par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, 11-12890
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
26 septembre 2012, 11-12.890

Cette décision est visée dans la définition :
Dépôt




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles 1315, 1927, 1932 et 1933 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant confié à Martine X... huit toiles dont il lui a en vain demandé la restitution, M. Y... a fait assigner cette dernière et, suite à son décès, ses héritiers, Mme Marlyn Z... et M. Paul Z..., en restitution des objets déposés ou, à défaut, en remboursement de leur valeur ;

Attendu que pour condamner in solidum Mme Marlyn Z... et M. Paul Z... à payer à M. Y... la somme de 57 930,63 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt, après avoir relevé que les consorts Z... se proposaient de restituer les oeuvres en cause, retient qu'ils ne justifient pas être en mesure de le faire, faute d'établir leur conformité avec les oeuvres confiées initialement, laquelle est contestée par M. Y... qui allègue de la substitution d'une toile et de l'altération de leur état ;

Qu'en exigeant ainsi du dépositaire qu'il établisse que les choses qu'il se proposait de restituer étaient identiques à celles qu'il avait reçues, alors qu'il incombait au déposant de prouver qu'elles ne l'étaient pas, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour Mme Marlyn Z... et M. Paul Z....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum Mademoiselle Marlyn Z... et Monsieur Paul Z... à payer à Monsieur Jacques Y... les sommes de 57.930,63 euros à titre de dommages-intérêts et de 4.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'avoir débouté Mademoiselle Marlyn Z... et Monsieur Paul Z... de leurs plus amples demandes ;

Aux motifs non contraires adoptés des premiers juges qu'aux termes de l'article 1924 du Code civil, le dépôt peut être prouvé par la déclaration du dépositaire, pour le fait même du dépôt, pour la chose qui en est l'objet, pour le fait de sa restitution ; que la déclaration de l'avocat d'une partie doit être assimilée à la déclaration de la partie elle-même ; qu'en l'espèce, par lettre du 24 novembre 1999, Maître Françoise A..., Avocate et dont il n'est pas contesté qu'elle était le conseil de Madame Martine X..., a écrit à Monsieur Jacques Y... : je vous indique que je suis le conseil de Madame X... Martine et je me débats depuis des mois pour tenter d'obtenir la restitution des tableaux que vous lui aviez confiés et dont son ex-mari s'est emparé ; que cette déclaration suffit à rapporter la preuve du dépôt des tableaux par Monsieur Jacques Y... entre les mains de Madame Martine X... ; qu'aux termes de l'article 1932 du Code civil, le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu'il a reçue ; que par conséquent, Paul et Marlyn Z..., héritiers de Madame Martine X..., doivent restituer ces tableaux ; que le fait allégué que son époux s'en soit emparé ne constitue pas un cas de force majeure exonératoire ; que dès lors qu'ils prétendent ne pas être en possession des tableaux, ils doivent régler à Monsieur Jacques Y... des dommages-intérêts égaux à leur valeur ; qu'à cet égard, l'évaluation des oeuvres en cause par Monsieur Jacques Y... est conforme à celle effectuée d'après leur taille par les auteurs d'attestations qu'il produit et qui émanent d'un expert en art, de galeristes, qu'ainsi que du propriétaire d'un hôtel qui expose régulièrement ses oeuvres ; qu'il convient, par conséquent, de condamner Paul et Marlyn Z... au paiement de la somme de 57.930,63 euros à titre de dommages-intérêts ; que Paul et Marlyn Z... ne rapportent pas la preuve d'un préjudice notamment moral ; qu'ils doivent donc être déboutés de leur demande de dommages-intérêts formée sur ce fondement ; que Monsieur Jacques Y... ne rapporte pas la preuve de l'appropriation des toiles par Monsieur Bulent Z..., les déclarations faites par Maître A... étant inopposables à ce dernier ; il ne rapporte pas davantage la preuve de l'appropriation des toiles par la société Marlent ; qu'il convient, en conséquence, de le débouter de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des autres parties au litige ; qu'il paraît équitable de condamner Paul et Marlyn Z... à payer à Monsieur Jacques Y... une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts, et qu'il convient de fixer à 1.500 euros ;

