par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 12 janvier 2010, 08-20241
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Cour de cassation, chambre commerciale
12 janvier 2010, 08-20.241

Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la BNP Paribas que sur le pourvoi incident relevé par la Selarl Aurélie X..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Y... ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable, et le premier moyen du pourvoi incident, pris chacun en leur première branche, réunis :

Vu l'article L. 131-31 du code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ce texte qu'un chèque est émis et sa provision transférée dès que le tireur s'en est dessaisi au profit du bénéficiaire, toute mention contraire étant réputée non écrite ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Y..., ayant connu des difficultés de trésorerie, a convenu avec la société Gaz de France, aux droits de laquelle vient la société GDF-Suez, de procéder à un règlement échelonné des sommes dues ; que, conformément à cet accord, la société Y... a adressé, le 30 septembre 2005, quatre chèques, dont le dernier, établi pour un montant de 35 000 euros, portait la date du 30 décembre 2005 ; que ce dernier chèque a été rejeté par le banquier tiré, la BNP-Paribas (la banque), au motif que le compte était indisponible à la suite du redressement judiciaire de la société Y..., prononcé le 4 janvier 2006 ; que n'ayant pu obtenir le règlement amiable de ce chèque, la société Gaz de France a assigné la banque et la Selarl Aurélie X..., liquidateur judiciaire de la société Y... (le liquidateur), le redressement ayant été converti en liquidation judiciaire ;

Attendu que pour dire que le chèque de 35 000 euros a été émis par la société Y... au profit de la société Gaz de France à la date du 30 décembre 2005, antérieurement à l'ouverture collective, l'arrêt, après avoir constaté que les chèques ont été adressés par la société Y... le 30 septembre 2005, relève que les parties se sont accordées pour que la créance de la société Gaz de France fasse l'objet de chèques dont la provision serait transférée de façon échelonnée à cette dernière société ; qu'après avoir énoncé que l'émission d'un chèque est un fait qui peut être établi par tout moyen et qu'un chèque est émis au moment où le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire, l'arrêt retient que l'émission des chèques en cause opérant transfert de la provision s'est donc réalisée à la date portée sur chacun d'eux, date à laquelle le tireur a entendu s'en dessaisir pour sa présentation à l'encaissement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 131-31 du code monétaire et financier et L. 622-7 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la provision d'un chèque émis par un tireur avant d'être mis en redressement judiciaire n'est transférée au profit du bénéficiaire qu'autant qu'elle ait existé au jour du jugement d'ouverture ;

Attendu que pour condamner in solidum la banque et le liquidateur ès qualités au paiement de la somme de 33 621, 25 euros, outre intérêts au taux légal, l'arrêt, après avoir relevé que le transfert de la provision concernant le dernier chèque est intervenu le 30 décembre 2005, avant le jugement du 4 janvier 2006 prononçant le redressement judiciaire, et en avoir déduit que, sauf à prouver le défaut de provision à la date du 30 décembre 2005, la somme mentionnée sur le chèque est due par la société Y... à la société Gaz de France, retient que le relevé du compte de la société Y... ouvert dans les livres de la banque du 30 novembre au 31 décembre 2005 fait apparaître un solde créditeur de 33 621, 25 euros à cette dernière date ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que le chèque litigieux avait été émis avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne la société Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour la BNP Paribas.

En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a dit que le chèque de 35 000 € avait été émis par la société Y... au profit de Gaz de France à la date du 30 décembre 2005, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective prononcée le 4 janvier 2006 et en ce qu'il a, par voie de conséquence, condamné BNP Paribas, in solidum avec Maître Y..., ès qualités, à payer à la société Gaz de France un montant équivalent au solde créditeur existant sur le compte à la date du 31 décembre 2005, soit la somme de 33 621, 25 € assortie des intérêts au taux légal à compter de cette même date ;

Aux motifs que le 21 septembre 2005, la SA Y... écrivait à la direction commerciale de la SA Gaz de France pour expliquer quelques difficultés de trésorerie qui n'apparaissaient que ponctuelles et sollicitait en conséquence un règlement échelonné de la somme due, selon les modalités suivantes :

- « compte tenu du programme de fabrication, nous prévoyons de régler avant la fin de ce mois la facture échue le 5 septembre de 53 352, 54 € TTC ; il demeurera alors un retard de 130 000 €, que nous pensons pouvoir régler comme suit :

-50 000 € avant fin octobre 2005

-45 000 € avant fin novembre 2005

-35 000 € avant fin décembre 2005 » …..

