par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 3, 1er avril 2009, 07-21833
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Cour de cassation, 3ème chambre civile
1er avril 2009, 07-21.833

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale




LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 13 juillet 2007), que M. X..., propriétaire de locaux à usage commercial, les a donnés en location, par six conventions successives dites d'occupation précaire, la dernière en date du 6 décembre 2001, consenties au bénéfice soit de M. Y... soit de M. Z... ; soutenant qu'une société Coco Cadeaux occupait les lieux en infraction aux clauses de la convention, M. X... a assigné M. Y... aux fins de voir prononcer la résiliation de cette convention ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en résiliation de la convention et de dire que la société Coco Cadeaux est titulaire d'un bail commercial, alors, selon le moyen :

1° / que la requalification de la convention d'occupation précaire en un bail commercial emporte application du statut des baux commerciaux qui reconnaît valable l'application de la clause subordonnant la cession du bail à un accord exprès et écrit du bailleur ; qu'en énonçant, pour écarter l'application d'une telle clause, que la convention d'occupation du 6 décembre 2001 dont le bailleur demande l'application a été signée pour faire échec aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux et que le bailleur ne peut prétendre bénéficier à la fois de clauses contenues dans des conventions dérogatoires illicites et des dispositions générales du statut des baux commerciaux, dès lors que la fraude corrompt tout, la cour d'appel a violé l'article L. 145-16 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code de commerce ;

2° / qu'en l'état d'une clause du bail commercial subordonnant la cession du droit au bail à un consentement exprès et écrit du bailleur, l'exercice du commerce par le cessionnaire au vu et au su du bailleur, de même que l'acceptation sans réserve du paiement des loyers par le cessionnaire, ne suffisent pas à rendre opposable au bailleur la cession du bail consentie en violation de ses droits ; qu'en retenant, pour décider que la société Coco Cadeaux était titulaire d'un bail commercial, qu'elle a transféré officiellement son siège social dans le local loué alternativement aux noms de Pascal Y... et de Thomas Z...,..., qu'elle règle les factures correspondant à l'électricité consommée dans ce local et paye le loyer au propriétaire, et que le bailleur, résidant dans le même immeuble, ne pouvait ignorer la présence de cette société dans les locaux loués, la cour d'appel a violé l'article L. 145-16 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la convention dite d'occupation précaire en date du 6 décembre 2001, qui faisait suite à cinq conventions successives pareillement dénommées et conclues soit avec M. Y... soit avec une personne qui s'est dite prête-nom, était frauduleuse comme conclue pour faire échec à l'application du statut légal des baux commerciaux, la cour d'appel en a exactement déduit que, la fraude corrompant tout, le bailleur n'était pas recevable à invoquer contre l'occupant une clause de la convention frauduleuse régulatrice du droit de cession protégé par l'article L. 145-16 du code de commerce ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté, sans prendre en considération les mentions des conventions frauduleuses successives, qu'à la date du 6 décembre 2001, la société Coco Cadeaux occupait les lieux depuis plusieurs années au vu et au su du propriétaire et réglait les loyers, la cour d'appel a pu en déduire que cette société était bien la seule titulaire d'un bail commercial ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que l'utilisation frauduleuse pendant de longues années pour échapper à un statut légal était d'autant plus fautive qu'elle émanait d'un ancien professionnel du droit et était, au surplus, génératrice d'un préjudice moral et financier pour les occupants des lieux mis dans l'obligation de se défendre face à des accusations farfelues, la cour d'appel a pu caractériser la faute faisant dégénérer en abus le droit d'ester en justice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour M. X...,


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. Michel X... de sa demande en résiliation judiciaire de la convention d'occupation précaire qu'il avait consentie à M. Pascal Y..., et D'AVOIR décidé que la société COCO CADEAUX bénéficiait d'un bail commercial sur les locaux qui en faisaient l'objet ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que les conventions d'occupation précaire demeurent en dehors du champ d'application du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953... à moins qu'elles ne constituent des baux déguisés et ne réalisent ainsi une fraude destinée à faire échec aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux ; que la " convention d'occupation précaire " se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties ; que l'appelant ne prouve ni n'offre de prouver que la succession ininterrompue, pendant plus de 10 ans, de " conventions " permettant l'occupation à titre onéreux, pour l'exercice d'une activité commerciale, du local situé au rez-de-chaussée de l'immeuble... lui appartenant, se justifie par des " circonstances exceptionnelles " ou d'autres causes semblables, ou par la renonciation expresse des occupants des lieux au bénéfice du statut des baux commerciaux ; que Thomas Z... atteste dans les conditions de la loi qu'il a uniquement servi de " prête-nom " à deux reprises pour satisfaire les exigences du bailleur qui ne voulait pas établir de baux d'une durée supérieure à deux ans, tout en souhaitant garder un locataire qui a toujours payé le loyer convenu en temps et en heure ; qu'il se déduit de ce qui précède que la " convention d'occupation " du 06 / 12 / 2001 dont le bailleur demande l'application a été signée pour faire échec aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux ; que, dès lors que " la fraude corrompt tout ", le bailleur ne peut prétendre bénéficier à la fois de clauses contenues dans des conventions dérogatoires illicites et des dispositions générales du statut « des baux commerciaux ; qu'il résulte des éléments de fait du litige, prouvés par les documents régulièrement communiqués et débattus entre les parties que :

