par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 14 novembre 2013, 12-28763
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
14 novembre 2013, 12-28.763

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Avocat
Ducroire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 octobre 2012), que la société d'avocats Huet et associés (la société Huet) a sollicité le concours de la société d'avocats Monard d'Hulst Bruxelles pour l'assistance de M. X..., son client, lors d'un projet d'achat d'hôtels à Anvers ; que ce dernier n'ayant pas réglé les honoraires et frais facturés, celle-ci en a demandé paiement à la société Huet, qui a refusé ; que la société Monard d'Hulst Bruxelles s'est adressée au bâtonnier de l'ordre des avocats de Bruxelles, qui a saisi son homologue parisien, lequel a conclu à l'absence d'engagement ducroire, puis a assigné la société Huet en paiement de ces honoraires et frais ;

Attendu que la société Huet fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen :

1°/ que l'engagement ducroire suppose, dans les relations entre un avocat et l'un de ses confrères consulté dans un dossier, que l'avocat ait lui-même mandaté son correspondant et contracté en son nom propre, la simple mise en relation d'un client avec un avocat correspondant ne l'engageant pas personnellement au paiement des honoraires, frais et débours dus à celui-ci ; qu'il ressortait tant de la télécopie du 16 octobre 2005 que de celle du 24 octobre 2005, que la société Huet n'avait jamais confié à la société Monard d'Hulst une quelconque mission mais s'était bornée à mettre celle-ci en relation avec M. X..., devenu client de la société Monard d'Hulst, à recommander le cabinet bruxellois à son client, à qui elle avait soumis le budget prévisionnel d'honoraires pour acceptation, et, à transmettre l'accord de M. X... à la société Monard d'Hulst ; qu'en affirmant que le cabinet Huet ne s'était pas contenté de mettre M. X... en relation avec son homologue belge mais lui avait confié l'affaire à traiter en Belgique, la cour d'appel a violé les articles 11.5 du règlement intérieur national adopté par le Conseil national des barreaux et 5.7 du code de déontologie des avocats européens rendu applicable aux avocats des barreaux français par l'article 21 du règlement intérieur national ;

2°/ qu'en affirmant que le cabinet Huet ne s'était pas contenté de mettre M. X... en relation avec son homologue belge mais lui avait confié l'affaire à traiter en Belgique, la cour d'appel a violé en outre l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la société Huet faisait valoir que son rôle s'était limité à introduire la société Monard d'Hulst auprès de son client, M. X..., sans lui confier de mission, ni lui offrir sa garantie en qualité de ducroire ; qu'en se contentant de citer certains passages des télécopies de la société Huet des 16 et 24 octobre 2005, sans caractériser l'existence d'une prétendue mission qui aurait été confiée personnellement à la société Monard d'Hulst par la société Huet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11.5 du règlement intérieur national et 5.7 du code de déontologie des avocats européens ;

4°/ que l'obligation ducroire suppose l'existence d'un mandat entre l'avocat et son correspondant, excluant tout rapport entre le client et le correspondant ; que la société Huet faisait valoir que M. X... avait établi une relation directe avec la société Monard d'Hulst en vue de l'acquisition des trois hôtels à Anvers- laquelle avait indiqué qu'elle assisterait volontiers le client - et qu'elle n'avait jamais interféré dans la relation développée entre M. X... et la société Monard d'Hulst, ce dont il résultait que son rôle s'était limité à introduire le cabinet bruxellois auprès de son client ; qu'en se fondant, pour condamner la société Huet à payer à la société Monard d'Hulst la somme de 45 762,17 euros en principal, sur la circonstance que celle-ci n'établissait pas ni n'alléguait avoir convenu avec le cabinet Monard d'Hulst Bruxelles de dispositions particulières ou contraires, ni limité son engagement au regard des dispositions tant de l'article 11.5 du règlement intérieur national que de l'article 5.7 du code de déontologie des avocats européens, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à établir l'existence d'un mandat entre les deux cabinets d'avocats et d'un engagement ducroire de la part de la société Huet, a privé sa décision de base légale au regard des articles 11.5 du règlement intérieur national et 5.7 du code de déontologie des avocats européens ;

