70 % ; que ce contrat prévoyait que le paiement du solde du prix était subordonné à des conditions suspensives ; qu'il stipulait, en outre, que si le bénéfice annuel consolidé d'ACE n'atteignait pas les niveaux prévus, les acquéreurs pourraient revendre les actions déjà acquises au prix qui avait été payé ; qu'il prévoyait que les litiges découlant du contrat ou qui y étaient liés feraient l'objet d'un arbitrage à Londres, et seraient soumis au droit anglais (art. 11.9 et 11.10) ; que le SPA comportait une clause aux termes de laquelle il remplaçait tous les accords et engagements, oraux ou écrits, entre les parties concernées au titre de l'objet du contrat (art.11.02) ; que le contrat de cession se réfère, pour désigner DAKIN, au vendeur (au singulier) en tous ses articles, à l'exception de l'article X (6), lequel énonce que « les vendeurs » (au pluriel) donnent une « garantie personnelle et d'entreprise de rachat des actions acquises par les acquéreurs » (sentence § 35) ; qu'il résulte de la sentence (§ 148) que « M. X... a lui-même confirmé à l'audience qu'il estimait personnellement que la référence à une garantie personnelle figurant dans le SPA faisait référence à une garantie donnée de sa part aux termes du SPA » ; que, même si dans l'intitulé du contrat de cession n'apparaissent que les noms de DAKIN, FTME et FTGIPL, et même si M. X... prétend n'avoir signé qu'en qualité de représentant de DAKIN, il était personnellement partie à cette convention, peu important que ce fût à titre de garant et non de cédant ; que M. X... était donc également lié par la clause compromissoire stipulée par ce contrat, qui se substituait, conformément à l'article 11.02, à celle du MOU ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'arbitre à son égard ne peut donc être écarté ; que sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public international (article 1520 5° du code de procédure civile), M. X... soutient que la sentence méconnaît l'ordre public international en ce qu'elle porte atteinte aux principes de l'exécution de bonne foi et de l'effet relatif des contrats ; considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. X... était partie au contrat de cession d'actions et à la convention d'arbitrage qu'il contenait, de sorte que le moyen manque en fait ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel saisie d'un appel contre l'ordonnance d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger doit refuser l'exequatur lorsque l'arbitre s'est déclaré à tort compétent ; que le contrat de vente du 11 août 2008, comportant la clause compromissoire litigieuse prévoyant un arbitrage à Londres conformément aux Règles d'arbitrage de la CCI de la Cour internationale d'arbitrage, stipulait qu'il devait prévaloir «sur tout contrat et engagement conclu précédemment entre les Parties, oralement ou à l'écrit, en relation avec l'objet de ce contrat », son objet consistant en la vente de 70% des actions de la société ACE ; que cet objet était dès lors distinct de l'objet du protocole d'accord du 3 mars 2008, par lequel ont été transférés les 20% d'actions ayant donné lieu à la garantie litigieuse, qui contentait une clause compromissoire prévoyant un arbitrage à Genève, conformément aux Règles d'arbitrage international des Chambres de commerce suisses ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que « M. X... était également lié par la clause compromissoire stipulée par le contrat de vente , qui se substituait, conformément à l'article 11.02, à celle du MOU », la cour d'appel a violé les articles 1525 et 1520.1° du Code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lors de son interrogatoire par l'arbitre au cours de l'audience du 24 novembre 2010 (cf. production n° 5), M. X... a déclaré (traduction libre) : « quand nous étions à Bombay le 30 et que nous négociions, ils m'ont demandé si, puisque je pensais qu'on pouvait faire 5 millions de dollars de bénéfice net, si j'étais prêt à payer les 5 millions de dollars au cas où quelque chose tournerait mal. J'ai dit "Oui, à condition que vous soyez aux commandes et que vous exécutiez les opérations A, B, C, D avant impôt". (...) Normalement, quand le document était signé, j'aurais dû normalement avoir une autre lettre, un document légal de garantie personnelle. Ce document n'a jamais été établi. Le SPA n'a jamais été¿ ils n'ont jamais rien respecté de ce document. (...) Quand j'ai signé ce document, ok, je représentais Dakin. J'étais Dakin. Je viens, je négocie au nom de l'autre associé de Dakin. (...) Je n'ai aucun problème pour fournir quelque chose, pourvu que A, B, C et D soient réalisés, ce qui ne l'a pas été, et en plus ils ne m'ont pas donné le dépôt de garantie, l'argent, etc. etc. » ; qu'en se fondant uniquement sur la mention de la sentence selon laquelle « M. X... a lui-même confirmé à l'audience qu'il estimait personnellement que la référence à une garantie personnelle figurant dans le SPA faisait référence à une garantie donnée de sa part aux termes du SPA », sans analyser la retranscription de l'interrogatoire, produite, qui faisait apparaître que M. X... n'avait pas eu conscience de s'engager comme garant en son nom personnel à l'occasion du contrat de cession lui-même, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1525 et 1520.1° du Code de procédure civile.



site réalisé avec
Baumann Avocats Contrats informatiques

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Exequatur
Sentence d'arbitrage


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.