par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 24 septembre 2013, 12-24083
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Cour de cassation, chambre commerciale
24 septembre 2013, 12-24.083

Cette décision est visée dans la définition :
Société civile




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Crédit immobilier de France Nord SA du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme X..., M. Y... et les sociétés C... et Y... SCP et Mutuelle du Mans assurances ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 10 mai 2012), que par acte du 7 avril 1993, M. et Mme Z...ont cédé la totalité des parts représentant le capital de la société civile immobilière Nord Sud (la SCI) à un tiers ; que cette cession n'a fait l'objet d'aucune mesure de publicité ; que par acte notarié du 28 avril 1993, la SCI a acquis divers biens immobiliers à l'aide d'un prêt consenti par la société Crédit immobilier du Pas-de-Calais, aux droits de laquelle vient la société Crédit commercial de France Nord (la banque) ; qu'à la suite d'un défaut de paiement des échéances du prêt, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI ; que M. et Mme Z...ont fait assigner la banque pour faire juger que celle-ci ne pouvait poursuivre à leur encontre le paiement de la dette sociale dès lors qu'ils avaient perdu la qualité d'associés à compter du 7 avril 1993 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de M. et Mme Z..., alors, selon le moyen, que pour juger de l'opposabilité d'un acte de cession de parts sociales, encore faut-il que la société concernée et ses associés soient présents à l'instance ; qu'en se bornant, pour déclarer les demandes de M. et Mme Z...recevables, à énoncer qu'ils avaient engagé une procédure aux fins de voir déclarer opposable à la banque la cession de leurs parts sociales dans le capital social de la SCI Nord Sud intervenue le 7 avril 1993 et que l'absence à l'instance de celle-ci était indifférente à la recevabilité de l'action des demandeurs, la mise en cause des associés de ladite SCI n'étant pas davantage justifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que les demandeurs avaient introduit une instance tendant à voir juger qu'ils avaient perdu leur qualité d'associé de la SCI par l'acte de cession de leurs parts sociales du 7 avril 1993 ne rendait pas nécessaire la mise en cause de cette société et de l'ensemble de ses associés afin que ces derniers puissent s'expliquer sur la validité des actes de cession, les évènements postérieurs à ceux-ci et leur qualité d'associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 du code civil et 122 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'ancien associé qui engage une action tendant à faire déclarer opposable à un tiers la cession de ses parts n'est pas tenu de mettre en cause la société, dont les parts ont fait l'objet de la cession, et les autres associés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait réclamer à M. Z..., en sa qualité de gérant de la SCI et à M. et Mme Z..., en leur qualité d'associés de la SCI, la dette sociale créée par l'acte authentique du 28 avril 1993, alors, selon le moyen, que si les tiers peuvent se voir opposer les actes pourtant non publiés, dès lors qu'ils en ont eu personnellement connaissance, encore faut-il que cette connaissance ne soit pas ultérieurement remise en cause ; qu'en se bornant, pour dire que la banque ne pouvait réclamer, d'une part à M. Z..., en qualité de gérant de la SCI Nord Sud, d'autre part aux époux Z..., en qualité d'associés de ladite SCI, la dette sociale créée par l'acte authentique du 28 avril 1993, à énoncer qu'elle avait eu personnellement connaissance de l'acte de cession de parts sociales du 7 avril 1993 par la mention expresse figurant à ce premier acte constatant le second et par son annexion audit acte auquel la banque était partie et que ni le défaut d'exécution des formalités de publication au registre du commerce et des sociétés de la cessation des fonctions de gérant de M. Z..., ni le défaut de mise à jour et de publication des statuts modifiés de la SCI Nord Sud, ni la circonstance que ce dernier exercerait encore ladite gérance ne permettaient à la banque de revenir sur l'opposabilité de l'acte de cession à son endroit, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que M. Z...s'était, dans le cadre de la procédure de saisie immobilière initiée en 2005, présenté comme le gérant de la SCI n'était pas de nature à remettre en cause la connaissance que la banque avait pu avoir, lors de la signature de l'acte authentique précité, de l'acte de cession et de ce que M. Z...n'était plus gérant de la SCI, et, partant, à lui rendre cet acte inopposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 123-9 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la cession de parts avait été portée à la connaissance personnelle de la banque par la mention expresse figurant à l'acte de vente du 28 avril 1993 et par son annexion audit acte auquel la banque était partie et ayant retenu que le défaut de publication au registre du commerce et des sociétés de la cessation des fonctions de gérant de M. Z...et la circonstance que celui-ci les exercerait toujours ne sont pas de nature à permettre à la banque de revenir sur l'opposabilité de l'acte de cession litigieux à son égard, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche alléguée, inopérante dès lors que la qualité de gérant d'une société civile n'implique pas nécessairement celle d'associé de celle-ci, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Crédit immobilier de France Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme Z...la somme globale de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France Nord.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société crédit immobilier de France Nord fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes de M. et Mme Z...;

AUX MOTIFS QUE M. Aimé Z...et Mme Jacqueline A..., son épouse, ont engagé une procédure aux fins de voir déclarer opposable au crédit immobilier de France Nord la cession des parts sociales qu'ils détenaient dans le capital social de la SCI Nord Sud intervenue le 7 avril 1993 ; que l'absence à l'instance de la SCI Nord Sud est indifférente à la recevabilité de l'action de M. Aimé Z...et Mme Jacqueline A..., son épouse ; que la mise en cause des associés de ladite SCI n'est pas davantage justifiée ; que le moyen tiré de ce chef doit en conséquence être rejeté ;

