par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 11 juin 2014, 13-17318
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, chambre commerciale
11 juin 2014, 13-17.318

Cette décision est visée dans la définition :
Réseau privé virtuel des avocats (RPVA)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 455 et 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société V2MED (le cédant) a cédé quatre créances professionnelles qu'elle détenait à l'encontre de la société Plus pharmacie (le débiteur cédé), pour une somme totale de 255 805,88 euros correspondant à quatre factures établies en juin et juillet 2008, à la Banque commerciale pour le marché de l'entreprise, devenue société Arkea banque entreprises et institutionnels (le cessionnaire) ; que le débiteur cédé, à qui ces cessions ont été notifiées, n'a pas payé les créances à leur échéance ; que le cédant a été mis en redressement judiciaire ; que le cessionnaire a assigné en paiement le débiteur cédé, lequel a, notamment, invoqué l'absence de cause des factures cédées faute de livraison ;

Attendu que, pour fixer à la somme de 234 283,88 euros le montant total des créances cédées, l'arrêt se prononce au visa de conclusions déposées le 14 août 2012 par le débiteur cédé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que celui-ci avait fait signifier et déposer via le « réseau privé virtuel avocat » (RPVA), le 8 février 2013, des conclusions, développant une argumentation complémentaire, accompagnées de nouvelles pièces visées dans le bordereau figurant en annexe, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle aurait pris en considération ces dernières conclusions et ces nouvelles pièces, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 234 283,88 euros le montant total des créances cédées opposables à la société Arkea banque entreprises et institutionnels, l'arrêt rendu le 9 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Arkea banque entreprises et institutionnels aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Plus pharmacie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société PLUS PHARMACIE de sa demande tendant à voir dire et juger que la BCME ne rapporte pas la preuve de l'exécution des obligations causant les factures litigieuses et notamment, de la livraison à son profit de l'ensemble des produits objet des factures, et d'AVOIR, en conséquence, fixé à la somme de 234.283,88 € le montant total des créances cédées à la société ARKEA BANQUE ENTREPRISES INSTITUTIONNELS, en statuant au visa des conclusions signifiées le 14 août 2012 par la société PLUS PHARMACIE ;
AU VISA des conclusions de la société PLUS PHARMACIE signifiées le 14 août 2012 ;
ALORS QUE le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions ; qu'en l'espèce, la société PLUS PHARMACIE avait régulièrement déposé et signifié sur RPVA, le 8 février 2013, ses dernières conclusions (récapitulatives n° 5) dans lesquelles elle avait substantiellement complété sa précédente argumentation et communiqué de nouvelles pièces (les extractions comptables des avoirs numérotées 11 à 15) ; qu'en visant dès lors les conclusions signifiées le 14 août 2012 comme étant les « dernières » et sans prendre en considération la nouvelle argumentation figurant dans les conclusions signifiées le 8 février 2013, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l'article 455 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société PLUS PHARMACIE de sa demande tendant à voir dire et juger que la BCME ne rapporte pas la preuve de l'exécution des obligations causant les factures litigieuses et notamment, de la livraison à son profit de l'ensemble des produits objet des factures et d'AVOIR, en conséquence, fixé à la somme de 234.283,88 € le montant total des créances cédées à la société ARKEA BANQUE ENTREPRISES INSTITUTIONNELS ;
AUX MOTIFS QUE Sur les exceptions opposables au cessionnaire qu'il est constant qu'aucune acceptation de cession, au sens de l'article L. 313-29 du Code monétaire et financier, n'est intervenue ; qu'il en résulte que le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire toutes les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant et se trouve recevable à ce titre à contester l'existence de la créance ; que le débiteur cédé ne saurait cependant, sans inverser la charge de la preuve, exiger du cessionnaire qu'il justifie de la cause des créances cédées, en l'espèce de la réalité des livraisons facturées ; que c'est donc à la société PLUS PHARMACIE qu'il appartient de rapporter la preuve du défaut de livraison allégué ; que deux créances cédées ne font l'objet d'aucune contestation à cet égard, correspondant aux factures n° 20638 du 30 juin 2008 pour 13.686,78 € et n° 20701 du 4 juillet 2007, pour 5.082,86 € ; que s'agissant de la facture n° 20642 du 30 juin 2008, d'un montant de 11.221,05 €, la société appelante, débiteur cédé, produit une impression papier d'un message électronique qu'elle a adressé le 9 octobre 2008 à un de ses correspondants de V2MED indiquant qu'aucun produit mentionné sur cette facture n'avait été livré et justifie de trois avoirs qui ont été établis les 28 octobre et 5 janvier 2009 à raison de produits livrés à ces dates, de même catégorie et en mêmes quantités que ceux qui avaient été facturés le 30 juin 2008, pour soutenir que la preuve de l'absence de livraison étant par elle ainsi rapportée, elle se trouve fondée à opposer l'exception d'inexécution au cessionnaire ; que la société ARKEA BANQUE fait justement valoir que ces avoirs, établis postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne sont pas opposables aux créances cédées, lesquelles correspondent à des factures exigibles antérieurement au jugement d'ouverture et qui lui ont été régulièrement cédées avant cette date, étant en outre relevé qu'il résulte des pièces produites que la totalité des produits facturés a bien été livrée au débiteur cédé à la date des documents dénommés « avoirs », lesquels constituent, en réalité, des régularisations d'écritures lors de la livraison effective des marchandises précédemment facturées et non livrées, de sorte que le moyen tiré du défaut de livraison sera rejeté ; que s'agissant de la facture n° 20898 du 29 juillet 2008, d'un montant de 119.815,19 ¿, la société PLUS PHARMACIE justifie de deux avoirs sur cette facture, l'un d'un montant de 21.552 € en date du 15 septembre 2008, soit antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société V2MED et dont la société PLUS PHARMACIE est par conséquent fondée à se prévaloir au titre de l'inexécution, à la date à laquelle la créance a été cédée, d'une complète livraison à hauteur de cette somme, l'autre d'un montant de 78.457 € en date du 25 novembre 2008, soit postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, correspondant à des produits qui ont été effectivement livrés à la date de l'« avoir », de sorte que le moyen tiré du défaut de livraison à hauteur de cette dernière somme sera, là encore, rejeté ; qu'il en résulte que la totalité des créances cédées s'élève à la somme de (225.805,88 ¿ 21.522) = 234.283,88 € ;

