par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 26 octobre 2010, 09-68561
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Cour de cassation, chambre commerciale
26 octobre 2010, 09-68.561

Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... ayant mis fin au contrat d'agent commercial qui le liait à M. Y... pour faute grave, ce dernier l'a assigné en paiement de diverses sommes ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 134-4 du code de commerce ;

Attendu que pour dire que M. Y... avait commis une faute grave le privant du droit à une indemnité de cessation de contrat et le condamner à verser à M. X... la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts, après avoir constaté que l'agent n'avait pas informé son mandant du projet de cession du contrat au sous-agent auquel il avait confié en partie la représentation des produits de ce dernier et ne l'avait avisé que trois semaines après de l'échec de ce projet, l'arrêt retient que M. Y... a manqué à son obligation d'information et donc de loyauté envers M. X... ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'agent n'était pas tenu d'informer son mandant de simples pourparlers préparatoires à une cession de contrat qui ne s'est finalement pas réalisée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 134-13 du code de commerce ;

Attendu que pour statuer encore comme il fait, l'arrêt retient à titre de manquement à son obligation de loyauté envers son mandant, le fait pour M. Y... d'avoir informé tardivement M. X... de ce qu'il avait retiré tous ses moyens de travail à son sous-agent ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'exécution du contrat le liant à son sous-agent relevait exclusivement du pouvoir d'organisation dont M. Y... était investi pour l'accomplissement de son mandat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 134-13 du code de commerce ;

Attendu que pour statuer enfin comme il fait, l'arrêt retient que M. Y... qui n'a pas démarché la clientèle pendant deux mois bien qu'il ait indiqué poursuivre personnellement l'exécution du contrat en l'absence de cession, a privé son mandant du chiffre d'affaires du mois de décembre habituellement très important et manqué à son obligation de loyauté à son égard ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'absence de prospection reprochée à l'agent, qui n'aurait pu constituer qu'un manquement à son obligation d'exécuter sa mission en bon professionnel, avait eu une durée limitée et que même si elle avait entraîné une chute de l'activité sur un mois, elle n'avait pas empêché la réalisation par celui-ci du meilleur chiffre d'affaires annuel depuis la conclusion du contrat, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une faute grave de sa part, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Y... la somme de 211 euros au titre d'un solde de commissions, l'arrêt rendu le 28 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. Y....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR "dit Monsieur Eric X... bien fondé en sa rupture pour faute grave du contrat d'agent commercial le liant à Monsieur Michel Y...", débouté l'agent commercial de sa demande d'indemnité compensatrice, et de l'AVOIR condamné à verser à Monsieur X... la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE "dans sa lettre du 1er février 2006 à Monsieur Y..., mettant un terme à leurs relations professionnelles pour manquements graves à ses obligations, il est fait état des griefs suivants :
" - n'avoir jamais été associé au transfert du contrat au profit de Monsieur Z..., étant précisé qu'en outre ce transfert a échoué,
- quasi absence d'activité en décembre 2005 et janvier 2006, ce qui a généré un préjudice" ;

QUE sur le transfert de contrat à Monsieur Z..., si l'agent commercial, profession libérale, organise son activité comme il l'entend au mieux de ses intérêts, c'est aussi au mieux de l'intérêt de son mandant et en informant celui-ci des modifications essentielles affectant cette activité ;

QUE si Monsieur X... ne dénie pas avoir été informé de ce que la représentation de ses produits, notamment auprès des grandes surfaces, a été confiée à un sousagent, Monsieur Z..., il ne ressort d'aucun document qu'il ait été informé du transfert du contrat d'agent commercial de Monsieur Y... à Monsieur Z..., ce qui aurait fait de ce dernier son éventuel futur agent commercial, ni a fortiori de l'échec de ce transfert au début du mois de décembre 2005 ; que Monsieur Y... se borne à affirmer, dans son courrier à Monsieur X... du 28 décembre 2005, que celui-ci avait accepté ce transfert à Monsieur Z... du contrat d'agent commercial les liant à compter du 2 janvier 2006, et ce sans apporter quelconque preuve qu'il ait donné cette information à Monsieur X..., ni de l'acceptation par celui-ci ; qu'au contraire Monsieur X... dans son courrier du 1er février 2006, fait reproche à Monsieur Y... de n'avoir jamais été associé à ce transfert, donc conteste à tout le moins avoir donné son accord en ce sens ;

QUE par ailleurs, c'est seulement le 28 décembre 2005 que Monsieur Y... a informé Monsieur X... de l'échec de ce transfert, alors qu'il résulte des pièces produites, notamment de l'attestation de Monsieur Z..., que Monsieur Y... lui a retiré tous ses moyens de travail (voiture, documents, téléphone) dès le 5 décembre 2005, lui interdisant ainsi d'exercer ses fonctions alors que la période était importante pour les prises de commandes des fêtes de fin d'année ; qu'ainsi Monsieur Y... a gravement manqué à son obligation d'information et donc de loyauté envers Monsieur X..., son mandant" ;

