par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 4 mai 2017, 15-13326
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, chambre commerciale
4 mai 2017, 15-13.326

Cette décision est visée dans la définition :
Gré à gré




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2014), que la société Pharmacie Sylvie Legrand, qui exploitait une pharmacie dans un centre commercial dont les locaux appartiennent à la société Le Belvédère, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 8 janvier et 19 février 2014 ; que par une ordonnance du 14 mai suivant, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré du fonds de commerce, à l'exclusion du droit au bail, dont la résiliation a été notifiée à la société Le Belvédère ; que la société Le Belvédère et plusieurs exploitants du centre commercial ont formé appel de cette ordonnance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Le Belvédère et les autres exploitants font grief à l'arrêt de déclarer leur appel irrecevable alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en contestation d'une décision du juge-commissaire ordonnant la cession des éléments incorporels d'un fonds de commerce n'est pas une action attitrée ; qu'en retenant au contraire qu'une telle action serait réservée aux seules personnes auxquelles une telle décision aurait été notifiée, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se fondant, pour dire que la société Le Belvédère, bailleur, n'aurait pas eu d'intérêt à agir, sur la considération que le contrat de bail qu'elle avait conclu avec le preneur aurait été rompu à la date de la cession du fonds de commerce ordonnée par l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 14 mai 2014, cependant que la lettre de rupture dudit contrat de bail adressée par l'organe de la procédure au bailleur et produite aux débats par ce dernier était datée du 18 juillet 2014, ce dont il résultait au contraire que le contrat de bail n'avait en réalité par été rompu à la date de la cession du fonds de commerce ordonnée par l'ordonnance du 14 mai 2014, la cour d'appel a dénaturé, par omission, ladite lettre de rupture du contrat de bail et ainsi méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que la vente d'un fonds de commerce à l'exclusion du bail, élément pourtant fondamental du fonds de commerce, ordonnée par le liquidateur judiciaire est de nature à porter préjudice au bailleur, lequel doit conséquence être regardé comme ayant un intérêt à agir lorsqu'il exerce un recours contre une telle décision ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en retenant, pour dénier tout intérêt à agir au bailleur et aux autres exploitants du centre commercial où se situait l'officine de pharmacie placée en liquidation judiciaire et dont avait été cédé le fonds de commerce à l'exclusion du droit au bail, que l'impossibilité résultant de cette cession, compte tenu du numerus clausus applicable en matière d'officine de pharmacie, de consentir un nouveau bail en pharmacie pourtant de nature à attraire une clientèle dans le tout le centre commercial, ne leur conférait aucun droit sur la procédure collective, cependant qu'en l'état du préjudice généré par la vente du fonds de commerce à l'exclusion du droit du bail, ceux-ci devaient au contraire être regardés comme ayant un intérêt légitime à agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le liquidateur avait usé de sa faculté de résilier le bail en en informant le bailleur, l'arrêt retient que ce dernier et les autres exploitants du centre commercial, qui invoquent le préjudice résultant pour eux de la perte de clientèle par suite de l'impossibilité de l'installation d'une nouvelle pharmacie, compte tenu de la réglementation en matière de santé publique, n'invoquent aucun droit sur la procédure collective ; que par ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le bailleur et les exploitants ne soutenaient aucune prétention recevable contre le liquidateur ou le cessionnaire du fonds de commerce, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de déclarer leur appel irrecevable ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et est inopérant en sa deuxième branche, est mal fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le bailleur et les exploitants font grief à l'arrêt de leur condamnation pour recours abusif alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera la censure par voie de conséquence du chef condamnant les appelants au titre du caractère supposément abusif de la procédure, conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus du droit d'agir en justice ; qu'en condamnant les appelants pour procédure abusive, sans rechercher si, en l'absence de tout texte leur fermant expressément la possibilité d'exercer un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire et en l'état du préjudice que leur causait une telle décision, ceux-ci n'avaient pas pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que le rejet du premier moyen rend sans objet le grief de la première branche ;

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève le caractère téméraire du recours du bailleur et des coexploitants qui, se contentant d'élever une prétention étrangère aux faits de la cause au seul motif de la moindre fréquentation du centre commercial qu'elles redoutent, réclament, au mépris de l'intérêt de la procédure collective, la remise en cause de la cession du fonds et la condamnation du cessionnaire à des dommages-intérêts sans lui reprocher aucune faute ; qu'ayant ainsi souverainement apprécié, par une décision motivée, la mauvaise foi des appelants, la cour d'appel a pu en déduire que leur demande était abusive ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Condamne les sociétés Le Belvédère, Sushi Kyoto, AAD Phénix pressing, Auto moto centre de formation routière, Europassion, Minimarché Essonne, la société Coopérative moderne de construction, Mmes Z..., A... B..., C... et MM. G..., H...et I...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Gauthier-Sohm, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Pharmacie Sylvie Legrand, et à la société Brenon & Riso la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.


Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour les sociétés Le Belvédère, Sushi Kyoto, AAD Phénix pressing, Auto moto centre de formation routière, Europassion, Minimarché Essonne, la société Coopérative moderne de construction, Mmes Z..., A... B..., C... et MM. G..., H...et I....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré les sociétés appelantes irrecevables en leur appel ;

AUX MOTIFS QUE par application des dispositions de l'article 546 du code de procédure civile, pris ensemble les articles R. 642-36 et R. 642-376-2 du code de commerce, les décisions prises par le juge-commissaire en matière de cession d'actifs de gré à gré, qui relèvent de la matière gracieuse, sont susceptibles d'appel par les tiers auxquels la décision est notifiée ; qu'il est constant en l'espèce que la décision critiquée n'a pas été notifiée au bailleur, ni aux exploitants des fonds voisins du fonds cédé ; que c'est vainement que le bailleur se prévaut de l'absence de notification de l'ordonnance concernée pour soutenir que le délai d'appel n'aurait pas couru à son égard, alors que le moyen qui lui est opposé ne tient pas à la tardiveté de son appel mais à son irrecevabilité, faute de qualité et d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile ; qu'or, sur ce point, il résulte des articles L. 641-11-1 et L. 641-12 du code de commerce que le liquidateur judiciaire décide « seul » de la poursuite du droit au bail et que la résiliation intervient au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail, de sorte que le bailleur est dépourvu d'intérêt à s'opposer à une cession de gré à gré qui ne portait que sur le fonds de commerce à l'exclusion du droit au bail, lequel a été résilié ; que le moyen tiré de ce que la cession de clientèle à une société qui exploite un fonds de commerce de pharmacie dans la même commune le privait de toute possibilité de consentir un nouveau bail à une pharmacie, compte tenu de la réglementation en matière de santé publique, ne lui confère aucun droit sur la procédure-collective, le moyen tiré de ce que cession intervenue serait fictive, alors que la cession de clientèle a été autorisée au prix de 350. 000 euros, étant pour sa part inopérant ; qu'il sera relevé enfin qu'il n'est pas soutenu que l'intérêt de la procédure collective aurait été méconnu, le fonds de pharmacie ayant été cédé au prix de 350. 000 euros sur la seule offre reçue par le liquidateur judiciaire, aucun excès de pouvoir du juge-commissaire n'étant allégué à cet égard ; que le bailleur est dès lors irrecevable en son appel ; qu'il en est de même des sociétés exploitant un fonds de commerce voisin dans le centre commercial, qui sont dépourvues d'intérêt à agir, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, et n'élèvent de prétention qu'étrangère aux faits de la cause en poursuivant, à l'occasion de la présente instance, la condamnation de la société cessionnaire, à laquelle aucune faute n'est reprochée, au motif de la moindre fréquentation du centre commercial qu'elles redoutent ; que le caractère téméraire de la procédure engagée dans de telles conditions, au mépris de l'intérêt de la procédure collective, caractérise l'abus de droit et les sociétés appelantes seront condamnées in solidum à payer la somme de 1. 500 euros à la Selarl Gautier-Sohm, ès qualités et un euro à la société Brénon et Riso, à titre de dommages-intérêts de ce chef (arrêt, pp. 5 et 6) ;

