par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 12 juin 2013, 12-11724
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, 1ère chambre civile
12 juin 2013, 12-11.724

Cette décision est visée dans la définition :
Divorce / séparation de corps




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen relevé d'office après que les parties ont été invitées à présenter leurs observations :

Vu les articles 831-2, 1°, et 1476 du code civil ;

Attendu que, selon ces textes, en cas de dissolution de la communauté par divorce, un époux peut demander l'attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation s'il y avait sa résidence ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y... se sont mariés sans contrat préalable le 23 janvier 1971 ; que par acte du 18 mai 1982 leur a été consenti un bail emphytéotique sur une villa qui a été le logement de la famille et qui sera attribuée à l'épouse pendant la procédure de divorce introduite par assignation du 12 novembre 2007 ; que celle-ci a sollicité l'attribution préférentielle du droit à ce bail par application de l'article 1751 du code civil ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable cette demande, l'arrêt retient que ce texte n'est pas applicable, l'emphytéose étant régie par les articles L. 451-1 et suivants du code rural et de la pêche et la jurisprudence étant venue à plusieurs reprises rappeler la spécificité de ce type de bail auquel les règles qui régissent le louage ordinaire n'ont jamais été applicables ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé par refus d'application les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens dont aucun ne serait de nature à permettre l'admission du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur la demande d'attribution préférentielle du droit au bail, l'arrêt rendu le 13 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à Mme Y... une somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de rejet des conclusions de M. X... du 8 juin 2011 ;

AUX MOTIFS QUE Mme Y... demande à la cour d'écarter des débats les conclusions du mari en date du 8 juin 2011, au motif qu'elles auraient été prises la veille de la clôture et qu'elles seraient tardives ; qu'il est vrai qu'un calendrier de procédure a été établi par le magistrat de la mise en état le 23 février 2011, prévoyant la clôture de l'instruction en date du 9 juin ; que dans les faits, l'avoué de l'appelant a sollicité le 23 mai le report de la date de clôture au motif qu'il n'était pas en mesure de conclure en réplique des 48 pages de conclusions qui venaient de lui être notifiées car son adversaire n'avait toujours pas communiqué ses pièces ; que le magistrat de la mise en état a accédé à sa demande et reporté la date de la clôture au jour de l'audience ;

ALORS QUE les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droits qu'elles invoquent, afin que chacune d'elles soit à même d'organiser sa défense ; que le juge, tenu, en toutes circonstances, de faire respecter et de respecter lui-même le principe du contradictoire, ne peut débouter une partie de sa demande de rejet des conclusions et pièces déposées la veille de l'ordonnance de clôture, sans constater qu'elle avait disposé du temps nécessaire pour y répondre avant la clôture ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande de rejet des conclusions de M. X... signifiées le 8 juin 2011, soit la veille de la clôture, en réponse à ses conclusions signifiées le 16 mai 2011, sans constater qu'elle avait disposé du temps utile pour y répondre, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré Mme Y... irrecevable en sa demande d'attribution préférentielle du bail emphytéotique portant sur la villa de Cassis ;

AUX MOTIFS QU' « il sera rappelé que le domicile conjugal a été attribué à l'épouse depuis le 7 novembre 2005, date de l'ordonnance de référé-violences diligentée par Mme Y... sur le fondement de l'article 220-1 du code civil ; qu'il résulte de la procédure que le 18 mai 1982, une dame Marie-Louise Z... a donné à bail emphytéotique aux époux X... une villa avec terrain attenant, sise à Cassis, moyennant une redevance annuelle de 3.000 francs ; que le 21 octobre 1994, la soeur de la bailleresse, qui était décédée le 6 avril de la même année, a délivré en sa qualité d'héritière, un legs particulier aux deux enfants du couple X..., à savoir la villa occupée par leurs parents aux termes du bail emphytéotique précité ; que les écritures de l'intimée permettent de comprendre que ce bien appartient en fait à sa famille ; que Mme Y... demande l'attribution préférentielle de ce bail, M. X... s'y oppose, affirmant qu'il n'est pas de la compétence du juge aux affaires familiales d'attribuer à l'un ou l'autre des époux préférentiellement ledit bail ; qu'en l'espèce, le premier juge a fait application de l'article 1751 du code civil qui dispose que le droit au bail qui sert effectivement à l'habitation des deux époux, peut être attribué en considération des intérêts sociaux ou familiaux en cause, par le juge du divorce à l'un des époux sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux ; que toutefois, l'emphytéose est régie par les articles L. 451-1 et suivants du code rural et la jurisprudence est venue à plusieurs reprises rappeler la spécificité de ce type de bail ; que les règles qui régissent le louage ordinaire n'ont jamais été applicables au louage emphytéotique ; que dès lors l'article 1751 du code civil n'est pas ici applicable ; que Mme Y... devra en conséquence être déboutée de sa demande, le juge du divorce n'étant pas compétent en l'espèce » ;

