par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 27 mai 2009, 08-11665
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
27 mai 2009, 08-11.665

Cette décision est visée dans la définition :
Recognitif




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 695 du code civil ;

Attendu que le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude et émané du propriétaire du fonds asservi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Douai, 28 février 2006), que M. X... a assigné M. Y... et M. Z..., aux droits duquel se trouvent les consorts Z..., en dénégation de servitude de passage ;

Attendu que pour dire qu'il existe une servitude de passage conventionnelle, l'arrêt retient que l'acte du 30 juillet 1992 ne fait pas référence au titre constitutif de la servitude, mais qu'il constitue un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le titre récognitif doit faire référence au titre constitutif de la servitude, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne, ensemble, M. Y... et les consorts Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne, ensemble, M. Y... et les consorts Z... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Georges, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il existait une servitude de passage conventionnelle, à pieds et avec tous véhicules au travers de la parcelle cadastrée section B n° 2, donnant acc ès aux parcelles cadastrées B nos 262, 263, 13 et 19, commune d'Echinghen,


AUX MOTIFS PROPRES QUE M. Y... soutient que son immeuble bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle n° 2 appartenant à M. X..., permettant de rejoindre le chemin rural du Moulin à Tournes, telle que mentionnée dans l'acte de vente en date du 26 mai 2000 entre M. Auguste Z... et M. Y... : « Il existe une servitude de passage à pieds et avec tous véhicules au travers de la parcelle cadastrée section B n° 2, donnant accès à une maiso n d'habitation et à son terrain contigu, constitués par les parcelles cadastrées section B nos 262 et 263 appartenant à Monsieur Z... ainsi que les parcelles 13 et 19 » ; que suivant l'acte de vente du 26 mai 2000, M. Z... vendait à M. Y... non seulement les parcelles 262, 263 et 13 mais également les parcelles 370 et 369 sises entre les parcelles 2 et 16 de M. X... et 262 et 263 acquises par M. Y... ; que, quant à la parcelle 371, elle restait la propriété du vendeur, étant précisé que les parcelles 369, 370 et 371 proviennent de la division de la parcelle 19 ; que par le même acte, M. Y... concédait à M. Z..., pour accéder depuis la voie publique à ses parcelles enclavées, une servitude de passage sur toute la surface de la parcelle B n° 370 et le long du fonds contigu cadastré n° 371, en utilisant la servitude de passa ge existant sur la parcelle B n° 2 ; que M. X... a acquis par acte du 30 juillet 1992 des consorts B..., ayants droit de M. et Mme B... C..., une maison, jardin et pâture, repris au cadastre sous les nos 2, 15, 16, 17, 18 ; que cet acte, dans sa deuxième partie, consacrait un paragraphe à un « rappel de servitude » ainsi libellé : « Il est ici fait observer qu'il existe une servitude de passage à pieds et avec tous véhicules au travers de la parcelle cadastrée section B n° 2, donnant accès à une maison d'habita tion et à son terrain contigu, constituée par les parcelles cadastrées section B n° 262 et 263 appartenant à Monsieur Auguste Z..., ainsi que les parcelles 13 et 19. Cette servitude subsistera comme par le passé, Monsieur X... déclarant en avoir parfaite connaissance et en faire son affaire personnelle » ; que cet acte contient donc une reconnaissance par le propriétaire du fonds servant de l'existence d'une servitude de passage, mais déjà consacrée par un titre antérieur, comme le font entendre les mentions : « rappel de servitude », « cette servitude subsistera comme par le passé … » ; que toutefois cet acte ne fait pas référence au titre constitutif de la servitude qui n'est pas produit ; qu'aussi ne constitue-t-il qu'un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif d'un titre antérieur établissant la servitude ; que suivant acte du 4 octobre 1858, M. D... et son épouse Philippine E... vendaient une propriété divisée en 2, une partie (l'ancienne parcelle 19) à M. Edouard F... et