Et aux motifs propres que les consorts Z... ne contredisent pas utilement que les huit tableaux ont été confiés par Jacques Y... à Martine X... aux fins de les vendre dès lors qu'ils indiquent dans leurs dernières écritures que c'est parce que leur père avait dérobé les toiles que Jacques Y... avait confiées à Martine X... que le procès a eu lieu ; que le contrat par lequel une personne confie à une autre une ou plusieurs oeuvres aux fins de les vendre n'est pas exclusif d'un contrat de dépôt ; qu'il s'évince de la lettre du 24 11 1999 que Martine X... a admis qu'il avait été mis fin à ses obligations contractuelles par Jacques Y..., en sorte qu'elle devait, dès cette date, restituer les oeuvres confiées ; qu'en ne s'acquittant pas de cette obligation, elle a engagé sa responsabilité et doit réparer le préjudice en résultant pour Jacques Y... ; que les consorts Z... ne justifient pas plus, aujourd'hui, être en mesure de restituer les dites oeuvres, faute de justifier de la conformité des oeuvres qu'ils se proposent de restituer ce que conteste précisément Jacques Y... qui allègue la substitution d'une oeuvre et l'altération de leur état ; que Jacques Y... ne réclame plus aujourd'hui les oeuvres confiées mais leur valeur telle qu'estimée lors de sa première demande en restitution ; que si le créancier d'une obligation de faire peut forcer le débiteur à l'exécution, il ne peut être contraint d'accepter une exécution en nature et est fondé alors à réclamer des dommages-intérêts au titre de l'indemnisation de son préjudice ; que, par ces motifs s'ajoutant à ceux non contraires des premiers juges, le jugement est confirmé ; que l'équité commande de condamner les consorts Z... à payer la somme de 3.000 euros TTC à Jacques Y... au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Alors, en premier lieu, que la preuve de la réalité de l'altération de la chose mise en dépôt pèse sur le déposant, à charge pour le dépositaire de démontrer soit l'absence de toute altération, soit que celle-ci est due à la force majeure, soit qu'elle existait lors du dépôt, soit l'absence de faute de sa part du fait qu'il a mis en oeuvre toutes les diligences nécessaires pour éviter le dommage et a donné à la chose les mêmes soins qu'à celles lui appartenant ; qu'en se bornant à constater que Monsieur Y..., déposant, alléguait l'altération des tableaux déposés, et que les consorts Z..., dépositaires, ne justifiaient pas la conformité des tableaux à ceux déposés, la Cour d'appel, qui a fait peser sur ceux-ci la charge de la preuve de l'absence de détérioration des tableaux, a renversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ;

Alors, en deuxième lieu, que les altérations survenues du fait de la faute du dépositaire dans son obligation de garde doivent être prises en charge par le dépositaire qui est dans l'obligation d'y remédier avant de restituer la chose déposée ; que les altérations dues à l'usure normale de la chose mise en dépôt sont prises en charge par le déposant et ne peuvent faire obstacle à la restitution de celle-ci ; qu'en condamnant les consorts Z..., dépositaires, au versement d'une somme correspondant à la valeur estimée des tableaux mis en dépôt, faute de justifier de leur conformité aux tableaux déposés, sans préciser de quel type d'altération étaient atteints ces tableaux et en particulier si elle n'était pas due à une altération normale des tableaux, non imputable à leur fait, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1933 du Code civil ;

Alors, en troisième lieu, que le dépositaire est obligé à la restitution en nature de la chose déposée, sauf en cas de disparition de celle-ci en raison d'un cas de force majeure ou de la vente de bonne foi de la chose déposée par l'ayant droit du dépositaire ; qu'en affirmant que le déposant ne peut être contraint d'accepter une restitution en nature, pour condamner les consorts Z..., dépositaires, à verser à Monsieur Y..., déposant, une somme équivalente à la valeur des tableaux mis en dépôt et prétendument substitués ou altérés, la Cour d'appel a violé les articles 1932, 1933 et 1937 du Code civil ;

Alors, subsidiairement, en quatrième lieu, que la valeur de remplacement de la chose déposée doit être estimée à la date où les juges allouent des dommages-intérêts, sauf à justifier une autre évaluation ; qu'en confirmant la décision des juges de première instance de condamner les consorts Z..., dépositaires, à verser à Monsieur Y..., déposant, une somme de 57.930,63 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la valeur des tableaux, estimée sur la base d'attestations émanant d'un expert en art, de galeristes, ainsi que du propriétaire d'un hôtel qui exposait régulièrement ses oeuvres, attestations qui avaient été établies avant le 10 septembre 2007, date de la décision de première instance, soit plus de trois ans avant qu'elle ne rende sa décision, la Cour d'appel a violé les articles 1932 et 1933 du Code civil.


Alors, tout aussi subsidiairement, en cinquième lieu, que les juges du fond ne peuvent fonder leurs décisions sur des attestations sans les analyser, même de façon sommaire, et sans préciser l'identité de leurs auteurs et leur contenu ; que, pour déterminer le montant de l'indemnité à allouer à Monsieur Y..., indemnité qui devait être fixée d'après la valeur des huit tableaux mis en dépôt et non restitués, la Cour d'appel, qui, par adoption des motifs des premiers juges, s'est fondée sur des attestations sans les analyser, en se bornant à désigner leurs auteurs de façon générale (un expert en art, des galeristes, le propriétaire d'un hôtel) et sans préciser leur contenu, a méconnu les exigences de motivation posées par l'article 455 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Dépôt


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.