ALORS, 1°), QU'en retenant, pour se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'attribution préférentielle du bail emphytéotique, que M. X... soutenait que cette demande n'entrait pas dans la compétence du juge aux affaires familiales cependant qu'il résultait des dernières conclusions de l'appelant du 8 juin 2011 que ce dernier n'avait pas reprise en cause d'appel l'exception d'incompétence du juge aux affaires familiales qu'il avait soulevée en première instance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QU'une cour d'appel ne peut relever d'office son incompétence que si l'affaire relève de la juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance des juridictions françaises ; qu'en se déclarant d'office incompétente pour statuer sur la demande d'attribution préférentielle du bail emphytéotique, sans relever que cette demande relevait de la juridiction répressive ou administrative ou échappait à la connaissance des juridictions françaises, la cour d'appel a violé l'article 92, alinéa 2, du code de procédure civile ;

ALORS, 3°), QUE lorsqu'il constate l'existence d'une question préjudicielle, le juge doit surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction qu'il estime compétente ; qu'en se bornant à déclarer irrecevable la demande d'attribution préférentielle du bail emphytéotique, comme ne relevant pas de la compétence du juge du divorce, cependant qu'elle était compétente pour connaître de la demande en divorce et de ses conséquences, notamment au regard de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, de sorte qu'en réalité, elle avait caractérisé une question préjudicielle qui l'obligeait à surseoir à statuer jusqu'à la décision de la juridiction qu'elle estimait compétente, la cour d'appel a violé les articles 96, 97 et 377 du code de procédure civile ;

ALORS, 4°), QU'à l'exception des cas où il estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, le juge qui se déclare incompétent doit désigner la juridiction qu'il estime compétente ; qu'en se bornant à déclarer irrecevable la demande d'attribution préférentielle comme ne relevant pas de la compétence du juge du divorce, sans désigner la juridiction qu'elle estimait compétente, qui, compte tenu de ses constatations, ne pouvait relever que d'une juridiction de l'ordre judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 96, alinéa 2, du code de procédure civile ;

ALORS, 5°), QUE lorsque la cour d'appel infirme un jugement du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ; qu'en refusant de statuer sur la demande d'attribution préférentielle, comme ne relevant pas de la compétence du juge du divorce mais du tribunal paritaire des baux ruraux, cependant qu'elle avait été saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, que le tribunal de grande instance de Marseille avait tranché au fond et qu'elle était investie d'une plénitude de juridiction tant en matière familiale qu'en matière de baux ruraux, la cour d'appel a violé les articles 79 et 562 du code de procédure civile ;

ALORS, 6°), QUE la compétence exclusive du tribunal paritaire des baux ruraux se limite à la connaissance des contestations nées d'un bail rural, entre bailleurs et preneurs ; qu'en relevant, pour se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'attribution préférentielle du bail emphytéotique que ce bail relevait des seules dispositions du code rural, cependant que cette circonstance ne faisait pas obstacle à sa compétence dès lors que le bail en cause n'avait pas la nature d'un bail rural et que la contestation à trancher n'opposait pas le bailleur aux époux X..., en leur qualité de preneurs, la cour d'appel a violé l'article L. 491-1 du code rural ;

ALORS, 7°), QUE les dispositions spéciales des articles L. 451-1 et suivants du code rural régissant le bail emphytéotique ne peuvent faire échec à l'application d'une disposition générale, non contraire, du code civil relative au contrat de bail en général et selon laquelle en cas de divorce, le juge aux affaires familiales peut attribuer à l'un des époux le droit au bail du logement familial, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l'autre époux ; qu'à cet égard également, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 1751 du code civil ;