5°/ que la société Huet faisait valoir qu'il ressortait de l'article 11.5 du règlement intérieur national que l'obligation ducroire ne concernait pas les frais et émoluments taxables et demandait à la cour d'appel, à titre subsidiaire, d'exclure en tout état de cause de l'assiette de la condamnation, les frais et émoluments taxables ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes de nature à modifier l'assiette de la condamnation de la société Huet, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement énoncé que selon les articles 5.7 du code de déontologie des avocats européens, applicable aux avocats des barreaux français conformément à l'article 21 du règlement intérieur national, et 11.5 dudit règlement, un avocat qui, ne se bornant pas à recommander un confrère ou à l'introduire auprès d'un client, confie une affaire à un correspondant ou le consulte, est personnellement tenu, même en cas de défaillance du client, au paiement des honoraires, frais et débours dus au conseil d'un Etat membre, la cour d'appel, appréciant souverainement la portée des éléments de preuve, a relevé que la société Huet avait confié à la société Monard d'Hulst Bruxelles une mission consistant à conseiller son client à l'occasion d'un projet d'investissement immobilier en Belgique, tout en proposant son assistance pour la mise en place de la structure d'acquisition et l'optimisation tant fiscale que sociale de l'opération côté français, qu'elle avait transmis un calendrier du déroulement des différents audits et diverses pièces nécessaires à la mission, et avait sollicité la communication de certains documents relatifs à l'acquisition envisagée ; que de ces constatations et appréciations, elle a exactement déduit que la société Huet, qui ne s'était pas bornée à mettre son client en relation avec la société Monard d'Hulst mais lui avait confié l'affaire à traiter en Belgique, était tenue, conformément au code professionnel applicable entre avocats des pays membres de l'Union européenne, au paiement des honoraires et frais dus à cette dernière ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté que la société Huet n'avait pas usé de la faculté offerte par le code de déontologie des avocats européens de convenir de dispositions particulières contraires ou de limiter son engagement, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement rejeté la demande d'exclusion des frais et émoluments taxables, lesquels figurent au nombre des frais et débours visés par l'article 5.7 du code de déontologie des avocats européens ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Huet et associés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Huet et associés

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement, condamné la Selarl Huet et Associés à payer à la société Monard d'Hulst la somme de 45.762,17 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25 janvier 2010 ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la profession d'avocat, la définition de la clause ducroire résulte de l'article 11.5 du RIN qui énonce : « un avocat qui, ne se bornant pas à mettre en relation son client avec un autre avocat, confie un dossier à un confrère ou le consulte, est personnellement tenu des honoraires, frais et débours dus à ce confrère correspondant, au titre des prestations accomplies à sa demande par celui-ci. Les avocats peuvent néanmoins, dès l'origine et par écrit, convenir du contraire. En outre, le 1er avocat peut, à tout instant, limiter par écrit son engagement au montant des sommes dues au jour où il exclut sa responsabilité pour l'avenir (¿) » ainsi que de l'article 5.7 du code de déontologie des avocats européens qui indique pour sa part : « Dans les relations professionnelles entre avocats de barreaux de différents Etats membres, l'avocat qui, en ne se bornant pas à recommander un confrère ou à l'introduire auprès d'un client, confie une affaire à un correspondant ou le consulte, est personnellement tenu, même en cas de défaillance du client, au paiement des honoraires, frais et débours dus au conseil étranger. Cependant, les avocats concernés peuvent, au début de leurs relations, convenir de dispositions particulières à ce sujet. En outre, l'avocat peut, à tout instant, limiter son engagement personnel au montant des honoraires, frais et débours engagés avant la notification à son confrère étranger de décliner sa responsabilité pour l'avenir » ; qu'en l'espèce, le Cabinet Huet et Associés indique dans sa télécopie du 16 octobre 2005, en transmettant un mémorandum signé par Monsieur X... portant sur trois hôtels, que la mission confiée au Cabinet Monard d'Hulst Bruxelles consiste à assister son client dans la préparation de son projet immobilier et d'évaluer les honoraires tout en proposant l'assistance, ¿le cas échéant', de son Cabinet dans la mise en place de la structure d'acquisition, dans la restructuration de la ¿cible' aux fins de cession de l'un des hôtels et de l'optimisation fiscale et sociale de l'opération du côté français ; dans sa télécopie du 24 octobre 2005, le Cabinet Huet et Associés, insistant sur l'urgence de la situation, transmet un calendrier précis du déroulement des audits techniques, comptables et financier, précise qu'il est demandé aux vendeurs « la liste des documents et informations auxquels nous souhaitons accéder » avant d'indiquer : « nous serions susceptibles d'intervenir à partir de mardi », transmet également, en annexe, une liste type d'acquisition d'un hôtel en France en demandant à l'appelant de l'adapter, le cas échéant, ou de substituer sa liste type « qu'il conviendra d'adresser par télécopie au directeur des hôtels », joint la déclaration fiscale de la société hôtelière transmise par son client pour « préparer notre intervention » et termine en ces termes : « j'ai besoin de pouvoir communiquer à notre client un budget prévisionnel d'intervention de votre cabinet que je vous remercie de m'adresser rapidement : ce budget doit lui être soumis ce jeudi lors de son passage à Paris » ; que le Cabinet Huet et Associés n'établit pas ni n'allègue avoir, à un moment quelconque, convenu avec le Cabinet Monard d'Hulst Bruxelles de dispositions particulières ou contraires, ni limité son engagement au regard des dispositions tant de l'article 11.5 du RIN que de l'article 5-7 du code de déontologie des avocats européens ; qu'il résulte de ce qui précède que le Cabinet Huet et Associés ne s'était pas contenté de mettre Monsieur X... en relation avec son homologue belge mais a confié à celui-ci l'affaire à traiter en Belgique ; que dès lors, la demande subsidiaire du Cabinet Huet et Associés tendant à limiter sa condamnation « aux seuls honoraires correspondant aux services effectivement rendus jusqu'au 6 novembre 2005 inclus » est dénuée de pertinence ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'engagement ducroire suppose, dans les relations entre un avocat et l'un de ses confrères consulté dans un dossier, que l'avocat ait lui-même mandaté son correspondant et contracté en son nom propre, la simple mise en relation d'un client avec un avocat correspondant ne l'engageant pas personnellement au paiement des honoraires, frais et débours dus à celui-ci ; qu'il ressortait tant de la télécopie du 16 octobre 2005 que de celle du 24 octobre 2005, que la Selarl Huet et Associés n'avait jamais confié à la Société Monard d'Hulst une quelconque mission mais s'était bornée à mettre celle-ci en relation avec Monsieur X..., devenu client de la Société Monard d'Hulst, à recommander le Cabinet bruxellois à son client, à qui elle avait soumis le budget prévisionnel d'honoraires pour acceptation, et, à transmettre l'accord de Monsieur X... à la société Monard d'Hulst ; qu'en affirmant que le cabinet Huet et associés ne s'était pas contenté de mettre Monsieur X... en relation avec son homologue belge mais lui avait confié l'affaire à traiter en Belgique, la cour d'appel a violé les articles 11.5 du Règlement intérieur national adopté par le Conseil national des barreaux et 5.7 du code de déontologie des avocats européens rendu applicable aux avocats des barreaux français par l'article 21 du Règlement intérieur national ;