1°) ALORS QUE ne constitue ni un acte de déloyauté ni un manquement de l'agent à son obligation d'information le fait de n'avoir pas tenu son mandant informé de simples pourparlers préparatoires à une cession de mandat qui ne s'est finalement pas réalisée ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.134-4 du Code de commerce ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse l'obligation d'information étant accessoire à l'obligation, pesant sur l'agent, d'obtenir l'autorisation de son mandant préalablement à toute cession de clientèle devient caduque si l'obligation principale est elle-même éteinte du fait de l'échec de la cession projetée ; qu'en retenant à titre de faute grave le fait, pour Monsieur Y..., de n'avoir pas informé Monsieur X... d'un transfert de clientèle dont elle constatait qu'il ne s'était jamais concrétisé, de sorte que l'obligation d'autorisation et, partant, d'information accessoire, était devenue caduque sans jamais avoir été inexécutée, la Cour d'appel, qui a sanctionné un manquement à une obligation inexistante et n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.134-13 du Code de commerce ;

3°) ALORS QUE l'exécution du contrat le liant à son sous-agent relève exclusivement du pourvoi d'organisation dont est investi l'agent commercial pour l'exécution de son mandat ; qu'en retenant à titre de manquement à son obligation de loyauté envers son mandant Eric X... le fait, pour Monsieur Y..., d'avoir retiré ses moyens de travail à son sous-agent Yannick Z... qui n'était pas la conséquence de l'abandon d'un projet de cession de clientèle qui n'avait jamais été mené à terme mais l'usage, par Monsieur Y..., de ses pouvoirs d'organisation et de direction de son entreprise et de son choix dans la conduite des moyens mis en oeuvre pour l'accomplissement de son mandat, sur lequel le mandant ne disposait d'aucun droit d'information et de contrôle, la Cour d'appel a violé derechef le texte susvisé ;

ET AUX MOTIFS QUE "sur la quasi absence d'activité : dans son courrier du 28 décembre 2005, Monsieur Y... expose que, en raison de l'échec du transfert du contrat à Monsieur Z..., il entend poursuivre personnellement le contrat qui le lie à Monsieur X... ; qu'il ressort des documents versés aux débats que, relativement aux produits de Monsieur X..., l'activité de Monsieur Y... a été quasi nulle en décembre 2005, période particulièrement importante eu égard aux fêtes de fin d'année, et en janvier 2006, ce qui a notamment provoqué la lettre de rupture en date du 1er février 2006 ; qu'il n'est fait la preuve d'aucune visite par Monsieur Y... pour ces deux mois et (que) les factures de décembre 2005 correspondent à des visites du mois précédent ; qu'ainsi, les chiffres d'affaires des mois de décembre dus à l'activité de Monsieur Y... ont été les suivants : décembre 2003 : 16 565 €, décembre 2004 : 6 052 €, décembre 2005 : 2 110 € ; que si la moyenne des deux premières années en décembre s'établit à environ 12 363 €, la chute en décembre 2005 est considérable ;

QUE Monsieur Y... oppose les chiffres d'affaires annuels d'ailleurs en comptabilisant le chiffre 2003 comme une année complète alors qu'il ne couvre que 9 mois (1er avril au 31 décembre 2003) ; que les chiffres d'affaires s'établissent ainsi : 2003 (ramené à une année complète) : 92 384 €, 2004 (année complète) : 82 682 €, 2005 (année complète) : 102 636 € ; que toutefois, outre que Monsieur Y... est mal venu à invoquer une progression constante, celui-ci ne peut se fonder sur l'augmentation du chiffre d'affaires en 2005 pour justifier son absence d'activité en décembre 2005 et janvier 2006 alors que, justement, le chiffre d'affaires de décembre, pour la raison sus-évoquée, représente habituellement une part très importante du chiffre d'affaires annuel et qu'en s'abstenant d'effectuer des visites ce mois là, il a privé Monsieur X..., et de manière sensible, de réaliser un meilleur chiffre d'affaires cette année là ; qu'il y a lieu de relever que cette période d'absence d'activité de Monsieur Y... se situe juste après des reproches faits par Monsieur X... par lettres des 22 mars, 21 avril, 12 mai, 27 juillet et 21 octobre 2005, notamment de remises trop importantes et de livraisons éloignées pour des commandes peu conséquentes, réduisant considérablement les marges et allant parfois jusqu'à la vente à perte ; que toutefois, ce point n'est pas évoqué dans la lettre de rupture du 1er février 2006 ; que cependant, en n'effectuant aucune visite à ce moment de l'année, alors qu'il affirmait poursuivre le contrat, Monsieur Y... a manqué de loyauté envers Monsieur X..., son mandant ;

QUE les fautes de Monsieur Y... sont suffisamment graves pour porter atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun et rendent impossible le maintien du lien contractuel le liant à Monsieur X... ; que Monsieur Y... est de ce fait infondé à invoquer le manquement postérieur qu'aurait commis Monsieur X... dans le retard du paiement des commissions dues pour la fin 2005 ; qu'il doit, en conséquence, être débouté de ses demandes indemnitaires (..)" (arrêt p.6 et 7) ;

4°) ALORS QUE ne commet pas un manquement à son obligation de loyauté rendant impossible la poursuite du mandat pendant la durée limitée du préavis l'agent commercial qui s'abstient pendant une durée limitée à deux mois de démarcher la clientèle de son mandant, fût-ce après avoir confirmé - de manière superfétatoire dès lors que ce contrat n'avait jamais été suspendu ni interrompu - son engagement de l'exécuter personnellement, et peu important qu'il en résulte une chute importante du chiffre d'affaires pour l'un des deux mois considérés, dès lors que, globalement, le chiffre d'affaires de l'année a été le meilleur réalisé depuis la conclusion du mandat ;
qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.134-13 du Code de commerce.



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Agent commercial


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.