1°) ALORS, D'UNE PART, QUE l'action en contestation d'une décision du juge-commissaire ordonnant la cession des éléments incorporels d'un fonds de commerce n'est pas une action attitrée ; qu'en retenant au contraire qu'une telle action serait réservée aux seules personnes auxquelles une telle décision aurait été notifiée, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se fondant, pour dire que la société Le Belvédère, bailleur, n'aurait pas eu d'intérêt à agir, sur la considération que le contrat de bail qu'elle avait conclu avec le preneur aurait été rompu à la date de la cession du fonds de commerce ordonnée par l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 14 mai 2014, cependant que la lettre de rupture dudit contrat de bail adressée par l'organe de la procédure au bailleur et produite aux débats par ce dernier (production) était datée du 18 juillet 2014, ce dont il résultait au contraire que le contrat de bail n'avait en réalité par été rompu à la date de la cession du fonds de commerce ordonnée par l'ordonnance du 14 mai 2014, la cour d'appel a dénaturé, par omission, ladite lettre de rupture du contrat de bail et ainsi méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°) ALORS, DE PLUS, QUE la vente d'un fonds de commerce à l'exclusion du bail, élément pourtant fondamental du fonds de commerce, ordonnée par le liquidateur judiciaire est de nature à porter préjudice au bailleur, lequel doit conséquence être regardé comme ayant un intérêt à agir lorsqu'il exerce un recours contre une telle décision ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, ENFIN, QU'en retenant, pour dénier tout intérêt à agir au bailleur et aux autres exploitants du centre commercial où se situait l'officine de pharmacie placée en liquidation judiciaire et dont avait été cédé le fonds de commerce à l'exclusion du droit au bail, que l'impossibilité résultant de cette cession, compte tenu du numerus clausus applicable en matière d'officine de pharmacie, de consentir un nouveau bail en pharmacie pourtant de nature à attraire une clientèle dans le tout le centre commercial, ne leur conférait aucun droit sur la procédure collective, cependant qu'en l'état du préjudice généré par la vente du fonds de commerce à l'exclusion du droit du bail, ceux-ci devaient au contraire être regardés comme ayant un intérêt légitime à agir en justice, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum les sociétés Le Belvédère, XL-Piazza, AAD Phenix, AMCFR, CMC, Elisete Fleurs, Europassion, Esdvelet, Minimarché, Oulahj, Privilège et Sushi Kyoto à payer la somme de 1. 500 euros à la Selarl Gauthier-Sohm, ès qualités, et un euro à la société Brenon Riso à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE par application des dispositions de l'article 546 du code de procédure civile, pris ensemble les articles R 642-36 et R. 642-376-2 du code de commerce, les décisions prises par le juge-commissaire en matière de cession d'actifs de gré à gré, qui relèvent de la matière gracieuse, sont susceptibles d'appel par les tiers auxquels la décision est notifiée ; qu'il est constant en l'espèce que la décision critiquée n'a pas été notifiée au bailleur, ni aux exploitants des fonds voisins du fonds cédé ; que c'est vainement que le bailleur se prévaut de l'absence de notification de l'ordonnance concernée pour soutenir que le délai d'appel n'aurait pas couru à son égard, alors que le moyen qui lui est opposé ne tient pas à la tardiveté de son appel mais à son irrecevabilité, faute de qualité et d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile ; qu'or, sur ce point, il résulte des articles L. 641-11-1 et L. 641-12 du code de commerce que le liquidateur judiciaire décide « seul » de la poursuite du droit au bail et que la résiliation intervient au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail, de sorte que le bailleur est dépourvu d'intérêt à s'opposer à une cession de gré à gré qui ne portait que sur le fonds de commerce à l'exclusion du droit au bail, lequel a été résilié ; que le moyen tiré de ce que la cession de clientèle à une société qui exploite un fonds de commerce de pharmacie dans la même commune le privait de toute possibilité de consentir un nouveau bail à une pharmacie, compte tenu de la réglementation en matière de santé publique, ne lui confère aucun droit sur la procédure-collective, le moyen tiré de ce que cession intervenue serait fictive, alors que la cession de clientèle a été autorisée au prix de 350. 000 euros, étant pour sa part inopérant ; qu'il sera relevé enfin qu'il n'est pas soutenu que l'intérêt de la procédure collective aurait été méconnu, le fonds de pharmacie ayant été cédé au prix de 350. 000 euros sur la seule offre reçue par le liquidateur judiciaire, aucun excès de pouvoir du juge-commissaire n'étant allégué à cet égard ; que le bailleur est dès lors irrecevable en son appel ; qu'il en est de même des sociétés exploitant un fonds de commerce voisin dans le centre commercial, qui sont dépourvues d'intérêt à agir, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, et n'élèvent de prétention qu'étrangère aux faits de la cause en poursuivant, à l'occasion de la présente instance, la condamnation de la société cessionnaire, à laquelle aucune faute n'est reprochée, au motif de la moindre fréquentation du centre commercial qu'elles redoutent ; que le caractère téméraire de la procédure engagée dans de telles conditions, au mépris de l'intérêt de la procédure collective, caractérise l'abus de droit et les sociétés appelantes seront condamnées in solidum à payer la somme de 1. 500 euros à la Selarl Gautier-Sohm, ès qualités et un euro à la société Brénon et Riso, à titre de dommages-intérêts de ce chef (arrêt, pp. 5 et 6) ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera la censure par voie de conséquence du chef condamnant les appelants au titre du caractère supposément abusif de la procédure, conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;


ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus du droit d'agir en justice ; qu'en condamnant les appelants pour procédure abusive, sans rechercher si, en l'absence de tout texte leur fermant expressément la possibilité d'exercer un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire et en l'état du préjudice que leur causait une telle décision, ceux-ci n'avaient pas pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 32-1 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Gré à gré


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.