par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 6 juillet 2017, 16-19384
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
6 juillet 2017, 16-19.384

Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 243-59, alinéa 7, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige ;

Attendu, selon ce texte, que lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu avant la fin du délai imparti aux observations formulées par les inspecteurs du recouvrement au terme du contrôle, la mise en recouvrement des cotisations, contributions, majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle portant sur les années 2006 à 2008, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié une lettre d'observations en date du 2 octobre 2009 à la société CNE (la société), à laquelle celle-ci a répondu par lettre recommandée du 4 novembre suivant ; que l'URSSAF lui a notifié ensuite, le 14 décembre 2009, une première mise en demeure, annulée par la commission de recours amiable de l'organisme le 4 octobre 2010, puis une seconde mise en demeure le 7 décembre 2010 ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour déclarer nuls la procédure de contrôle et les redressements subséquents ainsi que la procédure de recouvrement, l'arrêt retient que la réponse de l'inspecteur du recouvrement a été notifiée le 21 décembre 2009, soit postérieurement à l'envoi de la première mise en demeure à la société contrôlée ; que la seconde mise en demeure qui a été adressée après un contrôle nul de plein droit, une formalité substantielle n'ayant pas été respectée, n'a pu régulariser la procédure et devait être également annulée ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'URSSAF avait procédé à la notification d'une nouvelle mise en demeure postérieurement à l'envoi à la société de la réponse aux observations formulées par celle-ci à la suite de la communication des résultats du contrôle, de sorte que la mise en recouvrement des sommes objet du redressement répondait aux exigences du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société CNE aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société CNE et la condamne à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Provence-Alpes-Côte d'Azur


Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fait droit à l'exception de nullité de la procédure de contrôle et des redressements subséquents pour manquement aux formalités substantielles prévues par l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale opposée par la SA CNE à l'Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales des Bouches du Rhône et d'AVOIR dit que l'ensemble de la procédure de recouvrement faisant suite à la lettre d'observations du 2 octobre 2009 est entachée de nullité et d'AVOIR condamné l'URSSAF à payer à la SAS CNE la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE suite au contrôle des années 2006, 2007 et 2008, l'URSSAF a adressé à la société CNE une lettre d'observations datée du 2 octobre 2009 à laquelle la société CNE a répondu par lettre recommandée du 4 novembre 2009 ; que l'URSSAF lui a adressé une mise en demeure du 14 décembre 2009 d'avoir à payer la somme de 143.684 € et a répondu à la lettre du 4 novembre par un courrier du 21 décembre 2009 ; que la société CNE a formé un recours devant la commission de recours amiable les 8 janvier et 16 juillet 2010 ; que la commission a annulé cette mise en demeure par décision du 4 octobre 2010 ; que la société CNE ne justifie pas avoir contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale ; que l'URSSAF a adressé une nouvelle mise en demeure datée du 7 décembre 2010 et portant la somme de 125.337 € ; que par lettre recommandée datée du 22 décembre reçue le 27 décembre 2010, la société CNE a formé un recours devant la commission de recours amiable qui a validé cette mise en demeure par décision du 25 mars 2011 mais a annulé ou réduit certains chefs du redressement ; que la société CNE a contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a rendu le jugement déféré ; qu'à peine de nullité de toute la procédure de contrôle, l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale impose à l'inspecteur du recouvrement avant de procéder à l'envoi d'une mise en demeure, de répondre à la lettre par laquelle le contrôle répond lui-même à la lettre d'observations qui lui a été adressée ; qu'en l'espèce, la réponse de l'inspecteur du recouvrement a été notifiée postérieurement à l'envoi de la mise en demeure à la société contrôlée ; que la commission de recours amiable, saisie d'une demande d'annulation de tout le redressement, devait annuler la totalité du contrôle, et pas seulement la mise en demeure ; que la seconde mise en demeure du 7 décembre 2010 a été adressée après un contrôle qui était nul de plein droit puisqu'une formalité substantielle n'avait pas été respectée contrairement à ce que soutient l'URSSAF appelante, cette seconde mise en demeure ne pouvait servir à « régulariser » la nullité de la première mise en demeure ; qu'elle doit donc être annulée également ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur l'exception de nullité de la procédure de contrôle et des redressements subséquents pour manquement aux formalités substantielles prévues à l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, que l'alinéa 8 dispose expressément « lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai (de trente jours) et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant » ; qu'il résulte des éléments de procédure de redressement versés aux débats, que la mise en demeure du 14 décembre 2009 formalisée par l'union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales des Bouches du Rhône à la SA CNE si elle a bien été décernée plus de trente jours après la réponse de la personne redressée effectuée le 4 novembre 2009 à la lettre d'observations notifiée le 2 octobre 2009, est intervenue avant ladite réponse de l'inspecteur du recouvrement aux observations de la CNE ; que les voies de recouvrement mises à disposition de l'URSSAF PACA sont celles d'un titulaire d'une parcelle de puissance publique par délégation de deniers issus des lois de finances de la sécurité sociale successives ayant fixé l'assiette et le taux des cotisations du régime général de sécurité sociale ; qu'ainsi la plus grande vigilance doit être apportée par l'autorité judiciaire, à chacun de ses niveaux d'intervention, au respect des procédures en vigueur par nature lourdes de conséquences financières pour les personnes contrôlées suivant les dispositions des articles L.243-7 à L.243-12-4 du code de la sécurité sociale ; qu'il n'apparait pas en phase décisive possible de considérer régularisable par une nouvelle voie de mise en recouvrement la procédure ayant donné lieu à annulation de la mise en demeure délivrée le 14 décembre avant réponse de l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur considéré, au sens des dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, ce manquement ayant entaché d'irrégularité l'ensemble de la procédure suivie depuis la lettre d'observations du 2 octobre 2009, y compris les actes subséquents à ladite annulation décidée en phase administrative du litige ; qu'au total la juridiction spécialisée saisie réservant un accueil favorable à l'exception de nullité opposée par la SA CNE et le présent jugement statuant sur une exception de procédure mettant fin à l'instance, il sera fait application des dispositions de l'article 544 du code de procédure civile prévoyant dans cette hypothèse que le jugement peut être « immédiatement frappé d'appel » ;

