par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 1er mars 2017, 14-22269
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Cour de cassation, chambre sociale
1er mars 2017, 14-22.269

Cette décision est visée dans la définition :
Statut collectif du travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 2262-1, L. 2262-4 et L. 2261-7 du code du travail, ensemble l'accord d'entreprise sur les astreintes à domicile et les gardes du 16 avril 2007 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Corning (la société) a signé le 16 avril 2007 un accord d'entreprise afin d'organiser les astreintes à domicile et les gardes ; qu'envisageant de modifier cette organisation, la société a réuni les syndicats en vue d'établir un avenant auquel s'est opposé le syndicat CGT Corning ; que, reprochant à l'employeur une modification unilatérale de l'organisation des astreintes et des gardes, ce syndicat a saisi la juridiction civile afin d'obtenir en particulier le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de l'accord d'entreprise ;

Attendu que pour débouter le syndicat de sa demande et dire que la société n'avait pas modifié l'accord d'entreprise du 16 avril 2007 en décidant seule de la modification de l'organisation des astreintes à domicile et des gardes au sein des services fusion et formage, l'arrêt retient que cet accord prévoit, d'une part que l'organisation des astreintes et des gardes dépend de l'activité en elle-même et que si l'activité devait changer, la direction et les organisations syndicales convenaient de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et pour établir « si possible » un avenant à l'accord tout en prévoyant que la direction se réservait le droit d'intégrer de nouveaux services si l'activité devait l'exiger, d'autre part que l'organisation des astreintes et des gardes relevait des « prérogatives de l'employeur » et pouvait « varier selon le service et la période » ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'accord d'entreprise, qui, conformément à l'article L. 3121-7 du code du travail en sa rédaction alors applicable, fixe les compensations financières ou sous forme de repos, prévoit expressément qu'il pourra être révisé conformément aux dispositions légales et dispose que l'organisation d'astreintes et de gardes dépend de l'activité en elle-même et que si l'activité devait changer et modifiait le système en vigueur, la direction et les organisations syndicales conviennent de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et établir, si possible, un avenant au présent accord, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Corning aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Corning et condamne celle-ci à payer au syndicat CGT Corning la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat CGT Corning

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris qui avait condamné la SAS CORNING à payer l'exposant certaines sommes à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de l'accord du 16 avril 2007 et d'avoir débouté le syndicat CGT CORNING de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « Considérant qu'il résulte des écritures de la SAS CORNING, non contestées sur ce point par le syndicat CGT, que celle-ci a réduit les contraintes imposées aux salariés en matière d'astreinte à domicile et de garde, en supprimant la garde au profit d'une astreinte à domicile dans le service formage, et en supprimant l'astreinte à domicile en ne conservant qu'une personne de garde dans le service fusion ; Considérant que l'accord d'entreprise du 16 avril 2007, relatif aux astreintes à domicile et aux gardes, prévoyait : - dans sa partie intitulée « Principes » que l'organisation d'astreintes et de gardes dépendait de l'activité en elle-même et que si l'activité devait changer la direction et les organisations syndicales convenaient de se rencontrer pour définir les nouvelles modalités et pour établir « si possible » un avenant à l'accord, - dans son chapitre 1 intitulé « champ d'application » que la direction se réservait le droit d'intégrer de nouveaux services si l'activité devait - l'exiger et que, dans ce cas, elle en informerait le comité d'établissement dans le cadre des prérogatives du comité d'entreprise en matière de consultation sur de nouvelles organisations, -dans son chapitre 2 intitulé « organisation des astreintes et gardes » que : -l'organisation des astreintes et des gardes relevait des « prérogatives de l'employeur » et pouvait « varier selon le service et la période », - le service formage était soumis à un système de garde les weekends et jours fériés, - le service fusion était soumis à un système d'astreinte et de garde les weekends et jours fériés ; Qu'ainsi, cet accord : - rappelait, expressément, que l'organisation des astreintes et des gardes relevait des « prérogatives de l'employeur » et pouvait « varier selon le service et la période », - ne rendait pas obligatoire la signature d'un avenant si de nouvelles modalités devaient être mises en oeuvre au sein de l'entreprise, - ne prévoyait même aucune obligation pour l'employeur d'informer le comité d'établissement, dans le cadre des prérogatives du comité d'entreprise en matière de consultation sur de nouvelles organisations, dans l'hypothèse où il déciderait d'exclure des services du système des astreintes et des gardes ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS CORNING n'a pas violé l'accord d'entreprise du 16 avril 2007, en décidant seule, de la modification de l'organisation des astreintes à domicile et des gardes au sein des deux services fusion et formage ; Qu'il y a lieu de débouter le syndicat CGT CORNING de l'ensemble de ses demandes et d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions » ;