1°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, qu'il appartient en conséquence au fournisseur réclamant le paiement de factures de prouver la réalité des livraisons à l'origine de cette facturation en produisant les bordereaux de livraison ; qu'en l'espèce, en retenant que la société PLUS PHARMACIE, débiteur cédé, ne saurait, sans inverser la charge de la preuve, exiger du cessionnaire, en l'occurrence, la BCME, qu'il justifie de la réalité des livraisons facturées quand, précisément, il appartenait à la société V2MED d'établir qu'elle avait livré les marchandises facturées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et a violé l'article 1315 du code civil, ensemble les articles 1-1 et 6 de la loi du 2 janvier 1981 ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut mettre à la charge d'une partie une preuve impossible ; qu'en retenant que « c'est à la société PLUS PHARMACIE qu'il appartient de rapporter la preuve du défaut de livraison allégué », quand la preuve contraire était détenue par la société V2MED, la cour d'appel a, en toute hypothèse, mis à la charge de la société PLUS PHARMACIE une preuve impossible et a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 313-29 du code monétaire et financier ;
3°) ALORS QUE le motif inintelligible équivaut au défaut de motifs ; qu'en énonçant que « les avoirs, établis postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne sont pas opposables aux créances cédées, lesquelles correspondent à des factures exigibles antérieurement au jugement d'ouverture et qui lui ont été régulièrement cédées avant cette date », la cour d'appel a statué par un motif inintelligible, et a violé l'article 455 du code de procédure civile.

4°) ALORS QUE les avoirs régulièrement émis par la société V2MED avaient précisément pour objet d'admettre l'absence de livraison des produits facturés et, partant, l'inexistence de la créance du fournisseur ; que le défaut d'exigibilité des factures litigieuses s'induisait en conséquence des quatre avoirs émis par la société V2MED en annulation de factures de même montant, peu important qu'ils aient été établis postérieurement à la date d'ouverture du redressement judiciaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313- 23 du code monétaire et financier ;

5°) ALORS QUE le débiteur cédé, qui n'a pas accepté la cession de créance, peut valablement opposer au créancier cessionnaire l'exception tirée de l'inexistence de la créance même si elle est apparue postérieurement à la notification de la cession ; qu'en l'espèce, la société PLUS PHARMACIE était fondée à opposer à la BCME l'exception tirée de l'absence de livraison des produits objet des factures litigieuses, quand bien même fût-ce par des avoirs émis par le créancier cédant postérieurement à la notification de la cession de créance ; qu'en retenant dès lors que la totalité des créances cédées s'élevait à la somme de 234.283,88 euros motif pris de ce que les avoirs correspondant à des factures exigibles avant le jugement d'ouverture ne sont pas opposables aux créances régulièrement cédées avant cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 313-23 du code monétaire et financier ;
6°) ALORS QUE le juge ne saurait méconnaitre les termes du litige dont il est saisi ; qu'en l'espèce, la société ARKEA BANQUE admettait que l'émission d'avoirs, par la société V2MED, était bien destinée à se compenser avec des factures précédemment établies par elle à l'égard de la société PLUS PHARMACIE » ; qu'il était ainsi constant que le créancier cédant avait émis des avoirs pour admettre que les factures litigieuses correspondaient à des produits non livrés ; qu'en retenant en conséquence que les avoirs constituaient des régularisations d'écritures lors de la livraison effective des marchandises, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE le juge doit observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour contester la valeur des avoirs émis par la société V2 MED, la BCME se bornait à soutenir que les factures litigieuses lui ayant été cédées étaient antérieures au redressement judiciaire du cédant, que les avoirs émis postérieurement à la procédure collective n'avaient pas de « valeur intrinsèque » comme ne correspondant pas à une déclaration de créance de la part de la société PLUS PHARMACIE, ajoutant que les avoirs communiqués - sauf celui du 15 septembre 2008 ¿ avaient été émis postérieurement à la notification de créance par la BCME ; qu'en relevant dès lors d'office le moyen tiré de la livraison effective des marchandises, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.