par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 7 décembre 2016, 15-28990
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
7 décembre 2016, 15-28.990

Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y... ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que, pour limiter le montant de la prestation compensatoire allouée à Mme X..., l'arrêt retient l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux en relevant, notamment, que l'allocation compensatrice tierce personne allouée à un enfant majeur du couple en raison de sa dépendance est destinée à l'aider à assumer les frais occasionnés pour cette assistance, et qu'ainsi, Mme X... se trouve rémunérée pour l'aide qu'elle apporte à sa fille ; qu'il en déduit que cette allocation doit être prise en considération au titre des ressources de l'épouse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette allocation, destinée à couvrir les besoins de l'enfant afin de pallier son défaut d'autonomie, ne constituait pas une source de revenus pour la mère, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 119 334 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. Y... à Mme X... et en ce qu'il ordonne l'exécution de la prestation compensatoire sous les modalités suivantes : la constitution au bénéfice de Mme X... d'un droit d'usage et d'habitation temporaire d'une durée de quinze ans à compter du prononcé de cet arrêt sur l'immeuble sis ..., et le paiement par M. Y... à Mme X... d'une rente viagère indexée de 400 euros par mois, l'arrêt rendu le 23 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X... à payer à M. Y... la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE l'indemnisation sollicitée par M. Y... ne peut avoir pour fondement que les dispositions de l'article 1382 du code civil, celles de l'article 266 étant inapplicables en l'espèce ainsi que l'a justement relevé le juge aux affaires familiales ; que pour le surplus, si Monsieur Y... ne rapporte la preuve ni des infidélités de son épouse, ni du harcèlement téléphonique dont il affirme avoir été l'objet de la part de celle-ci, ni de son éviction du domicile conjugal, il démontre en revanche que Mme X... a usé de sa qualité de femme mariée pour obtenir des renseignements dont seul M. Y... pouvait avoir connaissance auprès du NCT Chèques Vacances Réclamation et a fait transformer le compte joint sur lequel était viré les pensions de M. Y... en compte ouvert à son seul nom ; que ces manoeuvres déloyales ont incontestablement causé un préjudice à M. Y... et justifient la condamnation de Mme X... au paiement d'une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut modifier les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les écritures des parties ; que la cour d'appel a retenu, pour condamner Mme X... au paiement de la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts, le fait que « Madame X... a usé de sa qualité de femme mariée pour obtenir des renseignements dont seul M. Y... pouvait avoir connaissance auprès du NCT Chèques Vacances Réclamation et a fait transformer le compte joint sur lequel étaient virées les pensions de M. Y... en compte ouvert à son seul nom », quand M. Y... n'avait pas invoqué ces faits dans ses écritures d'appel à l'appui de sa demande de dommages et intérêts ; que partant, la cour d'appel a modifié les limites du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut modifier les limites du litige telles qu'elles sont fixées par les écritures des parties ; que M. Y... avait soutenu dans ses écritures, à l'appui de sa demande tendant à ce que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de son épouse, que « la retraite de Monsieur Y... était versée sur le compte commun que pouvait utiliser Madame X... qui n'a pas hésité à retirer la somme de 2.000 € le 10 janvier 2012 » ; qu'en affirmant que l'exposante aurait « fait transformer le compte joint sur lequel étaient virées les pensions de M. Y... en compte ouvert à son seul nom », la cour a modifié les limites du litige et violé les articles 4 et 5 code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR limité à la somme de 119 334 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. Y... à Mme X... et ordonné l'exécution de la prestation compensatoire par la constitution au bénéfice de Mme X... d'un droit d'usage et d'habitation temporaire limité à une durée de quinze années à compter du prononcé de l'arrêt, sur l'immeuble situé à Laneuville-devant-Nancy, et par le paiement par M. Y... à Mme X... d'une rente viagère indexée de 400 euros par mois ;

