par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 11 mai 2017, 15-18758
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Cour de cassation, chambre commerciale
11 mai 2017, 15-18.758

Cette décision est visée dans la définition :
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

Attendu que selon ce texte, si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents et cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur contredit, que la société de droit italien Diemme Enologia (la société Diemme) a résilié le contrat de « concession de vente oenologique », portant sur la distribution exclusive de machines vinicoles, qui la liait à la société de droit français Terravi ,aux droits de laquelle est venue la société Etablissements Chambon & fils (la société Chambon) ; que ce contrat comportait une clause prévoyant que toute réclamation ou litige relatif à l'exécution ou à l'interprétation du contrat, à son application, annulation ou résiliation, serait soumise exclusivement à la seule et unique juridiction de la cour d'appel de Ravenne, en Italie, la société Diemme ayant toutefois le droit de se référer à d'autres cours compétentes, « conformément aux règles de procédure légale » ; que lui reprochant le caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie, la société Chambon l'a assignée en paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de commerce de Bordeaux ; que la société Diemme a soulevé une exception d'incompétence au profit des juridictions de Ravenne qui a été accueillie ;

Attendu que pour déclarer fondé le contredit et dire nulle et de nul effet la clause attributive de compétence du contrat de concession, l'arrêt retient que la clause litigieuse, aux termes de laquelle la société Diemme aura le droit d'agir devant d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale, ne lie que la société française, seule tenue de saisir les tribunaux italiens, et qu'elle revêt en conséquence un caractère potestatif à l'égard de la société italienne, peu important le caractère déterminable de l'option de compétence que celle-ci s'était réservée, de sorte qu'elle est contraire à l'objectif et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du règlement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté la volonté des parties de convenir d'une prorogation de compétence dans les termes du contrat, peu important que cette clause attributive ne s'impose qu'à l'une des parties, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit le contredit mal fondé et le rejette ;

Dit que les dépens, incluant ceux exposés devant la cour d'appel, seront supportés par la société Etablissements Chambon & fils ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Diemme Enologia la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Diemme Enologia

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré fondé le contredit, infirmé le jugement et dit nulle et de nul effet la clause attributive de compétence contenue dans l'article 19 du contrat de « concession de vente oenologique » conclu le 18 janvier 2006 liant les parties, dit le tribunal de commerce de Bordeaux compétent et renvoyé l'affaire devant ce tribunal ;

AUX MOTIFS QUE « Considérant que selon l'article 23.1 du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire : "Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. [...]" ;

Considérant que l'article 19 intitulé "Tribunal Compétent" du contrat de "concession de vente oenologique" conclu le 18 janvier 2006 entre la société italienne DIEMME et la société française TERRAVI aux droits de laquelle se trouve la société française Les Etablissements Chambon et Fils dispose selon sa traduction par traducteur assermenté :

"Le présent contrat est régi par la loi italienne et y est soumis. Toute réclamation ou litige relative à l'exécution ou à l'interprétation du présent contrat, à son application, interprétation, annulation ou résiliation, sera soumise exclusivement à la seule et unique juridiction de la cour d'appel de Ravenne (Italie).

La société DIEMME aura toutefois le droit de se référer à d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale.

Pour toute éventuelle altération ou incertitude relative à l'interprétation, si l'on compare les textes contractuels, seul le texte en langue italienne fera foi."

Considérant que la contredisante invoque la postestativité de la clause attributive de compétence tandis que DIEMME soutient qu'une partie qui peut conventionnellement obliger l'autre à saisir une juridiction non compétente selon les règles de compétence ordinaires, peut aussi elle seule y renoncer et saisir la juridiction compétente en application du droit commun, ladite juridiction étant déterminable ;

Considérant que la clause litigieuse aux termes de laquelle DIEMME aura le droit d'agir "devant d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale" ne lie que la société française, seule tenue de saisir les tribunaux italiens; qu'il s'ensuit que cette clause revêt un caractère potestatif à l'égard de la société italienne, peu important le caractère déterminable de l'option de compétence que celle-ci s'était réservée, de sorte qu'elle est contraire à l'objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du règlement précité ;

Que cette clause est donc nulle et de nul effet ;

Qu'il convient, accueillant le contredit, d'infirmer le jugement du tribunal de commerce qui sur le fondement d'une telle clause, s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à se mieux pourvoir devant les juridictions italiennes ;

Considérant que les parties n'articulant aucune autre contestation de compétence que celle tirée de la clause d'élection de for, il convient de dire le tribunal de commerce de Bordeaux compétent, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur la loi applicable » ;

ALORS QUE la stipulation d'une option de compétence en faveur d'une partie n'est contraire à l'objectif de prévisibilité et de sécurité juridique poursuivi par le règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000 que lorsque les tribunaux pouvant être saisis en vertu de l'option de compétence ne sont pas objectivement déterminables ; qu'en jugeant nulle et de nul effet la clause du contrat de concession de vente oenologique conclu entre la société italienne Diemme et la société française Terravi aux droits de laquelle se trouve la société Etablissements Chambon et fils, imposant à la société Terravi d'agir devant les tribunaux italiens tandis qu'était réservé à la société Diemme le droit d'agir devant d'autres cours compétentes, conformément aux règles de procédure légale, au motif que la clause ne liant que la société française, seule tenue de saisir les tribunaux italiens, revêtirait un caractère potestatif à l'égard de la société italienne, de sorte qu'elle serait contraire à l'objet et à la finalité de la prorogation de compétence ouverte par l'article 23 du règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000, quand elle constatait le caractère déterminable de l'option de compétence que la clause attributive de juridiction offrait à la société Diemme, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 23 du règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000.



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