ALORS QU'en principe, les astreintes sont mises en places par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu ; que c'est n'est qu'à défaut d'un tel accord, que les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu peuvent être fixées unilatéralement par l'employeur ; qu'en l'espèce, l'accord collectif d'entreprise du 16 avril 2007 fixe, en son chapitre 2, l'organisation des astreintes ou des gardes service par service, prévoyant notamment pour le service formage un système de garde les week-ends et jours fériés et pour le service fusion, un système d'astreinte et de garde les week-ends et jours fériés ; qu'en conséquence, l'employeur, lié par cet accord collectif, ne pouvait en compromettre l'exécution loyale en modifiant unilatéralement le système mis en place par ledit accord ; qu'en décidant néanmoins que la société CORNING n'avait pas violé l'accord d'entreprise du 16 avril 2007 en décidant seule de la modification de l'organisation des astreintes à domicile et des gardes au sein des deux services susvisés, la Cour d'appel a violé l'accord d'entreprise du 16 avril 2007 ensemble les articles L. 3121-7 et L. 2262-1 et L. 2262-4 du Code du travail ;

ALORS, en outre, QUE l'application d'un accord collectif de travail est obligatoire pour tous ses signataires et que seul un avenant de révision peut en modifier les termes ; que c'est ce que prévoit en l'espèce l'accord collectif d'entreprise du 16 avril 2007 sur les astreintes à domicile et les gardes lorsqu'il stipule qu'en cas de changement de l'activité modifiant le système d'astreintes et de gardes mis en place par l'accord, la direction et les organisations syndicales se rencontrent pour définir les nouvelles modalités et établir, si possible, un avenant à l'accord ; qu'en décidant, notamment au vu des stipulations susmentionnées, que cet accord ne rendait pas obligatoire la signature d'un avenant si de nouvelles modalités de gardes et d'astreintes devaient être mises en oeuvre au sein de l'entreprise et qu'en conséquence, la société CORNING n'avait pas violé l'accord en décidant seule de la modification de l'organisation des astreintes à domicile et des gardes au sein des deux services susvisés, la Cour d'appel a violé ledit accord ensemble les articles L. 2262-1, L. 2261-7 et L. 2261-8 du Code du travail ;

ALORS encore QU'un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions légales revêtant un caractère d'ordre public ; que tel est le cas de l'article L. 2262-1 du Code du travail qui dispose que l'application des conventions et accords collectifs est obligatoire pour tous les signataires ; qu'un accord collectif ne peut donc valablement prévoir qu'il pourra être modifié unilatéralement par l'une des parties signataires ; qu'en conséquence, en l'espèce, les stipulations de l'accord collectif du 16 avril 2007 prévoyant que « l'organisation des astreintes et des gardes relève des prérogatives de l'employeur » ne peuvent être interprétées comme autorisant l'employeur à modifier unilatéralement l'organisation des astreintes à domicile et des gardes telle que prévue par l'accord du 16 avril 2007 puisque, entendues ainsi, ces stipulations seraient nulles ; qu'en retenant néanmoins une telle interprétation pour considérer, notamment au visa de ces stipulations, que la société CORNING avait pu décider seule de la modification de l'organisation des astreintes à domicile et des gardes au sein de ces services, la Cour d'appel a violé ledit accord collectif ensemble les articles L. 2251-1 et L. 2262-1 du code du travail et l'article 1157 du code civil ;


ALORS enfin QUE les conventions et accords frappés d'opposition majoritaires sont réputés non écrits ; qu'en conséquence, l'employeur ne peut faire application d'un tel accord ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les modifications opérées par l'employeur consistaient à supprimer la garde au profit d'une astreinte à domicile pour le service formage et à supprimer l'astreinte à domicile en ne conservant qu'une personne de garde pour le service fusion ; que les modifications apportées par l'employeur à l'organisation des astreintes et gardes étaient précisément celles prévues par l'accord collectif du 29 janvier 2010 frappé d'opposition par le syndicat CGT CORNING le 8 février 2010 ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences de ses constatations dont il s'évinçait que la société CORNING avait fait application d'un accord collectif frappé d'opposition, la cour d'appel a violé l'article L. 2231-9 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Statut collectif du travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.