par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 25 septembre 2013, 12-17777
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Cour de cassation, chambre sociale
25 septembre 2013, 12-17.777
Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n° V 12-17.776 et W 12-17.777 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mmes X... et Y... ont été engagées par la société Comptoirs du Sud, respectivement à compter des 14 juin 2000 et 11 janvier 2002, en qualité de vendeuses affectées dans une boutique située à bord de l'un des navires de la SNCM ; que le 11 janvier 2002 a été conclu un accord collectif d'aménagement et de réduction du temps de travail, organisant le passage aux 35 heures, et une modulation du temps de travail sur l'année en fixant la durée au total de 1600 heures pour le personnel embarqué ; que cet accord stipulait que les plannings de travail devaient être planifiés de façon à ce que le nombre d'heures de travail effectif ne dépasse pas douze heures par période de vingt-quatre heures dans une amplitude maximale de quatorze heures par période de vingt-quatre heures, soixante-douze heures par période de sept jours consécutifs et que le nombre d'heures de repos ne soit pas inférieur à dix heures par période de vingt-quatre heures, une des plages de repos devant avoir une durée d'au moins huit heures ; que les salariées ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 24, 24-2, 25 du code du travail maritime, alors en vigueur, et L. 212-8 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu, d'abord, que le second de ces textes rend applicable aux marins salariés des entreprises d'armement maritime les dispositions de l'article L. 212-8 du code du travail, relatif à la modulation du temps de travail, lequel prévoit que la convention ou l'accord permettant le recours à la modulation du temps de travail doit respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail définies par les deuxièmes alinéas des articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du travail, soit dix heures de travail par jour et quarante-huit heures de travail par semaine ou quarante-quatre heures hebdomadaires sur une période de douze semaines ;
Attendu, ensuite, que les dérogations ouvertes par les articles 24 et 25 du code du travail maritime ne concernent que l'article L. 212-1 du code du travail, et n'affectent pas les dispositions spéciales des articles 24-2 du code du travail maritime et L. 212-8 du code du travail ;
Attendu, enfin, que les dispositions du code du travail maritime concernant l'organisation et la durée du travail à bord, sont applicables, pour le temps de leur embarquement, et sous réserve de dispositions collectives plus favorables, aux personnels non marins, lorsque ces personnels sont conduits, en exécution de leur contrat de travail, à servir en mer ;
Attendu que pour débouter les salariées de leurs demandes de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires et de dommages-intérêts, les arrêts retiennent que l'accord collectif d'aménagement et de réduction du temps de travail du 11 janvier 2002, stipule des limites maximales des heures de travail effectif, à savoir douze heures par période de vingt-quatre heures avec une amplitude horaire maximale de quatorze heures par période de vingt-quatre heures et soixante-douze heures de travail par période de sept jours ainsi que des temps de repos journaliers de dix heures par jour dont un repos continu d'au moins huit heures ; que ses dispositions ne sont pas en opposition avec les règles du code du travail qui, dans son article L. 212-8 autorise la conclusion d'un accord d'entreprise prévoyant une variation de la durée hebdomadaire du travail à condition que cette durée n'excède pas, sur un an, un plafond de 1600 puis 1607 heures annuelles ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'accord ne respectait pas les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail prévues par l'article L. 212-8 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que pour débouter les salariées de leurs demandes de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires et de dommages-intérêts, les arrêts retiennent que compte-tenu de la validité de l'accord collectif d'aménagement et de réduction du temps de travail du 11 janvier 2002, le déclenchement des heures supplémentaires ne devait pas être calculé par semaine et la majoration n'avait pas à être appliquée à partir de la trente-sixième heure de travail hebdomadaire ;
Attendu, cependant, que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié ; que si l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 insère dans le code du travail l'article L. 3122-6, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, ce texte, qui, modifiant l'état du droit existant, n'a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif, n'est applicable qu'aux décisions de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, alors que la mise en place de la modulation du temps de travail était antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, la cour d'appel qui n'a pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si les salariées avaient donné leur accord exprès à la modification du contrat de travail qui en résultait, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les salariées de leur demande en paiement d'heures supplémentaires et de dommages-intérêts en raison du non-respect de l'employeur des dispositions relatives à la durée de travail, les arrêts rendus le 17 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Comptoirs du Sud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Comptoirs du Sud et condamne celle-ci à payer à Mmes X... et Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi n° V 12-17.776
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts en raison du non-respect par l'employeur des dispositions relatives à la durée du travail et à l'accord de modulation du temps de travail, ainsi que de sa demande d'expertise et de communication de pièces ;
Aux motifs que « 1) En raison de l'activité particulière de la société Les Comptoirs du Sud, dont l'objet est l'exploitation de boutique de vente au détail de divers articles sur les bateaux de la SNCM, les règles en matière de durée du travail de ses salariés embarqués doivent être appropriées à l'exécution des prestations de l'entreprise.