- depuis au moins 1998, la société COCO CADEAUX, a transféré officiellement son siège social dans le local loué alternativement aux noms de Pascal Y... et Thomas Z...,... ;
- depuis au moins cette date, cette société régie les factures correspondant à l'électricité consommée dans ce local et paye le loyer au propriétaire ;
- le bailleur résidant dans le même immeuble ne pouvait ignorer la présence de cette société dans les locaux loués ;

QU'il s'en déduit que, comme l'ont indiqué les premiers juges, cette société était fondée à se prétendre titulaire d'un bail commercial ; qu'il y a lieu de confirmer en conséquence la décision déférée, sauf à préciser que les premiers juges ont effectivement statué " Ultra petita " dès lors qu'il leur était demandé de " dire que la société COCO CADEAUX est titulaire d'un bail commercial sur les lieux litigieux " et qu'à aucun moment Pascal Y..., agissant en son nom propre et non en qualité de gérant de la SARL, n'a demandé que lui soit reconnu le bénéfice du statut des baux commerciaux " conjointement " avec cette société ; qu'une telle demande n'a pas non plus été formalisée devant la Cour ;

1. ALORS QUE la requalification de la convention d'occupation précaire en un bail commercial emporte application du statut des baux commerciaux qui ne reconnaît valable l'application de la clause subordonnant la cession du bail à un accord exprès et par écrit du bailleur ; qu'en énonçant, pour écarter l'application d'une telle clause, que la convention d'occupation " du 6 décembre 2001 dont le bailleur demande l'application a été signée pour faire échec aux dispositions impératives du statut des baux commerciaux et que le bailleur ne peut prétendre bénéficier à la fois de clauses contenues dans des conventions dérogatoires illicites et des dispositions générales du
statut des baux commerciaux, dès lors que " la fraude corrompt tout ", la Cour d'appel a violé l'article L 145-16 du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

2. ALORS QU'en l'état d'une clause du bail commercial subordonnant la cession du droit au bail au consentement exprès et écrit du bailleur, l'exercice du commerce par le cessionnaire, au vu et au su du bailleur, de même que l'acceptation sans réserve du paiement des loyers par le cessionnaire, ne suffisent pas à rendre opposable au bailleur, la cession du bail consentie en violation de ses droits ; qu'en retenant, pour décider que la société COCO CADEAUX était titulaire d'un bail commercial, qu'elle a transféré officiellement son siège social dans le local loué alternativement aux noms de Pascal Y... et Thomas Z...,..., qu'elle règle les factures correspondant à l'électricité consommée dans ce local et paye le loyer au propriétaire, et que le bailleur, résidant dans le même immeuble ne pouvait ignorer la présence de cette société dans les locaux loués, la Cour d'appel a violé l'article L 145-16 du Code de commerce, ensemble l'article 1134 du Code civil ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. Michel X... à payer à M. Pascal Y... et à la société COCO CADEAUX des dommages et intérêts d'un montant de 5 000 pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QUE l'utilisation de moyens frauduleux pendant de longues années pour échapper au statut légal est d'autant plus fautive qu'elle émane d'un ancien professionnel du droit ; qu'elle est au surplus génératrice d'un préjudice moral et financier pour les occupants des lieux mis dans l'obligation de se défendre face à des accusations farfelues et d'ester en justice pour faire reconnaître leurs droits ; que la Cour est en mesure d'évaluer ce préjudice à la somme de 5 000 euros demandés ;

ALORS QUE l'abus du droit d'agir en justice suppose que soit caractérisée une intention de nuire ou, à tout le moins, une faute grossière équipollente au dol ; qu'en se déterminant en considération de l'utilisation par un ancien professionnel du droit de moyens frauduleux pendant de longues années pour échapper au statut légal, la Cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un abus du droit d'ester en justice ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Propriété commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 11/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.