ALORS QUE pour juger de l'opposabilité d'un acte de cession de parts sociales, encore faut-il que la société concernée et ses associés soient présents à l'instance ; qu'en se bornant, pour déclarer les demandes de M. et Mme Z...recevables, à énoncer qu'ils avaient engagé une procédure aux fins de voir déclarer opposable à la banque la cession de leurs parts sociales dans le capital social de la SCI Nord Sud intervenue le 7 avril 1993 et que l'absence à l'instance de celle-ci était indifférente à la recevabilité de l'action des demandeurs, la mise en cause des associés de ladite SCI n'étant pas davantage justifiée, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que les demandeurs avaient introduit une instance tendant à voir juger qu'ils avaient perdu leur qualité d'associé de la SCI par l'acte de cession de leurs parts sociales du 7 avril 1993 ne rendait pas nécessaire la mise en cause de cette société et de l'ensemble de ses associés afin que ces derniers puissent s'expliquer sur la validité des actes de cession, les évènements postérieurs à ceux-ci et leur qualité d'associé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1165 du code civil et 122 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société crédit immobilier de France Nord fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'elle ne pouvait réclamer, d'une part à M. Z..., en qualité de gérant de la SCI Nord Sud, d'autre part aux époux Z..., en qualité d'associés de ladite SCI la dette sociale créée par l'acte authentique du 28 avril 1993 ;

AUX MOTIFS QUE les dispositions de l'article L. 123-9 du code de commerce instituent, indépendamment, de toute autre forme de publicité légale, à l'encontre des personnes assujetties à immatriculation ou dépôt d'actes ou de pièces en annexe au registre du commerce et des sociétés, un régime d'inopposabilité aux tiers et aux administrations publiques en l'absence de publication ; que cependant, elles excluent expressément du bénéfice de cette inopposabilité, les tiers et administrations publiques qui ont eu personnellement connaissance de l'acte ou du fait litigieux ; qu'en l'espèce il est acquis aux débats que M. Aimé Z...et Mme Jacqueline A..., son épouse, propriétaires des 100 parts sociales de la SCI Nord Sud à concurrence de 50 parts chacun, ont, par acte sous seing privé du 7 avril 1993 enregistré le 12 décembre suivant, vendu leurs parts sociales à M. Francis B...; qu'hormis les statuts constitutifs en date du 18 janvier 1993 déposés le 6 février 1993, aucun procès-verbal n'a été déposé au greffe du tribunal de commerce de Saint-Tropez relatif à la SCI Nord Sud depuis sa création ; que si l'acte de cession du 7 avril 1993 n'a ainsi fait l'objet d'aucun dépôt au greffe du tribunal de commerce et par conséquent d'aucune publication au registre du commerce et des sociétés, il a toutefois été porté à la connaissance personnelle du crédit immobilier de France Nord par la mention expresse figurant à l'acte de vente du 26 avril 1993 le constatant et par son annexion audit acte de vente auquel la banque était partie ; que dans ces conditions, la cession réalisée est régulièrement opposable à l'appelant, sauf à établir l'existence d'un concert frauduleux entre les cédants et le cessionnaire leur permettant de faire déclarer cet acte inopposable nonobstant l'information fournie, ce qui n'est ni allégué ni a fortiori démontré ; que le défaut d'exécution des formalités de publication au registre du commerce et des sociétés de la cessation des fonctions de gérant de M. Aimé Z..., le défaut de mise à jour et de publication des statuts modifiés de la SCI Nord Sud et la circonstance, au demeurant non établie, que M. Aimé Z...exercerait encore ladite gérance ne sont pas davantage de nature à permettre à la société appelante de revenir sur l'opposabilité de l'acte de cession à son endroit ; qu'il s'ensuit que le crédit immobilier de France Nord est irrecevable en ses demandes à l'encontre de M. Aimé Z...et Mme Jacqueline A..., son épouse, faute de droit d'agir, le jugement étant confirmé de ce chef ;

ALORS QUE si les tiers peuvent se voir opposer les actes pourtant non publiés, dès lors qu'ils en ont eu personnellement connaissance, encore faut-il que cette connaissance ne soit pas ultérieurement remise en cause ; qu'en se bornant, pour dire que la banque ne pouvait réclamer, d'une part à M. Z..., en qualité de gérant de la SCI Nord Sud, d'autre part aux époux Z..., en qualité d'associés de ladite SCI, la dette sociale créée par l'acte authentique du 28 avril 1993, à énoncer qu'elle avait eu personnellement connaissance de l'acte de cession de parts sociales du 7 avril 1993 par la mention expresse figurant à ce premier acte constatant le second et par son annexion audit acte auquel la banque était partie et que ni le défaut d'exécution des formalités de publication au registre du commerce et des sociétés de la cessation des fonctions de gérant de M. Z..., ni le défaut de mise à jour et de publication des statuts modifiés de la SCI Nord Sud, ni la circonstance que ce dernier exercerait encore ladite gérance ne permettaient à la banque de revenir sur l'opposabilité de l'acte de cession à son endroit, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la circonstance que M. Z...s'était, dans le cadre de la procédure de saisie immobilière initiée en 2005, présenté comme le gérant de la SCI n'était pas de nature à remettre en cause la connaissance que la banque avait pu avoir, lors de la signature de l'acte authentique précité, de l'acte de cession et de ce que M. Z...n'était plus gérant de la SCI, et, partant, à lui rendre cet acte inopposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 123-9 du code de commerce.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.