l'autre partie (parcelles 12, 13 7 et anciennement 14) à M. et Mme G... ; qu'il y était précisé : « seront communs pour les sieur et dame G... et le sieur F... … 2) la sortie du manoir vendu pour arriver au terrain communal, 3) le sentier qui part de la maison, traverse un pré et arrive à la propriété de Madame B... qu'il traverse aussi jusqu'au ruisseau … Pour faire cet usage de la sortie et du sentier dont il vient d'être parlé, les sieur et dame G... auront, sans indemnité à perpétuité, le droit de passer à travers la cour et le terrain du sieur F.... L'usage du sentier est réservé aux piétons. Les chevaux, bestiaux, charrettes et ustensiles aratoires ne devront passer que par le chemin de sortie allant joindre le terrain communal » ; que M. F... vendait son immeuble par acte notarié du 29 janvier 1868 à M. et Mme H... ; que ceux-ci cédaient leur propriété à M. et Mme I... par acte du 15 septembre 1917 ; que ce dernier acte rappelait la vente D... à F... et D... à G... par acte de 1858 et les stipulations y contenues ; que certes ces actes créaient des servitudes sur la propriété G... au profit de la propriété Dubois et sur la propriété F... au profit de la propriété G... ; que la propriété E... (auteur de M. X...) n'était pas concernée ; mais que les accès vers l'ouest à travers la propriété B... (actuellement la parcelle 20) pour arriver jusqu'au ruisseau, vers l'est après un virage à angle droit, en direction du chemin communal le long et à travers la propriété X... n'existent plus, ne sont plus praticables ; qu'en ce qui concerne la sortie du manoir vendu vers le nord, elle rejoint le terrain communal et accède au chemin rural du moulin à Tournes ; que ce terrain communal ne peut être la parcelle cadastrée n° 1 et appartenant actuellement à M. Z... ; qu'en effet, suivant un acte d'adjudication du 30 octobre 1980 versé aux débats, à la requête de Mme veuve J... et ses enfants au profit de M. Z... était concernée une pâture d'une contenance de 64 ares environ tenant vers l'est au chemin de Tournes, du couchant à M. K..., vers le sud à M. E..., vers le nord à la rivière, qui correspond à cette parcelle n° 1 ; or, il résulte de cet acte que cett e parcelle avait été acquise le 14 mars 1874 à M. Jean-Baptiste L..., qui luimême, l'avait achetée le 24 avril 1830 à M. François Marie M... A... ; que donc dès 1830, ce terrain appartenait à un particulier et il n'aurait pu être qualifié de communal dans l'acte de 1858 ; que d'autre part sont produites par M. Y... et les consorts Z... une délibération du conseil municipal de la commune d'Echinghen du 1er novembre 1863, ainsi qu'une copie dactylographiée conforme à l'original ; qu'il en résulte que le conseil donnait un avis favorable à la proposition de M. Auguste E... d'acquérir un terrain communal de la contenance de 63 ares 90 centiares et sur lequel ledit E... revendiquait le droit de passage, étant précisé que M. E... prenait l'engagement de garantir la commune contre tout recours de la part de MM. G... et F... au sujet des droits de passage auxquels ils pourraient prétendre sur ce terrain ; aussi cette parcelle était-elle jusqu'à son acquisition par M. E... un terrain communal ; qu'il s'ensuit que le terrain communal visé dans l'acte de 1858, donc antérieur à son acquisition par M. E..., et dont les mentions y afférentes étaient reprises telles quelles dans l'acte de 1917 correspond à la parcelle n° 2 appartenant aujourd'hui à M. X... ; que M. X..., dans un courrier en date du 13 mars 2000 au Préfet du Pas-de-Calais, produit par M. Y..., faisait mention d'un « chemin existant, c'est-à-dire le passage des roues déjà empierré, donc carrossable », sur sa propriété ; qu'il précisait qu'il avait donné son accord à M. Y... pour qu'il continue à emprunter ce chemin, mais que celui-ci, depuis février 2000, avait procédé à un décapage du terrain puis l'avait empierré ; qu'aussi la parcelle concernée par le passage mentionné par M. X... est-elle la parcelle n° 2 ; que M. Y... verse également aux débats deux attestations émanant d'anciens occupants des maisons sur les parcelles B 262 et 263 entre les année 1921 et 1999 qui déclarent qu'ils empruntaient le chemin se situant sur les parcelles B nos 2, 19, 262 et enfin 263 ; que la précision de ces témoignages