AUX MOTIFS QUE pour apprécier la nécessité d'une prestation compensatoire, le juge doit rechercher si la rupture du mariage crée une disparité dans les conditions de vie respectives des parties ; que cette prestation peut être refusée si l'équité le commande, soit en considération des critères prévu à l'article 271 du code civil, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de celui qui en demande le bénéfice, au regard des circonstances particulières de la rupture ; que cette prestation a pour but de compenser, autant que possible, cette disparité ; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce, soit à ce jour, et de l'évolution dans un avenir prévisible ; que pour la détermination des besoins et ressources, il convient de prendre en considération les éléments qui suivent ; que M. Y... est âgé de 70 ans pour être né le 9 août 1945 ; que bien qu'étant appelant des dispositions relatives à la prestation compensatoire, dont il conteste le principe, il n'a pas jugé utile de produire au débat des pièces actualisées justifiant de sa situation de ressources et charges, le document le plus récent étant l'avis d'imposition sur le revenu de 2010, alors que la cour statue en 2015 et doit se placer à cette date pour apprécier les situations respectives des parties, ni même une déclaration sur l'honneur pourtant exigée par les dispositions de l'article 272 alinéa premier du code civil et 1075-2 du code de procédure civile ; qu'il résulte des termes de l'ordonnance de non conciliation du 17 novembre 2011 que M. Y..., retraité, percevait des pensions de base et complémentaires pour un montant mensuel global de 2 391 €, était hébergé gracieusement par un tiers et exposait des charges mensuelles pour 371 € par mois ; que Mme X... pour sa part, est âgé de 67 ans pour être née le 4 novembre 1947 ; qu'elle est également retraitée et perçoit à ce titre une retraite du régime général (7 071 € en 2011), une retraite complémentaire de l'organisme Abelio (634 € en 2011) ; ce montant a été porté à 9 155 € en 2013, soit 763 euros par mois ; que les parties s'opposent sur la question de savoir si doivent être intégrées dans les revenus de Mme X... d'une part l'allocation compensatrice tierce personne et d'autre part la pension de 800 € dont le versement par Isabelle, enfant majeur handicapé du couple, a été autorisé par le juge des tutelles ; que l'allocation compensatrice tierce personne, d'un montant mensuel déclaré par Mme X... de 424 €, est une prestation allouée à Isabelle Y... en raison de sa dépendance et destinée à l'aider à assumer les frais occasionnés par l'emploi d'une tierce personne pour l'aider dans les actes du quotidien ; qu'ainsi, par ce biais ,Mme X... se trouve rémunérée pour l'aide qu'elle apporte à sa fille ou à tout le moins indemnisée du temps consacré à sa fille au détriment d'une autre activité ; que cette allocation doit, en conséquence, être prise en considération au titre des ressources de Mme X... ; que d'autre part, par ordonnance du 21 novembre 2009, le juge des tutelles a autorisé le virement mensuel sur le compte de son tuteur d'une somme de 800 € à prélever sur les comptes d'Isabelle Y... afin de contribuer à son hébergement, à son entretien et à ses dépenses courantes personnelles ; que ce montant a donc vocation à assurer les dépenses personnelles d'Isabelle Y... et ne doit pas, en conséquence, être retenu au titre des ressources de Mme X... ; que le revenu mensuel de Madame X... s'établit donc à 1 187 €, étant relevé que Madame X... ne percevra l'ACTP que tant qu'Isabelle vivra avec elle, situation qui aura vocation à être modifiée lorsque Madame X... n'aura plus la capacité physique de s'occuper de sa fille ; qu'en ce qui concerne les charges de Madame X..., celle-ci occupe l'immeuble commun ayant constitué le domicile conjugal, à titre onéreux depuis l'ordonnance de non-conciliation ; qu'outre les charges fixes incompressibles usuelles que Monsieur Y... ne supporte pas pour sa part, étant hébergé par des tiers, Madame X... met en compte un crédit souscrit en début d'année 2014 dont les mensualités s'élèvent à 148 € jusqu'en 2018 pour l'acquisition d'un véhicule Citroën C4, ce modèle apparaissant nécessaire pour pouvoir l'équiper d'un robot de chargement d'un fauteuil roulant ; que les parties se sont mariées le 17 juin 1967 et résident séparément depuis août 2011 ; que leur union a ainsi duré 48 ans, dont 44 ans de vie commune ; que les trois enfants issus de cet union sont majeurs; que néanmoins l'aînée, Isabelle née le 3 mars 1970, est lourdement handicapée depuis son plus jeune âge et prise en charge à titre exclusif par Madame X... depuis la séparation des parties ; qu'ainsi, en dehors des heures de fréquentation de l'ESAT, soit en semaine de 9 heures à 17 heures, et des quelques accueils provisoires, Isabelle, dont il n'est pas contesté qu'elle nécessite une assistance constante pour les actes du quotidien, est au domicile maternel et assistée par sa mère ; que cette situation a vocation à perdurer tant que Madame X... sera en mesure d'assumer physiquement cette charge ; que Monsieur Y... a eu une carrière professionnelle continue lui ayant permis de constituer les droits à la retraite qui sont les siens aujourd'hui ; que Madame X..., pour sa part, a cessé toute activité professionnelle en 1982 en raison, selon elle, des difficultés de santé que traversait Isabelle à cette période (plusieurs opérations) ; que compte tenu du handicap très lourd qui affecte cet enfant, et de la prise en charge importante assurée par Madame X... depuis de très nombreuses années, il ne peut être fait grief à celle-ci de n'avoir pas recherché, en outre, une activité professionnelle ; que ce choix, qui doit être considéré comme un choix du couple, a des conséquences indéniables et inéluctables au regard de l'âge avancé des parties, en matière de retraites, qui doivent être prises en compte au titre de la prestation compensatoire ; que les parties affirment que le patrimoine commun n'est constitué que de l'immeuble occupé par Madame X... et évalué en juillet 2013 entre 270 000 € et 280 000 € par une agence mandatée par Madame X... ; que Monsieur Y... conteste cette évaluation sans toutefois motiver cette contestation ou proposer une valeur, et encore moins justifier de cette valeur ; qu'il sera donc retenu pour cet immeuble une estimation de 275 000 € ; que les droits des parties sur ces biens apparaissent être égaux, sous réserve de l'indemnité d'occupation due par Madame X... à l'indivision post-communautaire au titre de l'emprunt immobilier qu'il a assumé seul ; que Monsieur Y... n'a, comme indiqué précédemment, pas produit l'attestation sur l'honneur est n'a fait état d'aucun patrimoine propre ; que Madame X... indique, dans sa déclaration sur l'honneur, au titre de son patrimoine propre, des valeurs mobilières pour un montant de près de 30 000 € qui apparaissent être en réalité des fonds communs dès lors que les livrets concernés apparaissent sur la synthèse bancaire réalisée le 30 juin 2011 par la Caisse d'Epargne et produite par Monsieur Y... en pièce n° 31 ; que Madame X... affirme par ailleurs avoir financé les travaux réalisés dans l'immeuble commun au moyen de fonds perçus par héritages, mais se garde bien de justifier desdites successions, alimentant de facto la suspicion de volonté d'occulter la réalité de son patrimoine ; que ces éléments mettent incontestablement en évidence une disparité telle que définie ci-avant et tenant essentiellement à la très importante différence de ressources des parties au détriment de l'épouse ; de l'ordre du simple au double, résultant de choix professionnels et familiaux opérés au cours du mariage, et qui n'a pas vocation à subir d'évolution notable au regard de l'âge de parties ; que le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a retenu le principe d'une prestation compensatoire au bénéfice de l'épouse ; qu'il sera en revanche infirmé du chef du quantum de la prestation compensatoire qui apparaît surévalué au regard des éléments ci-avant décrits, et ramené à 119 334 € ; que compte tenu de l'âge de Madame X..., qui obère toute perspective d'amélioration de sa situation financière au travers d'une activité rémunérée, et la situation très particulière de celle-ci qui accueille à son domicile l'enfant majeur handicapé du couple, il convient d'ordonner l'exécution de cette prestation compensatoire selon les modalités suivantes :
- par un droit d'usage et d'habitation temporaire, limité à 15 ans, de l'immeuble de communauté ; qu'en effet il apparaît que Madame X... ne sera pas en mesure de prendre en charge Isabelle sur une durée supérieure à 15 ans à compter de ce jour, et rien ne justifie de lui octroyer un droit réel sur l'immeuble des lors que sa volonté de se maintenir dans les lieux n'est motivée que par la présence de sa fille ; qu'au surplus, il est indispensable de permettre à moyen terme la liquidation de l'immeuble dès lors que les parties devront disposer de valeurs mobilières pour subvenir à leurs besoins en cas d'admission en établissements de soins ; qu'au regard de la valeur de l'immeuble arrêtée à 275 000 €, ce droit d'usage temporaire doit être évalué à 56 925 €, montant calculé par application des dispositions des articles 762 bis et 669 II du code général des impôts ;