Que la SA Gaz de France, le 28 septembre 2005, acceptait ce nouvel échéancier par règlement des sommes ci-dessus fixées, respectivement, par chèques au 30 septembre, 28 octobre, 30 novembre et 30 décembre 2005, insistant sur l'absolue nécessité de lui faire parvenir les quatre chèques lesquels, précisait-elle expressément : « seront remis, par nos soins, à l'encaissement aux dates prévues par l'échéancier, la société Y... ayant dès lors adressé ces chèques le 30 septembre 2005 ; qu'il résulte suffisamment de ce qui précède que les parties se sont mises d'accord pour que la créance de la SA Gaz de France sur la somme globale de 183 352, 54 €, qui existait déjà lors de la remise des chèques en septembre 2005, fasse l'objet de chèques dont la provision serait transférée de façon échelonnée à la SA Gaz de France, et notamment pour la dernière somme de 35 000 €, le 30 décembre 2005 ; qu'il est constant que l'émission d'un chèque est un fait qui peut être établi par tout moyen ;

Qu'en tout cas un chèque est émis au moment où le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire ; qu'en l'espèce, l'émission des chèques en cause opérant transfert de provision s'est donc réalisée, à la date portée sur chacun d'eux, date à laquelle le tireur a entendu s'en dessaisir pour sa présentation à l'encaissement ; que c'est ainsi qu'ont été honorés les trois premiers chèques ; que le transfert de la provision concernant le dernier chèque date donc du 30 décembre 2005 ; qu'à cette date la SA Y... n'avait pas fait l'objet d'une procédure collective puisque le jugement prononçant son redressement judiciaire date du 4 janvier 2006 ; qu'en conséquence, sauf à prouver le défaut de provision à la date du 30 décembre 2005, et ou, éventuellement la connaissance par la SA Gaz de France de l'état de cessation des paiements à la date de présentation du chèque, la somme mentionnée sur le chèque est due par la SA Y... à la SA Gaz de France (arrêt attaqué, p. 6 et 7) ;

1° / Alors qu'en retenant que le transfert de la provision concernant le dernier chèque s'était produit à la date du 30 décembre 2005 après avoir pourtant exactement énoncé qu'un chèque est émis au moment où le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire et constaté que les chèques avaient été adressés par le tireur à la société Gaz de France, bénéficiaire, le 30 septembre 2005, la cour d'appel, en se fondant de manière inopérante sur la date portée sur ce chèque, n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard de l'article L. 131-31 du code monétaire et financier qu'elle a violé ;

2° / Et alors qu'en statuant par les motifs sus-reproduits quand il lui appartenait de rechercher, en l'état de la contestation élevée par la banque tirée, si à la date du 30 septembre 2005, date d'émission du chèque, sa provision était constituée, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 131-31 et L. 131-37 du code monétaire et financier.


Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils pour la société Aurélie X..., ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le chèque de 35. 000 € a été émis par la société Y... au profit de la société GAZ DE FRANCE à la date du décembre 2005, et d'avoir condamnée le liquidateur de la société Y..., in solidum avec la société BNP PARIBAS, à payer à la société GAZ DE FRANCE une provision de 33. 621, 25 €, correspondant au montant du soldé créditeur du compte de la société Y... arrêté à la date du 31 décembre 2005,