Dans ces conditions, est intervenu, le 11 janvier 2002, l'accord collectif d'aménagement et de réduction du temps.
Etaient stipulés :
- Une durée de travail effectif ramenée à 35 heures hebdomadaires ;
- Une modulation du temps de travail pour les personnels embarqués sur l'année, le total des heures annuelles étant fixées à 1.600 heures, et principalement pour les salariés occupés aux fonctions de vente dans les boutiques des navires, le nombre de jour d'embarquement étant de 210 jours au maximum,
- Une modulation pratiquée sur une période comprise entre le 1er juillet de l'année initiale et le 30 juin de l'année suivante,
- Des limites maximales des heures de travail effectif, à savoir 12 heures de travail par période de 24 heures et 72 heures de travail par période de 7 jours,
- Des temps de repos journaliers, en l'occurrence 10 heures par jour, dont un repos continu d'au moins 8 heures,
- Une planification des horaires de travail par une programmation de deux mois portée à la connaissance des salariés au moins 1 mois avant le début de la période.
Ses dispositions n'étaient pas en opposition avec les règles du code du travail, qui, dans son article L.212-8 alors en application depuis janvier 2000, autorisaient la conclusion d'un accord d'entreprise prévoyant une variation de la durée hebdomadaire du travail à condition que cette durée n'excédât pas, sur un an, un plafond de 1.600 puis 1.607 heures annuelles.
Elles étaient surtout conformes :
- Aux prescriptions du code du travail maritime relative à l'organisation et à la durée du travail à bord qui étaient applicables à Florence X..., salariée n'ayant pas le statut de marin mais conduite en exécution de son contrat à servir en mer, et ce pour le temps de son embarquement,
- Aux directives européennes relatives à l'organisation du temps de travail des « gens de mer » de juin 1999 et donc à Florence X... en sa qualité de personne travaillant à bord d'un navire, peu important la fonction exercée, édictant les limites suivantes : 14 heures de travail par période de 24 heures, 72 heures par période de 7 jours, 10 heures de repos par période de 24 heures,
- A la convention OIT référencée C180, adoptée le 22 octobre 1996 et entrée en vigueur en 2002 sur les gens de mer désignés comme les personnes employées ou engagées, à quelque titre que ce soit, à bord d'un navire, Florence X... effectuant sa prestation de travail sur un navire, cette convention stipulant notamment un nombre maximal d'heures de travail journalier (14 heures) et hebdomadaire (72 heures) un temps de repos quotidien de 10 heures.
Dès lors, l'accord du 11 janvier 2002, conforme aux règles légales et internationales, n'était pas nul et de nul effet.
Le contrat à durée indéterminée conclu par Florence X... et la société Les Comptoirs du Sud précisait que l'horaire de travail de l'intéressée serait fixé en fonction des nécessités du service puisque dépendant des horaires du navire sur lequel elle était embarquée, horaires lui étant communiqués à l'avance.
Compte tenu de la validité de l'accord, le déclenchement des heures supplémentaires ne devait pas être calculé par semaine et la majoration n'avait pas à être appliquée à partir de la 36ème heure de travail hebdomadaire.
La cour constate, d'autre part, que :
- Les attestations produites par Florence X... sur l'activité des boutiquières ne comportent aucune précision sur ses horaires personnels de travail et la liste des tâches énumérées n'exclut pas un accomplissement dans le cadre de l'horaire prévu ; ainsi l'exécution d'heures supplémentaires non rémunérées n'est pas étayée par les témoignages écrits communiqués par l'appelante pour lesquels il convient de remarquer qu'ils sont tous dactylographiés de la même manière et dans des termes identiques, chaque témoin ayant signé et daté de sa main l'attestation à son nom.