ALORS, AU SURPLUS, QU'en affirmant que le cabinet Huet et Associés ne s'était pas contenté de mettre Monsieur X... en relation avec son homologue belge mais lui avait confié l'affaire à traiter en Belgique, la Cour d'appel a violé en outre l'article 1134 du code civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Selarl Huet et Associés faisait valoir que son rôle s'était limité à introduire la société Monard d'Hulst auprès de son client, Monsieur X..., sans lui confier de mission, ni lui offrir sa garantie en qualité de ducroire ; qu'en se contentant de citer certains passages des télécopies de la Selarl Huet et Associés en date des 16 et 24 octobre 2005, sans caractériser l'existence d'une prétendue mission qui aurait été confiée personnellement à la société Monard d'Hulst par la Selarl Huet et Associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11.5 du Règlement intérieur national et 5.7 du code de déontologie des avocats européens ;

ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE l'obligation ducroire suppose l'existence d'un mandat entre l'avocat et son correspondant, excluant tout rapport entre le client et le correspondant ; que la Selarl Huet et Associés faisait valoir que Monsieur X... avait établi une relation directe avec la société Monard d'Hulst en vue de l'acquisition des trois hôtels à Anvers- laquelle avait indiqué qu'elle assisterait volontiers le client - et qu'elle n'avait jamais interféré dans la relation développée entre Monsieur X... et la société Monard d'Hulst, ce dont il résultait que son rôle s'était limité à introduire le cabinet bruxellois auprès de son client ; qu'en se fondant, pour condamner le cabinet Huet et Associés à payer à la société Monard d'Hulst la somme de 45.762,17 euros en principal, sur la circonstance que le cabinet Huet et associés n'établissait pas ni n'alléguait avoir convenu avec le cabinet Monard d'Hulst Bruxelles de dispositions particulières ou contraires, ni limité son engagement au regard des dispositions tant de l'article 11.5 du RIN que de l'article 5.7 du code de déontologie des avocats européens, la cour d'appel qui a statué par des motifs inopérants, impropres à établir l'existence d'un mandat entre les deux cabinets d'avocats et d'un engagement ducroire de la part de la Selarl Huet et Associés, a privé sa décision de base légale au regard des articles 11.5 du RIN et 5.7 du code de déontologie des avocats européens ;


ALORS, ENFIN, QUE la Selarl Huet et Associés faisait valoir qu'il ressortait de l'article 11.5 du Règlement intérieur national que l'obligation ducroire ne concernait pas les frais et émoluments taxables et demandait à la cour d'appel, à titre subsidiaire, d'exclure en tout état de cause de l'assiette de la condamnation, les frais et émoluments taxables ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions déterminantes de nature à modifier l'assiette de la condamnation de la Selarl Huet et Associés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.