- Par une rente viagère annexée de 400 € par mois, représentant un capital de 62 409 € ;

1°) ALORS QUE l a prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que l'indemnité compensatrice pour tierce personne est destinée à couvrir les besoins de l'enfant afin de pallier son défaut total d'autonomie et ne constitue pas une source de revenus pour la mère ; qu'en décidant le contraire, la cour a violé les articles 270 et 271 du code civil ;

2°) ALORS QUE le juge doit respecter le principe du contradictoire ; que la cour d'appel qui, pour limiter à quinze ans le droit d'usage et d'habitation accordé à l'exposante à titre de prestation compensatoire, a retenu d'office que Madame X... ne serait « pas en mesure de prendre en charge Isabelle sur une durée supérieure à 15 ans à compter de ce jour » et qu'il serait « indispensable de permettre à moyen terme la liquidation de l'immeuble dès lors que les parties devront disposer de valeurs mobilières pour subvenir à leurs besoins en cas d'admission en établissements de soins » sans provoquer les explications préalables des parties, a violé l'article 16 du code de procédure civile.


3°) ALORS QUE la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'en accordant à l'épouse un droit d'usage et d'habitation limité à quinze ans, au motif « qu'il apparaît que Mme X... ne sera pas en mesure de prendre en charge sa fille handicapée sur une durée supérieure à quinze ans à compter de ce jour », la cour a statué par un motif hypothétique et violé l'article 455 du code de procédure civile ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Prestation compensatoire


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.