- L'accord sus-énoncé prévoyait également la perception d'un forfait d'heures supplémentaires de 90 heures annuelles ; le paiement de ce paiement d'heures supplémentaires figure sur les bulletins de salaires de Florence X...,
- Etaient, en outre, mentionnés sur les fiches de paie de Florence X... le paiement d'heures supplémentaires majorées à 125 et 150 %,
- Florence X... a établi et signé, avant de les remettre aux responsables de la société, des situations mensuelles mentionnant les heures de travail qu'elle indiquait avoir effectuées chaque jour ; les paiements de ses salaires ont correspondu aux données de ces documents ; ces pièces, communiquées par l'employeur, démontrent la durée effective de travail de Florence X... et l'absence d'heures supplémentaires non réglées.
2) S'agissant du décompte du travail effectif de Florence X..., il convient de relever que :
- L'accord a précisé la notion de temps de travail effectif défini comme le temps pendant le lequel le salarié était à la disposition de son employeur, devait se conformer à ses directives et ne pouvait pas vaquer librement à ses occupations personnelles, la période de séjour dans des locaux servant d'habitation à bord et des repas pris ainsi que les temps de trajet du domicile au lieu de travail étaient expressément exclus du temps de travail effectif,
- Les fonctions spécifiques exercées par Florence X... (notamment en matière douanière, établissement de fiches de situation) ont été accomplies dans le cadre de la durée du travail ; Florence X... n'a pas fourni d'éléments susceptibles de confirmer ses allégations concernant la gestion d'incidents, qui, à les supposer rencontrés, ont eu lieu, de toute façon, dans le cadre ou à l'occasion de ses activités professionnelles,
- Les traversées effectuées sur les navires NGV étaient de courte durée et réalisées de jour et ne nécessitaient pas un temps de repos dans une cabine particulière,
- Très justement, le juge départiteur a relevé que le fait d'être sur un navire ne saurait pour conséquence que la période de navigation constituerait une période travaillée puisqu'elle disposait d'une cabine ou elle pouvait se retirer, se reposer ou dormir en fonction de la durée de la traversée,
- En vertu des dispositions réglementaires, en l'espèce le décret du 31 mai 2005 relatif à la durée de travail des gens de mer, les périodes d'astreinte définies par le code du travail en son article L.212-4 bis, ne pouvaient s'appliquer à bord des navires en cours de navigation ; de plus, les temps de repos pris par Florence X... dans sa cabine ou une salle réservée à l'équipage ne peuvent être comptabilisées comme un temps de travail effectif, aucun élément sérieux n'autorisant à dire que lors de ces périodes, Florence X... était toujours à la dispositions de la société Les Comptoirs du Sud ; avec raison, la société Les Comptoirs du Sud a fait valoir qu'en cas de problème de sécurité au niveau de la boutique tandis que Florence X... était de repos, la question était réglée par les responsables de la SNCM et rien ne permet d'affirmer que Florence X... était reliée en permanence avec le système d'alarme installé.
En conséquence, le temps de travail effectif de Florence X... n'a pas à être modifié en fonction des éléments et considération qu'elle a donnés. » ;
Alors, d'une part, que l'accord de modulation du temps travail, qui pouvait être conclu au sein d'une entreprise en application de l'article L.3122-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2003-47 du 17 janvier 2003, devait respecter la durée quotidienne de travail de 10 heures fixée à l'article L.3121-34 et les durées hebdomadaires maximales de 48 heures au cours d'une semaine et de 44 heures en moyenne appréciées sur 12 semaines consécutives ; que l'article 24 du code du travail maritime, antérieurement à son abrogation par l'ordonnance n°2010-1307 du 28 octobre 2010, applicable au personnel non marin conduit à servir en mer pour le temps de son embarquement, renvoyait à ces dispositions de droit commun ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'accord de modulation du 22 janvier 2002 prévoyait des limites maximales des heures de travail effectif, à savoir 12 heures de travail par période de 24 heures et 72 heures de travail par période de 7 jours, la cour d'appel, qui a néanmoins décidé de faire application de cet accord, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L.3122-9 du code du travail et 24 du code du travail maritime dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
Alors, d'autre part, que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la salariée avait expressément accepté la modification de son contrat de travail résultant de l'accord de modulation du temps de travail du 22 janvier 2002, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.3122-9 du code du travail tel qu'applicable au cas présent, ensemble l'article L.1221-1 du même code.
Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., demanderesse au pourvoi n° W 12-17.777
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la salariée de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts en raison du non-respect par l'employeur des dispositions relatives à la durée du travail et à l'accord de modulation du temps de travail, ainsi que de sa demande d'expertise et de communication de pièces ;
Aux motifs que « 1) En raison de l'activité particulière de la société Les Comptoirs du Sud, dont l'objet est l'exploitation de boutique de vente au détail de divers articles sur les bateaux de la SNCM, les règles en matière de durée du travail de ses salariés embarqués doivent être appropriées à l'exécution des prestations de l'entreprise.
Dans ces conditions, est intervenu, le 11 janvier 2002, l'accord collectif d'aménagement et de réduction du temps.
Etaient stipulés :
- Une durée de travail effectif ramenée à 35 heures hebdomadaires ;
- Une modulation du temps de travail pour les personnels embarqués sur l'année, le total des heures annuelles étant fixées à 1.600 heures, et principalement pour les salariés occupés aux fonctions de vente dans les boutiques des navires, le nombre de jour d'embarquement étant de 210 jours au maximum,
- Une modulation pratiquée sur une période comprise entre le 1er juillet de l'année initiale et le 30 juin de l'année suivante,
- Des limites maximales des heures de travail effectif, à savoir 12 heures de travail par période de 24 heures et 72 heures de travail par période de 7 jours,
- Des temps de repos journaliers, en l'occurrence 10 heures par jour, dont un repos continu d'au moins 8 heures,
- Une planification des horaires de travail par une programmation de deux mois portée à la connaissance des salariés au moins 1 mois avant le début de la période.
Ses dispositions n'étaient pas en opposition avec les règles du code du travail, qui, dans son article L.212-8 alors en application depuis janvier 2000, autorisaient la conclusion d'un accord d'entreprise prévoyant une variation de la durée hebdomadaire du travail à condition que cette durée n'excédât pas, sur un an, un plafond de 1.600 puis 1.607 heures annuelles.
Elles étaient surtout conformes :
- Aux prescriptions du code du travail maritime relative à l'organisation et à la durée du travail à bord qui étaient applicables à Mallorie Y..., salariée n'ayant pas le statut de marin mais conduite en exécution de son contrat à servir en mer, et ce pour le temps de son embarquement,
- Aux directives européennes relatives à l'organisation du temps de travail des « gens de mer » de juin 1999 et donc à Mallorie Y... en sa qualité de personne travaillant à bord d'un navire, peu important la fonction exercée, édictant les limites suivantes : 14 heures de travail par période de 24 heures, 72 heures par période de 7 jours, 10 heures de repos par période de 24 heures,
- A la convention OIT référencée C180, adoptée le 22 octobre 1996 et entrée en vigueur en 2002 sur les gens de mer désignés comme les personnes employées ou engagées, à quelque titre que ce soit, à bord d'un navire, Mallorie Y... effectuant sa prestation de travail sur un navire, cette convention stipulant notamment un nombre maximal d'heures de travail journalier (14 heures) et hebdomadaire (72 heures) un temps de repos quotidien de 10 heures.
Dès lors, l'accord du 11 janvier 2002, conforme aux règles légales et internationales, n'était pas nul et de nul effet.
Le contrat à durée indéterminée conclu par Mallorie Y... et la société Les Comptoirs du Sud précisait que l'horaire de travail de l'intéressée serait fixé en fonction des nécessités du service puisque dépendant des horaires du navire sur lequel elle était embarquée, horaires lui étant communiqués à l'avance.
Compte tenu de la validité de l'accord, le déclenchement des heures supplémentaires ne devait pas être calculé par semaine et la majoration n'avait pas à être appliquée à partir de la 36ème heure de travail hebdomadaire.
La cour constate, d'autre part, que :
- Les attestations produites par Mallorie Y... sur l'activité des boutiquières ne comportent aucune précision sur ses horaires personnels de travail et la liste des tâches énumérées n'exclut pas un accomplissement dans le cadre de l'horaire prévu ; ainsi l'exécution d'heures supplémentaires non rémunérées n'est pas étayée par les témoignages écrits communiqués par l'appelante pour lesquels il convient de remarquer qu'ils sont tous dactylographiés de la même manière et dans des termes identiques, chaque témoin ayant signé et daté de sa main l'attestation à son nom.
