par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 15 juin 2017, 16-19075
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
15 juin 2017, 16-19.075

Cette décision est visée dans la définition :
Fortuit




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2016), que la société civile immobilière Vachon (le bailleur) a donné à bail à la société Vachon location, aux droits de laquelle vient la société Vachon (le preneur) des locaux situés dans un immeuble lui appartenant ; qu'à la suite de la destruction de ce bien par incendie, le bailleur et le preneur ont conclu, le 5 décembre 2011, une transaction portant sur la détermination du degré de destruction des locaux, totale ou partielle, et sur ses conséquences quant à l'exercice de la faculté de résiliation du bail et du droit à indemnisation ; que le bailleur a engagé une action en nullité de cet accord ;

Attendu que le preneur fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;

Attendu que l'arrêt constate que le contrat stipule que la destruction totale du bien loué emporte la résiliation de plein droit du bail et réserve au preneur en cas de destruction partielle, le droit d'en demander la résiliation, sans pouvoir, en aucun cas, prétendre à une indemnité et relève qu'à supposer acquise la nullité de ces stipulations, les dispositions générales de l'article 1722 du code civil n'ouvrent pas davantage de droits au locataire ; que la cour d'appel, qui a souverainement estimé, sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, que la renonciation du preneur à toute action en justice sur le fondement du bail, lequel la lui interdisait, était dérisoire au regard de la contrepartie apportée par le bailleur qui s'engageait à acquitter par compensation une certaine somme, en a exactement déduit qu'une telle transaction était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vachon aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société civile immobilière Vachon la somme de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Vachon.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le protocole transactionnel du 5 décembre 2011 est entaché de nullité ;

AUX MOTIFS QUE « le régime de la transaction est défini par les articles 2044 à 2058 du code civil ;
qu'ainsi, aux termes de l'article 2044 alinéa 1er "La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître" ;
qu'aux termes de l'article 2052 "Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion" ;
que l'article 2053 dispose : "Néanmoins une transaction peut être rescindée, lorsqu'il y a erreur dans la personne ou sur l'objet de la contestation. Elle peut l'être dans tous les cas où il y a dol ou violence" ;
qu'il importe encore de rappeler que si les concessions consenties doivent être réciproques et non dérisoires, elles n'ont pas à être équivalentes en valeur ;
que pour soutenir le caractère dérisoire de la concession consentie par la SA Vachon, la SCI Vachon entend opposer qu'était vouée à l'échec l'action que l'appelante prétendait pouvoir mener dans le seul but de simuler consentir une concession ;
qu'ainsi, le protocole contesté exposait un litige entre les parties relatif à "la relation contractuelle de bail des locaux", suite à l'incendie ; que l'acte indiquait que la bailleresse estimait que les locaux avaient été totalement détruits et que le bail était donc résilié de plein droit sans indemnité, tandis que la preneuse estimait que les locaux n'ayant été détruits que partiellement, ils n'avaient pas été rendus impropres à leur usage et que "nonobstant les dispositions du bail", la faculté de mettre fin au bail était réservée à la société Vachon SA ; qu'ainsi, en application de la transaction, la SCI Vachon devait verser 500 000 euros et Vachon SA s'obligeait à payer les loyers jusqu'au 31 mars 2012 soit la somme de 50.163,27 euros ; les parties s'engageaient par ailleurs à renoncer à initier toute procédure en vertu du bail ;
que cependant, le bail contenait une clause stipulant qu'en cas de destruction totale comme partielle du bien le bailleur aurait la faculté de résilier le contrat sans indemnité due au preneur, ce, dans les termes suivants : "Si les locaux viennent à être détruits en totalité par un événement indépendant de la volonté du bailleur, le présent bail sera résilié de plein droit sans indemnité. En cas de destruction partielle, le présent bail pourra être résilié sans indemnité à la demande de l'une ou l'autre des parties et ce par dérogation à l'article 1722 du Code civil, mais sans préjudice, pour le bailleur, de ses droits éventuels contre le preneur si la destruction peut être imputée à ce dernier" ;
qu'aux termes de l'article 1722 du code civil visé au protocole : "Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résiliée de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement" ;
qu'ainsi, en application de ladite clause figurant au bail, l'appelante ne pouvait prétendre à aucune indemnité et ce, quelle que soit la nature de la destruction, totale comme partielle ; que plus encore, la clause permettait à la SCI de rechercher la responsabilité de la SA Vachon ;
que de plus et comme le fait valoir la SCI Vachon, à en supposer acquise la nullité, alors devait s'appliquer l'article 1722 précité aux termes duquel le preneur n'avait pas davantage droit à dédommagement ;
qu'aussi, la renonciation par la société Vachon SA à toute action en justice sur le fondement du bail était-elle dérisoire au regard de la contrepartie apportée par la SCI Vachon qui renonçait à agir en justice mais s'engageait encore à acquitter par compensation la somme de 449.836,73 euros, ce qu'elle aurait pu éviter en vertu de la clause susmentionnée ;
que dès lors, et si comme l'oppose la SA Vachon, il n'appartient pas au juge à l'occasion de l'examen de la transaction de trancher le litige que les parties en transigeant n'ont pas entendu soumettre au procès, il lui revient néanmoins de s'assurer de la réalité des concessions prétendument réciproques ; qu'or, en l'espèce, il ne peut qu'être constaté l'absence de concession de la part de la SA Vachon à renoncer à se prévaloir d'un droit qu'elle ne pouvait tirer ni du contrat ni en tout état de cause de la loi ; que dès lors, la concession consentie par la SA Vachon qui entend avancer à ce titre l'aléa judiciaire était dérisoire au regard de celle consentie par la SCI Vachon » ;


ALORS QUE pour déterminer si les concessions réciproques des parties à une transaction sont réelles, le juge ne peut, sans heurter la chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore ; que pour décider que la transaction conclue le 5 décembre 2011 entre la SA Vachon et la SCI Vachon devait être annulée, la cour d'appel a retenu que la renonciation de la SA Vachon à toute action en justice sur le fondement du bail était dérisoire au regard de la contrepartie qu'apportait la SCI Vachon dès lors qu'en application tant des stipulations contractuelles que des dispositions légales, la SA Vachon ne pouvait prétendre à aucune indemnité, quelle que soit la nature de la destruction des biens loués, totale comme partielle ; qu'en tranchant ainsi le litige auquel la transaction avait précisément pour objet de mettre fin, la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du code civil.



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Fortuit


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.