par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 1er juillet 2009, 08-16851
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
1er juillet 2009, 08-16.851

Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Marcel X... est décédé le 7 février 2000, en laissant pour lui succéder Erge Y..., sa seconde épouse, et Mmes Sylvie D... et Françoise Z..., ses filles issues de son premier mariage ; que, par acte notarié du 10 juillet 1989, il avait fait donation à son épouse de " la plus forte quotité disponible entre époux en vigueur au jour du décès, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et usufruit, soit en usufruit seulement au choix de l'épouse survivante " avec stipulation que " le choix entre l'une ou l'autre de ces donations appartiendra au survivant seulement " ; que Erge Y... est décédée le 29 juin 2002, en laissant pour lui succéder M. A..., son fils né d'une première union, sans avoir exercé l'option prévue à l'acte du 10 juillet 1989 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. A...fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Besançon, 19 mars 2008) d'avoir dit qu'il ne pouvait revendiquer aucun droit dans la succession de Marcel X... en exécution de l'acte de donation du 10 juillet 1989, alors, selon le moyen :

1° / que, si le conjoint gratifié n'a pas opté de son vivant pour l'une des quotités disponibles entre époux, son héritier, qui dispose de tous ses droits, peut le faire dans les conditions où lui-même en avait la faculté ; qu'en jugeant que, par exception, la clause de l'acte de donation stipulant que l'exercice de ce droit d'option à l'épouse survivante " seulement " excluait qu'elle soit transmissible à son héritier, M. A..., quand l'héritier de l'épouse gratifiée était fondé à exercer l'option de caractère patrimonial dont disposait son auteur, la cour d'appel a violé les articles 724, 781 et 1094-1 du code civil ;

2° / qu'en toute hypothèse, le droit d'option prévu à l'article 1094-1 du code civil au bénéfice du conjoint survivant constitue un droit patrimonial qui est transmissible à ses héritiers après son décès, en cas de non-exercice ; qu'en jugeant que, par exception, la clause de l'acte de donation stipulant que l'exercice de ce droit d'option à l'épouse survivante " seulement " excluait qu'elle soit transmissible à son héritier, M. A..., quand une telle clause a manifestement pour objet d'éviter qu'un autre que la donataire ou son héritier, qui est le continuateur de sa personne, n'exerce ce droit d'option en méconnaissance de ses intérêts, ce qui pourrait être le cas des créanciers de la donataire, de sorte que M. A...pouvait opter pour une part en pleine propriété des biens dépendant de la succession de Marcel X... et qu'il avait donc la qualité d'héritier et d'indivisaire, la cour d'appel a dénaturé l'acte du 10 juillet 1989 et a ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

3° / qu'en toute hypothèse, les parties ne peuvent déroger au principe d'irrecevabilité des donations, ni stipuler une clause de retour en dehors des hypothèses prévues à l'article 951 du code civil ; qu'en affirmant que les parties avaient entendu réserver à la donataire l'exercice du droit d'option, de sorte qu'à défaut d'un tel exercice avant le décès de la donataire, la donation ne pouvait développer un quelconque effet, la cour d'appel a conféré à cet acte un caractère révocable et a attaché à cette stipulation des conséquences identiques à celles produites par une clause de retour, en dehors des hypothèses où celle-ci est admise, en violation des articles 894 et 951 du code civil ;

Mais attendu que, si le droit d'option prévu à l'article 1094-1 du code civil revêt un caractère patrimonial et est transmissible aux héritiers du conjoint gratifié, décédé sans avoir effectué un choix, il en est autrement lorsque l'acte de donation stipule que l'exercice de ce droit appartiendra au survivant seulement, une telle clause excluant la transmissibilité du droit ; qu'ayant relevé que le droit d'option appartenait au survivant seulement et que Erge Y... était décédée sans l'avoir exercé, la cour d'appel en a exactement déduit que la donation était caduque ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches, ci-après annexé :

Attendu que M. A...fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit qu'occupant sans droit ni titre de l'immeuble successoral il était redevable d'une indemnité d'occupation qui sera évaluée par le notaire chargé de la succession ;