- L'accord sus-énoncé prévoyait également la perception d'un forfait d'heures supplémentaires de 90 heures annuelles ; le paiement de ce paiement d'heures supplémentaires figure sur les bulletins de salaires de Mallorie Y...,
- Etaient, en outre, mentionnés sur les fiches de paie de Mallorie Y... le paiement d'heures supplémentaires majorées à 125 et 150 %,
- Mallorie Y... a établi et signé, avant de les remettre aux responsables de la société, des situations mensuelles mentionnant les heures de travail qu'elle indiquait avoir effectuées chaque jour ; les paiements de ses salaires ont correspondu aux données de ces documents ; ces pièces, communiquées par l'employeur, démontrent la durée effective de travail de Mallorie Y... et l'absence d'heures supplémentaires non réglées.
2) S'agissant du décompte du travail effectif de Mallorie Y..., il convient de relever que :
- L'accord a précisé la notion de temps de travail effectif défini comme le temps pendant le lequel le salarié était à la disposition de son employeur, devait se conformer à ses directives et ne pouvait pas vaquer librement à ses occupations personnelles, la période de séjour dans des locaux servant d'habitation à bord et des repas pris ainsi que les temps de trajet du domicile au lieu de travail étaient expressément exclus du temps de travail effectif,
- Les fonctions spécifiques exercées par Mallorie Y... (notamment en matière douanière, établissement de fiches de situation) ont été accomplies dans le cadre de la durée du travail ; Mallorie Y... n'a pas fourni d'éléments susceptibles de confirmer ses allégations concernant la gestion d'incidents, qui, à les supposer rencontrés, ont eu lieu, de toute façon, dans le cadre ou à l'occasion de ses activités professionnelles,
- Les traversées effectuées sur les navires NGV étaient de courte durée et réalisées de jour et ne nécessitaient pas un temps de repos dans une cabine particulière,
- Très justement, le juge départiteur a relevé que le fait d'être sur un navire ne saurait pour conséquence que la période de navigation constituerait une période travaillée puisqu'elle disposait d'une cabine ou elle pouvait se retirer, se reposer ou dormir en fonction de la durée de la traversée,
- En vertu des dispositions réglementaires, en l'espèce le décret du 31 mai 2005 relatif à la durée de travail des gens de mer, les périodes d'astreinte définies par le code du travail en son article L.212-4 bis, ne pouvaient s'appliquer à bord des navires en cours de navigation ; de plus, les temps de repos pris par Mallorie Y... dans sa cabine ou une salle réservée à l'équipage ne peuvent être comptabilisées comme un temps de travail effectif, aucun élément sérieux n'autorisant à dire que lors de ces périodes, Mallorie Y... était toujours à la dispositions de la société Les Comptoirs du Sud ; avec raison, la société Les Comptoirs du Sud a fait valoir qu'en cas de problème de sécurité au niveau de la boutique tandis que Mallorie Y... était de repos, la question était réglée par les responsables de la SNCM et rien ne permet d'affirmer que Mallorie Y... était reliée en permanence avec le système d'alarme installé.
En conséquence, le temps de travail effectif de Mallorie Y... n'a pas à être modifié en fonction des éléments et considération qu'elle a donnés. » ;
Alors, d'une part, que l'accord de modulation du temps travail, qui pouvait être conclu au sein d'une entreprise en application de l'article L.3122-9 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2003-47 du 17 janvier 2003, devait respecter la durée quotidienne de travail de 10 heures fixée à l'article L.3121-34 et les durées hebdomadaires maximales de 48 heures au cours d'une semaine et de 44 heures en moyenne appréciées sur 12 semaines consécutives ; que l'article 24 du code du travail maritime, antérieurement à son abrogation par l'ordonnance n°2010-1307 du 28 octobre 2010, applicable au personnel non marin conduit à servir en mer pour le temps de son embarquement, renvoyait à ces dispositions de droit commun ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que l'accord de modulation du 22 janvier 2002 prévoyait des limites maximales des heures de travail effectif, à savoir 12 heures de travail par période de 24 heures et 72 heures de travail par période de 7 jours, la cour d'appel, qui a néanmoins décidé de faire application de cet accord, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L.3122-9 du code du travail et 24 du code du travail maritime dans leur rédaction applicable à l'espèce ;
Alors, d'autre part, que l'instauration d'une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord exprès du salarié ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la salariée avait expressément accepté la modification de son contrat de travail résultant de l'accord de modulation du temps de travail du 22 janvier 2002, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.3122-9 du code du travail tel qu'applicable au cas présent, ensemble l'article L.1221-1 du même code.
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Temps de travail
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.