AUX MOTIFS QUE le 21 septembre 2005, la SA Y... écrivait à la direction commerciale de la SA GAZ DE FRANCE pour expliquer quelques difficultés de trésorerie qui n'apparaissaient que ponctuelles et sollicitait en conséquence un règlement échelonné de la somme due, selon les modalités suivantes :- « compte tenu du programme de fabrication, nous prévoyons de régler avant la fin de ce mois la facture échue le 5 septembre de 53 352, 54 € TTC ; il demeurera alors un retard de 130 000 €, que nous pensons pouvoir régler comme suit :
-50 000 € avant fin octobre 2005,
-45 000 € afin fin novembre 2005,
-35 000 € avant fin décembre 2005 » …
que la SA Gaz de France, le 28 septembre 2005, acceptait ce nouvel échéancier par règlement des sommes ci-dessus fixées, respectivement, par chèque au 30 septembre, 28 octobre, 30 novembre et 30 décembre 2005, insistant sur l'absolue nécessité de lui faire parvenir les quatre chèques lesquels, précisait-elle expressément : « seront remis, par nos soins, à l'encaissement aux dates prévues par l'échéancier, la société Y... ayant dès lors adressé ces chèques le 30 septembre 2005 ; qu'il résulte suffisamment de ce qui précède que les parties se sont mises d'accord pour que la créance de la SA GAZ DE FRANCE sur la somme globale de 183 352, 54 €, qui existait déjà lors de la remise des chèques en septembre 2005, fasse l'objet de chèques dont la provision serait transférée de façon échelonnée à la SA GAZ DE FRANCE, et notamment pour la dernière somme de 35 000 €, le 30 décembre 2005 ; qu'il est constant que l'émission d'un chèque est un fait qui peut être établi par tout moyen ; qu'en tout cas un chèque est émis au moment où le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire ; qu'en l'espèce, l'émission des chèques en cause opérant transfert de provision s'est donc réalisée, à la date portée sur chacun d'eux, date à laquelle le tireur a entendu s'en dessaisir pour sa présentation à l'encaissement ; que le transfert de la provision concernant le dernier chèque date donc du 30 décembre 2005 ; qu'à cette date la SA Y... n'avait pas fait l'objet d'une procédure collective puisque le jugement prononçant son redressement judiciaire date du 4 janvier 2006 ; qu'en conséquence, sauf à prouver le défaut de provision à la date du 30 décembre 2005, et ou, éventuellement la connaissance par la SA GAZ DE FRANCE de l'état de cessation des paiements à la date de présentation du chèque, la somme mentionnée sur le chèque est due par la SA Y... à la SA GAZ DE FRANCE ;

1° ALORS QU'en retenant que le transfert de la provision concernant le dernier chèque s'était produit à la date du 30 décembre 2005 après avoir pourtant exactement énoncé qu'un chèque est émis au moment où le tireur s'en dessaisit au profit du bénéficiaire et constaté que les chèques avaient été adressés par le tireur à la société GAZ DE FRANCE, bénéficiaire, le 30 septembre 2005, la cour d'appel, en se fondant de manière inopérante sur la date portée sur ce chèque, n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard de l'article L. 131-31 du code monétaire et financier qu'elle a violé ;

2° ALORS subsidiairement QUE la cour d'appel ne pouvait sans se contredire énoncer tout à la fois que les chèques avaient été établis et adressés à GAZ DE FRANCE le 30 septembre 2005 et qu'ils avaient été émis le 30 décembre 2005 ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le liquidateur de la société Y..., in solidum avec la société BNP PARIBAS, à payer à la société GAZ DE FRANCE une provision de 33. 621, 25 €, avec les intérêts à compter du 30 décembre 2005,

AUX MOTIFS QUE la société Y... a adressé le 30 septembre 2005 un chèque de 35. 000 € à la société Gaz de France ; que les parties se sont mises d'accord pour que la créance de la SA Gaz de France fasse l'objet de chèques dont la provision serait transférée de façon échelonnée, et notamment pour la dernière somme de 35 000 €, le 30 décembre 2005 ; qu'à cette date la SA Y... n'avait pas fait l'objet d'une procédure collective puisque le jugement prononçant son redressement judiciaire date du 4 janvier 2006 ; qu'en conséquence, sauf à prouver le défaut de provision à la date du décembre 2005, et ou, éventuellement la connaissance par la SA Gaz de France de l'état de cessation des paiements à la date de présentation du chèque, la somme mentionnée sur le chèque est due par la SA Y... à la SA Gaz de France ; qu'en ce qui concerne la provision, le relevé de compte de la société Y... fait apparaître qu'il existait un solde créditeur de 33. 621, 25 € au 31 décembre 2005 ;

ALORS QUE les règles du droit cambiaire n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger au principe selon lequel le jugement d'ouverture interdit toute action en paiement de la part des créanciers dont la créance est antérieure au jugement ; qu'en condamnant le liquidateur de la société Y... à payer à la société GAZ DE FRANCE une somme correspondant à une créance impayée à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 621-40 du Code de commerce dans sa rédaction en vigueur à la date de ladite ouverture.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sauvegarde des entreprises


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.