par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 28 février 2017, 16-80457
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre commerciale
28 février 2017, 16-80.457

Cette décision est visée dans la définition :
Convention de Portage




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Farid X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 1er octobre 2015, qui, pour travail dissimulé, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, deux ans de privation des droits civiques civils et de famille et cinq ans d'interdiction professionnelle ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure, qu'à l'occasion d'une perquisition menée dans les locaux d'une société en exécution d'une réquisition du procureur de la République délivrée sur le fondement de l'article 78-2-1 du code de procédure pénale, les enquêteurs ont découvert, dans un bureau mis à la disposition de M. Farid X..., des pièces et éléments de comptabilité concernant plusieurs sociétés ; que l'intéressé, n'ayant déposé aucune déclaration pour l'exercice de l'activité de comptable et ayant été radié en 1998 du registre des travailleurs indépendants, une enquête a été ouverte du chef d'exécution d'un travail dissimulé par dissimulation d'activité ; qu'à l'issue de celle-ci, M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de ce chef ; que les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce délit ; que le prévenu, de même que le ministère public ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8221-6, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, 410, 427, 460, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré M. X... coupable de travail dissimulé, a statué par arrêt contradictoire à signifier ;

" alors que pour statuer contradictoirement à l'égard d'un prévenu qui ne comparaît et n'est pas représenté, la juridiction de jugement doit constater que l'intéressé n'a pas fourni d'excuse ou s'assurer de ce que l'excuse invoquée n'était pas valable au sens de l'article 410 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, pour statuer à l'égard de M. X... par arrêt contradictoire à signifier, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. X..., bien qu'appelant et cité à personne le 2 juin 2015, n'a pas comparu et s'est contenté d'envoyer à la cour les mêmes conclusions qu'en première instance ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le prévenu avait ou non fourni une excuse et, dans l'affirmative, si cette excuse était ou non valable, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que, pour statuer par arrêt contradictoire à signifier, l'arrêt énonce que le prévenu a été régulièrement cité à personne, qu'il n'a pas comparu et qu'il n'a été ni excusé, ni représenté, s'étant borné à adresser à la cour d'appel des conclusions identiques à celles qu'il avait déposées devant les premiers juges ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il résulte des pièces de procédure que, régulièrement cité, M. X..., non comparant, n'a présenté aucune excuse aux fins de renvoi de l'affaire en raison d'un empêchement, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8221-6, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, 121-1 et 121-3 du code pénal, 427, 460, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de travail dissimulé et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et à cinq ans d'interdiction de toute activité comptable ainsi qu'à l'interdiction des droits civiques pendant deux ans ;

" aux motifs propres que, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a justifié sa décision sur la culpabilité de M. X... ; qu'il résulte des constatations des enquêteurs ainsi que des pièces saisies, et des déclarations confuses du prévenu que ce dernier a tenu la comptabilité de nombreuses entreprises, qu'il a été rémunéré par ces entreprises, selon un tarif forfaitaire, entre 100 et 150 euros selon le prévenu, et qu'à chaque fois aucune déclaration sociale ou fiscale n'a été effectuée, ces revenus étant ainsi systématiquement dissimulés et échappant au versement des prélèvements sociaux ou fiscaux ; que le caractère systématique de ces agissements, le fait que le prévenu disposait d'un local unique spécialement affecté à son activité, où ont été retrouvés tous les dossiers des diverses entreprises dont il tenait la comptabilité, les paiements parfois partiels ou non réguliers qu'il percevait, et l'absence de toute trace de contrat de travail le concernant, prouvent que M. X... exerçait la profession de comptable de manière dissimulée ; que le jugement sera donc confirmé sur la culpabilité ;

" et aux motifs, adoptés des premiers juges, que contrairement à ce que soutient le prévenu, il n'est aucunement établi que les tâches de comptabilité qu'il reconnaît avoir effectuées, sans avoir préalablement effectué de déclaration fiscale ou sociale, l'auraient été dans le cadre du dispositif légal de portage salarial, tel que défini par l'article L. 1251-64 du code du travail ; qu'en effet, aux termes de ce texte, le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage, il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle ; qu'il s'ensuit que loin d'être présumée ou de pouvoir être simplement alléguée, la mise en place d'un tel dispositif nécessite la signature des dispositions conventionnelles dont la preuve de l'existence n'est nullement rapportée en l'espèce ; que si tel avait été le cas, M. X... n'aurait pas tenté, ainsi qu'il l'a fait, de régulariser sa situation, postérieurement à la découverte d'éléments matériels pouvant faire soupçonner l'existence d'un travail dissimulé ; qu'il s'ensuit que les faits sont ainsi caractérisés à la charge du prévenu, dans l'ensemble de leurs éléments constitutifs, matériels et intentionnel, et qu'il convient, dès lors, de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation à son encontre ;