Attendu, d'abord, qu'ayant relevé, hors toute dénaturation, qu'il résultait des écritures de M. A...que celui-ci avait occupé l'immeuble successoral depuis la date du décès de sa mère jusqu'à celle où il avait remis les clés au notaire liquidateur, la cour d'appel en a justement déduit qu'il était redevable d'une indemnité d'occupation, laquelle réparait le préjudice résultant de la privation de jouissance du bien ;

Attendu, ensuite, qu'ayant, dans ses conclusions d'appel, sollicité que le montant de l'indemnité d'occupation soit évoqué devant le notaire liquidateur, M. A...n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen incompatible avec ces écritures ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. A...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour M. A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Alexandre A...ne peut revendiquer aucun droit dans la succession de Marcel X... en exécution de l'acte de donation du 10 juillet 1989 ;


AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas possible d'envisager, en fait comme en droit, une solution différente de celle du tribunal, qui en l'état des pièces qui lui ont été communiquées, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et une juste application de la loi, en ce qui concerne l'absence de qualité d'héritier et d'indivisaire ; qu'il sera seulement ajouté que Alexandre A...est mal fondé à soutenir sa qualité à procéder à l'option de l'époux survivant (en pleine propriété, en pleine propriété et usufruit, en usufruit seulement) qui, aux termes mêmes de l'acte de donation établi par Marcel X..., appartient au survivant seulement ; qu'il est constant que l'épouse de Marcel X..., Ergé B...Y... , n'a pas opté de son vivant, et que ce droit n'était pas transmissible ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Marcel X... avait consenti à son épouse, par acte authentique du 10 juillet 1989, une donation en cas de survie ; qu'en cas d'existence d'enfant au décès du donateur, ce qui fut le cas, la donation a été stipulée porter « sur la plus forte quotité disponible entre époux en vigueur au jour du décès, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et usufruit, soit en usufruit seulement au choix de l'épouse survivante » ; que l'acte de donation ajoute aussitôt après ce qui précède « Le choix entre l'une ou l'autre de ces donations appartiendra au survivant seulement » ; que la donataire est décédée en 2002 sans avoir exprimé formellement son choix ; que son fils, en sa qualité d'héritier prétend pouvoir le faire à sa place, l'option étant selon lui transmissible, et sa mère n'ayant nullement opté, il souhaite quant à lui une part en pleine propriété ; que pour les demanderesses, Monsieur A...ne saurait exercer l'option dans la mesure où sa mère l'aurait déjà exercée tacitement en restant occupante de l'immeuble d'habitation dépendant de la succession de son mari, immeuble propre au défunt, ce qui traduirait une volonté certaine de bénéficier de la donation sous forme d'usufruit ; que si le droit d'option ouvert au donataire est en principe transmissible aux héritiers du gratifié, il est loisible aux parties à l'acte de donation d'exclure cette faculté ; qu'en mentionnant dans l'acte de donation que la gratifiée aurait le choix d'opter pour la quotité disponible sous la forme qu'elle préférerait, mais que ce choix n'appartiendrait qu'à elle seule, les donateur et donataire acceptant, ont voulu de façon non équivoque réserver à la seule donataire, à l'exclusion de tous autres, la faculté d'opter pour telle ou telle forme de donation ; qu'il s'ensuit que Monsieur A..., tout héritier de sa mère qu'il est, ne saurait exercer ce choix ; qu'en conséquence, Monsieur A...ne saurait avoir de droits sur les biens composant la succession de Marcel X... qu'autant que sa mère aurait opté pour une part en pleine propriété, ce qui n'est soutenu par aucune des parties ; que la conséquence de l'absence d'option exercée par la gratifiée ou exerçable par son héritier est que l'objet de la libéralité est indéterminable et donc que la donation est caduque ;

1) ALORS QUE si le conjoint gratifié n'a pas opté de son vivant pour l'une des quotités disponibles entre époux, son héritier, qui dispose de tous ses droits, peut le faire dans les conditions où lui-même en avait la faculté ; qu'en jugeant que, par exception, la clause de l'acte de donation stipulant que l'exercice de ce droit d'option à l'épouse survivante « seulement » excluait qu'elle soit transmissible à son héritier, Monsieur A..., quand l'héritier de l'épouse gratifiée était fondé à exercer l'option de caractère patrimonial dont disposait son auteur, la Cour d'appel a violé les articles 724, 781 et 1094-1 du Code civil ;