1. ‒ ALORS QU'en l'absence de recours judiciaire dans le délai de deux mois, les décisions de la commission de recours amiable revêtent l'autorité de la chose décidée, c'est-à-dire deviennent définitives et irrévocables ; qu'en l'espèce, il est constant que la décision de la commission de recours amiable du 4 octobre 2010 a décidé que « la mise en demeure du 14 décembre 2009 n° 3735511 est nulle et non avenue » et que « pour répondre aux exigences de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale une nouvelle mise en demeure devra être adressée à la SAS CNE qui tiendra compte de la prescription encourue » ; qu'ainsi la commission n'a fait qu'annuler la mise en demeure du 14 décembre 2009 et non pas la procédure de redressement sans sa totalité et a autorisé l'URSSAF à délivrer une nouvelle mise en demeure pour régulariser la procédure ; qu'il est constant que la société CNE n'a pas formé de recours à l'encontre de cette décision ; que la Cour d'appel a affirmé que la commission de recours amiable aurait dû annuler la totalité du contrôle, lequel était nul, de sorte que la seconde mise en demeure du 7 décembre 2010 n'avait pu régulariser la procédure et devait également être annulée ; qu'en statuant ainsi, l'URSSAF a méconnu l'autorité de la chose décidée par la commission de recours amiable dans sa décision du 4 octobre 2010 et a violé l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale ;

2. ‒ ALORS QUE les dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale prévoient seulement l'impossibilité de mettre le redressement en recouvrement, si la mise en demeure est adressée avant la réponse de l'inspecteur aux observations du cotisant, mais pas la nullité de la procédure de contrôle ; qu'en affirmant, pour annuler la totalité du contrôle, qu'à peine de nullité de toute la procédure de contrôle, cet article imposerait à l'inspecteur, avant de procéder à l'envoi de la mise en demeure, de répondre à la lettre par laquelle le cotisant contrôlé a répondu à la lettre d'observations, la Cour d'appel a violé l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale ;


3. ‒ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer le sens clair et précis des documents soumis à leur appréciation ; qu'en l'espèce, il résulte de la décision de la commission de recours amiable du 4 octobre 2010 que la société cotisante l'avait saisie à titre principal pour contester la régularité de la mise en demeure du 14 décembre 2009 et, à titre subsidiaire, pour demander l'annulation de certains chefs de redressement seulement ; que, pour dire que la commission aurait dû annuler la totalité du contrôle et pas seulement la mise en demeure, la Cour d'appel a affirmé que la commission de recours amiable avait été saisie d'une demande d'annulation de tout le redressement ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu le principe selon lequel les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause.



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Cette décision est visée dans la définition :
Sécurité sociale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.