quant à l'identification des parcelles traversées ne doit pas surprendre puisqu'ils ont été établis à l'aide d'un plan portant les numéros des parcelles au cadastre ; que le procès-verbal de constat établi le 4 août 2003 à la requête de M. X... par Me N..., huissier de justice, aux termes duquel a été constaté l'empierrement d'une partie du sol en limite de propriété du fonds de M. X... (parcelle B n° 2) et au nive au de la partie qui va vers le fonds voisin (parcelle n° 1) ne aura it à lui seul détruire le faisceau d'indices constitués par l'ensemble des éléments ci-dessus rapportés qui complètent valablement le commencement de preuve par écrit du titre récognitif constitué par l'acte de vente B...- C...- X... de 1992 ; qu'il s'ensuit qu'est rapportée la preuve d'une servitude de passage conventionnelle grevant la parcelle B n° 2 au profi t des parcelles 262, 263, 13 et 19 (arrêt, pp. 3 à 6) ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE l'acte de cession du 15 février 1959 entre les consorts O... et les époux B...- C..., auteurs de M. X..., ne stipule pas l'existence d'une servitude déterminée mais mentionne que les acheteurs supporteront les servitudes passives, apparentes ou non apparentes, continues ou discontinues qui pourraient exister au profit ou à la charge de l'immeuble vendu, à leurs risques et périls ; que M. Q..., géomètre expert, intervenu dans les cadre d'une procédure judiciaire, indique selon rapport en date du 24 avril 1987 concernant la situation d'enclave de la parcelle n° 14 appartenant à M. Z... que la voie normale pour rejoindre le chemin rural du Moulin (et qui couperait les consorts B... de leur terre) n'existe plus, étant supprimée depuis la guerre et qu'il ne reste comme seule sortie que le passage allant à la direction des terrains communaux c'est-à-dire les actuelles parcelles 1 et 2 et passant par l'actuelle parcelle 7 pour rejoindre le chemin du Moulin ; que ces servitudes sont confirmées dans toutes les cessions qui se sont succédées soit dans les actes de janvier 1868 vente F... à H... F..., septembre 1917 H... I... à M. et Mme I... R... et avril 1918 adjudication de R... à Z... ; qu'ainsi, l'existence d'un passage à travers la parcelle n° 2 a été rapportée et la production par M. X... des actes de 1858 (cession D...- E... à G...) et 1917 (H... à I...) n'établit pas que M. Q... ait commis une confusion entre les parcelles B... et I..., lesdits actes ne comportant pas de référence cadastrale permettant de resituer les parcelles vendues précisément par rapport au plan actuel concernant le litige mais il y a lieu de noter qu'ils font néanmoins état de droits de passage au profit de F..., auteurs de Z... sur différentes propriétés ; qu'au regard de tous les éléments rapportés, il y a lieu de considérer que l'acte d'achat de 1992 par M. X... doit être considéré non seulement comme récognitif mais aussi comme constitutif de servitude, la première partie de l'acte relative à la désignation des biens et à l'existence d'une réserve de passage au profit des vendeurs n'ayant pas une valeur plus constitutive de droit que la seconde partie se rapportant à l'origine de propriété (devant être vérifiée par le notaire) et à l'existence d'une servitude passive au profit d'un tiers à l'acte, ce d'autant que les termes exacts de celle-ci ont été repris dans l'acte de cession postérieur concernant ledit tiers ; qu'en tout état de cause, les mentions non vérifiées par l'officier ministériel ne font pas foi jusqu'à inscription de faux mais comme pour les actes sous seings privés jusqu'à preuve contraire, ce qui n'a pas été démontré en l'espèce ; que par ailleurs l'existence d'une servitude affectant le fonds du demandeur est encore corroborée par deux attestations établies l'une par Mme S... ayant habité la parcelle B n° 263 et l'autre par Mme T... ayant demeuré sur la parcelle B n° 262 indiquant que l'accès à ces dernières se faisait en empruntant les parcelles B nos 2 et 19 ; qui plus est, un courrier adressé le 13 mars 2000 par M. X... au préfet du Pas-de-Calais concernant les personnes défenderesses et versé aux débats, fait état de son accord pour l'utilisation par M. Y... d'un chemin existant et d'une demande de réouverture de sentiers disparus (jugement entrepris, pp. 5 et 6) ;

1) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu'en cause d'appel, loin de se prévaloir d'un acte récognitif susceptible de remplacer le titre constitutif de la servitude, au sens de l'article 695 du Code civil, ni même d'un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif, les intimés ont fait valoir, au contraire, que l'acte du 30 juillet 1992 par lequel M. X... a acquis sa propriété « est bien un acte constitutif d'une servitude conventionnelle et non un acte récognitif d'une enclave préexistante aménageant un passage conforme à l'article 682 » (conclusions, pp. 8-9), tandis que M. X... a souligné qu'une servitude de passage ne pouvait être établie que par un titre (conclusions, p. 8) ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que l'acte de vente du 30 juillet 1992 constituait un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif d'un titre antérieur établissant la servitude, pour en déduire qu'en cet état, la preuve de l'existence de cette servitude pouvait être rapportée par d'autres éléments, y compris des témoignages, corroborant ce commencement de preuve par écrit, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

2) ALORS QU'en relevant d'office le moyen selon lequel l'acte de vente du 30 juillet 1992 constituait un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif d'un titre antérieur établissant la servitude, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel, méconnaissant le principe de la contradiction, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE le titre constitutif de la servitude, à l'égard de celles qui ne peuvent s'acquérir par la prescription, ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, émané du propriétaire du fonds asservi et faisant référence au titre constitutif de la servitude ; qu'en l'espèce, pour dire que la parcelle cadastrée B n° 2 appartenant à M. X... était grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles nos 262, 263, 13 et 19, la cour d'appel a énoncé que dès lors que l'acte du 30 juillet 1992 par lequel M. X... a acquis sa propriété comporte un paragraphe intitulé « rappel de servitude » dans lequel il a déclaré avoir parfaite connaissance de la servitude de passage, qui subsistera comme par le passé, et en faire son affaire personnelle, cet acte contenait donc une reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage déjà consacrée par un titre antérieur, mais que, faute de faire référence au titre constitutif de la servitude qui n'est pas produit, cet acte constitue un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif d'un titre antérieur établissant la servitude, qui peut être valablement complété par d'autres éléments de preuve ; qu'en l'état de ces énonciations, qui relèvent l'absence de production du titre constitutif de la servitude et de référence à ce titre, et ne caractérisent pas l'existence d'un titre récognitif de la servitude dès lors que l'acte du 30 juillet 1992 pris en considération ne fait pas référence au titre constitutif, la cour d'appel a violé l'article 695 du Code civil ;

4) ALORS QUE, à supposer que la cour d'appel ait adopté les motifs des premiers juges retenant qu'il résulte des stipulations de l'acte d'achat du 30 juillet 1992 que ledit acte doit être considéré non seulement comme récognitif mais aussi comme constitutif de servitude, la cour d'appel a alors violé les articles 691 et 695 du Code civil dès lors que ne saurait être qualifié de titre constitutif de servitude, au sens des textes susvisés, un acte auquel n'a pas été partie le propriétaire du fonds revendiquant une servitude de passage, et qui se borne, sous l'intitulé « rappel de servitude », à faire état de l'existence d'une servitude préexistante.



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Cette décision est visée dans la définition :
Recognitif


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.