2) ALORS QUE, en toute hypothèse, le droit d'option prévu à l'article 1094-1 du Code civil au bénéfice du conjoint survivant constitue un droit patrimonial qui est transmissible à ses héritiers après son décès, en cas de non-exercice ; qu'en jugeant que, par exception, la clause de l'acte de donation stipulant que l'exercice de ce droit d'option à l'épouse survivante « seulement » excluait qu'elle soit transmissible à son héritier, Monsieur A..., quand une telle clause a manifestement pour objet d'éviter qu'un autre que la donataire ou son héritier, qui est le continuateur de sa personne, n'exerce ce droit d'option en méconnaissance de ses intérêts, ce qui pourrait être le cas des créanciers de la donataire, de sorte que Monsieur A...pouvait opter pour une part en pleine propriété des biens dépendant de la succession de Monsieur C...et qu'il avait donc la qualité d'héritier et d'indivisaire, la Cour d'appel a dénaturé l'acte du 10 juillet 1989 et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;

3) ALORS QU'en toute hypothèse, les parties ne peuvent déroger au principe d'irrecevabilité des donations, ni stipuler une clause de retour en dehors des hypothèses prévues à l'article 951 du Code civil ; qu'en affirmant que les parties avaient entendu réserver à la donataire l'exercice du droit d'option, de sorte qu'à défaut d'un tel exercice avant le décès de la donataire, la donation ne pouvait développer un quelconque effet, la Cour d'appel a conféré à cet acte un caractère révocable et a attaché à cette stipulation des conséquences identiques à celles produites par une clause de retour, en dehors des hypothèses où celle-ci est admise, en violation des articles 894 et 951 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'AVOIR dit que Monsieur Alexandre A..., occupant sans droit ni titre de l'immeuble successoral, est redevable d'une indemnité d'occupation qui sera évaluée par le notaire chargé de la succession ;

AUX MOTIFS QU'il résulte des écritures de Alexandre A...que ce dernier a occupé l'immeuble successoral du décès de sa mère jusqu'au 10 mars 2003, date à laquelle il a rendu les clefs au notaire ; qu'en l'absence de toute qualité d'héritier et indivisaire, Alexandre A...a occupé l'immeuble sans droit ni titre et est redevable à cet effet d'une indemnité d'occupation, qu'il appartiendra au notaire d'évaluer ;

1) ALORS QU'en affirmant qu'il résultait des écritures de Monsieur A...qu'il avait occupé l'immeuble successoral du décès de sa mère jusqu'au 10 mars 2003, quand celui-ci contestait avoir occupé l'immeuble litigieux et soutenait n'avoir eu les clés en sa possession que dans l'objectif d'assurer l'entretien des lieux, la Cour d'appel a dénaturé ses écritures, déposées le 22 février 2007, et a ainsi violé l'article 1134 du Code civil ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse le versement d'une indemnité d'occupation par l'occupant sans droit ni titre suppose non seulement qu'il se soit fautivement maintenu dans les lieux, mais aussi que son attitude ait été à l'origine d'un préjudice ; qu'en condamnant Monsieur A...au payement d'une indemnité d'occupation sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de Monsieur A..., spéc. p. 27, pénultième § et s.), si la prétendue occupation des lieux avait été à l'origine d'un quelconque préjudice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

3) ALORS QU'en toute hypothèse il appartient au juge de trancher la contestation dont il est saisi ; qu'en condamnant Monsieur A...à payer une indemnité d'occupation, « qu'il appartiendra au notaire d'évaluer » (arrêt p. 3, pénultième §), quand cet officier public ne pouvait donner qu'un avis de pur fait sur les éléments d'évaluation de cette indemnité et ne pouvait trancher la contestation s'étant élevée entre les parties, la Cour d'appel a méconnu son office et a ainsi violé les articles 4 et 1382 du Code civil, ensemble l'article 481 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Régimes matrimoniaux


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.