ALORS, 8°) et en tout état de cause, QUE le juge aux affaires familiales est exclusivement compétent pour connaître « (…) du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux » ; que, par suite, ni les articles L. 451-1 du code rural régissant les rapports entre le bailleur et le preneur d'un bail emphytéotique ni l'article L. 491-1 du même code relatif à la compétence exclusive du tribunal paritaire des baux ruraux pour statuer sur les contestations nées d'un bail rural ne sont de nature à faire échec à la compétence exclusive du juge aux affaires familiales pour statuer sur une demande relative à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux et portant sur l'attribution préférentielle d'un bail n'ayant pas la nature d'un bail rural ; qu'en considérant le contraire, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme Y... de sa demande de prestation compensatoire ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte des articles 270 et suivants du code civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour ce faire, le juge prend en considération un certain nombre d'éléments non limitativement énumérés par l'alinéa 2 de l'article 271 du code civil ; que M. X... est âgé de 63 ans ; qu'il a rencontré en 1977 un grave problème de santé (carcinome du testicule droit) ayant conduit à une lymphadénectomie et une exérèse ; qu'en 1981, il a subi une uretérolyse droite et une iléo-transversotomie suivies d'une chimiothérapie ; que Mme Y... est âgée de 61 ans ; qu'elle a effectué le 3 novembre 2010 une déclaration de maladie professionnelle pour un syndrome canal carpien gauche, suite à un accident de voiture dont elle a été victime le 28 octobre 2010 ; que le couple s'est marié le 23 janvier 1971 et s'est séparé en novembre 2005 ; que la vie commune dans les liens du mariage a duré près de 35 ans ; que le couple a eu deux enfants nés en 1973 et 1976 et qui ne sont donc plus à la charge des parents ; que M. X... occupe un emploi de gestionnaire dans un grand hôpital marseillais ; qu'il a déclaré au titre des revenus 2010, la somme de 48.271 euros, soit un revenu mensuel net de 4.022 euros ; que ses charges sont principalement constituées de son loyer, 650 euros, la moitié de la redevance annuelle du bail emphytéotique, 228 euros, la taxe foncière, 210 euros par an er les frais de la vie courante, 1000 euros par mois environ ; qu'il est redevable de l'IRPP, 7.731 euros ; qu'il devrait prendre sa retraite en 2012 ; que le montant de sa pension n'est pas encore connu ; que l'épouse soutient sans en rapporter la preuve qu'il percevra une indemnité importante de départ à la retraite (trois ans de salaires) ; que Mme Y... travaille dans l'éducation nationale ; qu'en 2009, elle a perçu des salaires à hauteur de 33.817 euros et des heures supplémentaires exonérées, 3 566 euros, soit un revenu mensuel de 3.115.25 euros ; qu'elle occupe le domicile conjugal et est donc redevable comme son mari de la moitié de la redevance , 228 euros par an ; que ses autres charges sont deux crédits personnels : CASDEN, 149,48 euros et Crédit Mutuel, 75 euros, les mensualités EDF, 145 euros, Eaux de Marseille, 27 euros, les cotisations d'assurance voiture et habitation, 136,52 euros par mois, la taxe foncière: 209.50 euros par an et la taxe d'habitation, 578€ euros par an : qu'elle est redevable de l'IRPP, 2355 euros par an ; qu'elle affirme avoir changé d'orientation professionnelle quand son mari a été atteint de son premier cancer en 1977 et de s'être sacrifiée pour sa famille en prenant la voie de l'enseignement ; que son mari soutient au contraire que c'est à cause de son très mauvais caractère qu'elle a été obligée d'abandonner la carrière de kinésithérapeute qu'elle avait entreprise, car elle se disputait de façon incessante avec ses associés ; qu'aucun des deux ne rapporte la preuve de ses assertions ; que toutefois, il convient de remarquer que le relevé de carrière de Mme Y... ne mentionne une interruption que pendant la période correspondant dans son curriculum vitae à celle de ses études ; que ni les deux cancers de son mari, ni la naissance de ses enfants n'ont été à l'origine d'un arrêt dans le cursus professionnel ; que le couple n'a acquis aucun bien immobilier ; qu'aucun des deux ne déclare de valeurs mobilières ; que l'épouse prétend sans en rapporter la preuve que son mari détiendrait un plan d'épargne entreprise qui ne serait pas commun, car le contrat conclu entre l'organisme collecteur et l'entreprise exclurait le conjoint ; qu'au vu de ces éléments, il n'apparaît pas que la rupture du lien conjugal crée une disparité dans les conditions de vie de l'épouse ; que certes sa retraite sera moindre que celle de son mari, mais la prestation compensatoire n'a pas pour office d'égaliser les situations financières ; que par ailleurs, s'il y a différence de revenus entre les époux, il s'agit d'un choix de l'épouse qui aurait pu poursuivre sa carrière de kinésithérapeute sans doute plus rémunératrice que les fonctions d'enseignante ; qu'en conséquence, la décision du premier juge sera infirmée et l'épouse déboutée de sa demande » ;

ALORS, 1°), QU'à la suite du divorce, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'en se fondant, après avoir relevé une disparité dans les revenus et les droits à la retraite des époux, au détriment de Mme Y..., sur la considération tirée de ce que la prestation compensatoire n'avait pour objet d'égaliser les situations financières des époux, qui n'a lieu d'être prise en compte que pour fixer le montant de la prestation, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 270 et 271 du code civil ;


ALORS, 2°), QU'en retenant que la différence de revenus constatée entre les époux s'expliquait par le choix de Mme Y... de ne pas poursuivre sa carrière de kinésithérapeute, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance antérieure au prononcé du divorce, a violé les articles 271 et 270 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Divorce / séparation de corps


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.