" 1°) alors que le demandeur avait fait valoir et offert de rapporter la preuve, par la production de plusieurs déclarations unique d'embauche, effectuées, antérieurement à la date des faits visés à la prévention, par plusieurs sociétés et de nombreux bulletins de salaire, qu'il exerçait effectivement son activité de comptable, au profit de ces différentes sociétés, en qualité de salarié vacataire, ce qui excluait toute infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité ; qu'en se bornant à relever, par motifs adoptés, que contrairement à ce que soutient le prévenu il n'est aucunement établi que les tâches de comptabilité qu'il reconnaît avoir effectuées, sans avoir préalablement effectué de déclaration fiscale ou sociale, l'auraient été dans le cadre du dispositif légal de portage salarial dès lors qu'un tel dispositif nécessite la signature de dispositions conventionnelles dont la preuve de l'existence n'est nullement rapportée, et par motifs propres que le demandeur avait tenu la comptabilité de « nombreuses entreprises » sans avoir effectué aucune déclaration fiscale ou sociale s'agissant des revenus perçus lesquels étaient ainsi systématiquement dissimulés, sans nullement rechercher ni apprécier, au regard notamment des différentes déclaration unique d'embauche versées aux débats par le demandeur, qu'elle n'a pas analysées ni même visées, si n'était pas rapportée la preuve de l'exercice par le demandeur de son activité de comptable en qualité de salarié vacataire de ces sociétés, la chambre des appels correctionnels n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 2°) alors que, et en tout état de cause, le demandeur avait fait valoir et offert de rapporter la preuve, par la production de plusieurs déclarations unique d'embauche, effectuées, antérieurement à la date des faits visés à la prévention, par plusieurs sociétés et de nombreux bulletins de salaire, qu'il exerçait effectivement son activité de comptable, au profit de ces différentes sociétés, précisément désignées, en qualité de salarié vacataire, ce qui excluait toute infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité ; qu'en déclarant le demandeur coupable de travail dissimulé pour avoir tenu la comptabilité de « nombreuses entreprises » sans avoir effectué aucune déclaration fiscale ou sociale s'agissant des revenus perçus lesquels étaient ainsi systématiquement dissimulés, la chambre des appels correctionnels qui n'a nullement précisé l'identité et le nombre des « nombreuses entreprises » pour lesquelles le demandeur aurait travaillé, n'a pas suffisamment exposé et caractérisé les faits dont elle a reconnu le demandeur coupable au titre du travail dissimulé et n'a pas légalement justifié sa décision ;

" 3°) alors que, et en tout état de cause, qu'en déclarant le demandeur coupable de travail dissimulé pour avoir tenu la comptabilité de « nombreuses entreprises » sans avoir effectué aucune déclaration fiscale ou sociale s'agissant des revenus perçus lesquels étaient ainsi systématiquement dissimulés, la chambre des appels correctionnels a délaissé le moyen dont elle était saisie, aux termes duquel le demandeur avait fait valoir et démontré par la production de la lettre de l'administration fiscale du 1er octobre 2014 qu'une procédure de vérification de comptabilité portant sur les exercices 2011, 2012 et 2013 avait conclut à l'absence de rectification ce dont il ressortait que l'ensemble de ses revenus avaient été régulièrement déclarés pour cette période correspondant à celle de la prévention ;

" 4°) alors que le caractère intentionnel de l'absence de déclaration préalable à l'embauche, élément constitutif du délit de travail dissimulé, ne saurait se déduire de l'absence de justification de ce manquement ; qu'en l'espèce, pour déclarer le demandeur coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres et adoptés des premiers juges, que les prestations accomplies par le prévenu n'ont donné lieu à aucune déclaration sociale ou fiscale, et que l'intéressé ne démontre pas avoir exercé son activité dans le cadre d'un portage salarial, tel qu'il est prévu à l'article L. 12651-64 du code du travail ; qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne sont pas de nature à établir le caractère volontaire de l'absence d'immatriculation du prévenu au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;

Attendu que, pour confirmer le jugement déféré, l'arrêt retient, qu'il résulte des constatations des enquêteurs, des pièces saisies, ainsi que des déclarations du prévenu que ce dernier a effectué la comptabilité de nombreuses entreprises et était rémunéré à cet effet selon un tarif forfaitaire ; que les juges ajoutent que l'intéressé n'a procédé à aucune déclaration sociale ou fiscale préalable ; que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a écarté l'existence d'un recours au dispositif de portage salarial, défini par l'article L. 1251-64 du code du travail, alors en vigueur, et mis en avant par le prévenu pour justifier ses activités sans déclarations préalables ; qu'elle en a déduit que M. X... a exercé la profession de comptable de manière dissimulée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui, sans excéder l'étendue de sa saisine, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, sans être tenue de suivre le prévenu dans le détail de son argumentation et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de travail dissimulé dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8224-1, L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8221-6, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, 121-1, 121-3 et 132-29 du code pénal, 427, 460, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré M. X... coupable de travail dissimulé, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;

" alors qu'en vertu de l'article 132-29 du code pénal, lorsque la juridiction ordonne qu'il sera sursis à l'exécution de la peine prononcée, le président avertit le condamné, lorsqu'il est présent, des conséquences qu'entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commis dans les délais prévus par les articles 132-35 et 132-37 du code pénal ; que, dès lors, en relevant que l'avertissement prévu par l'article 132-29 avait été donné au condamné, tout en énonçant par ailleurs que le prévenu n'était ni comparant ni représenté, ce dont il résulte qu'en réalité l'avertissement susvisé n'avait pu lui être donné, la cour d'appel, qui se détermine par des motifs contradictoires, a violé l'article 593 du code de procédure pénale " ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief des apparentes contradictions figurant dans le dispositif de l'arrêt, dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que les mentions critiquées procèdent d'une pure erreur matérielle et que la cour d'appel, ayant statué par arrêt contradictoire à signifier à l'égard de M. X..., n'a pu donner l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal après avoir condamné l'intéressé à une peine assortie du sursis ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit février deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.



site réalisé avec
Baumann Avocat Contentieux informatique

Cette décision est visée dans la définition :
Convention de Portage


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.