par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 3 mai 2016, 14-25213
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Cour de cassation, chambre commerciale
3 mai 2016, 14-25.213

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Liquidation
Société commerciale




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon les arrêts attaqués, que la Société générale textile Balsan (la société débitrice) a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 24 octobre 2000 ; que, sur la proposition de M. Y..., désigné en qualité d'administrateur judiciaire, un plan de cession de l'entreprise a été arrêté le 10 janvier 2001 au profit de la société Associated Weavers International NV ; que M. X..., désigné par ordonnance du 25 octobre 2008 en qualité de liquidateur amiable de la société débitrice, a assigné le 21 janvier 2010 M. Y... en responsabilité civile, lequel a opposé à cette demande la nullité des actes de procédure accomplis par le liquidateur plus de trois ans après sa nomination ; que par le premier arrêt, du 20 février 2014, la cour d'appel a déclaré irrecevable le déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état et, par le second, du 12 juin 2014, elle a rejeté la demande d'annulation formée par M. Y... ;

Sur le premier moyen, en ce qu'il attaque l'arrêt du 20 février 2014 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, en ce qu'il attaque l'arrêt du 12 juin 2014 :

Vu l'article L. 237-21 du code de commerce ;

Attendu que, pour rejeter la demande de nullité des actes de procédure effectués au nom de la société débitrice après le 25 octobre 2011, l'arrêt retient que les statuts, auxquels se réfère l'ordonnance de désignation de M. X..., stipulent expressément que la durée du mandat du liquidateur amiable est celle de la liquidation, excluant ainsi l'application de l'article L. 237-21 du code de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le liquidateur, même désigné pour la durée de la liquidation, conformément aux statuts auxquels se réfère la décision de justice qui le nomme, ne peut, sauf renouvellement régulier, poursuivre son mandat au-delà de la durée de trois ans prévue par le texte susvisé, la cour d'appel a violé celui-ci ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 20 février 2014 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne la Société générale textile Balsan aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 20 février 2014 d'AVOIR déclaré irrecevable le déféré de l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 25 septembre 2013 ;

AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article 916 du Code de procédure civile telles qu'elles résultent du décret du 9 décembre 2009, applicable à compter du 1er janvier 2011, les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond, mais peuvent, toutefois, être déférées par simple requête à la Cour dans les quinze jours de leur date, lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps, lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, un incident mettant fin à l'instance, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celle-ci ou, enfin (décret du 28 décembre 2010) lorsqu'elles prononcent l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du Code de procédure civile ; qu'il en ressort un principe général d'absence de recours direct contre les ordonnances du conseiller chargé de la mise en état, la Cour étant ultérieurement saisie de la difficulté lors de l'examen au fond ; que le déféré constitue donc une exception de principe, strictement encadrée ; que de surcroît existe, dans l'esprit du texte, une corrélation patente entre l'ouverture du recours, la portée de la décision contestée et l'effet de cette dernière sur les suites définitives de la procédure ; que lorsqu'il est mis fin à l'instance par l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'examen de cette dernière ne peut évidemment plus être liée au fond ; qu'en effet, l'article 916 du Code de procédure civile énumère de façon limitative les ordonnances susceptibles de déféré ; qu'à côté des mesures provisoires prises en matière de divorce ou de séparation de corps, ou des décisions prononçant l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du Code de procédure civile, il s'agit, pour le surplus, des ordonnances mettant fin à l'instance d'une manière ou d'une autre ; que, par avis du 2 avril 2007, la Cour de cassation a considéré que l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare l'appel recevable n'est pas susceptible d'être déférée à la Cour d'appel, dès lors qu'elle ne met pas fin à l'instance ; que cet avis a, certes, été rendu au visa de l'article 914 du Code de procédure civile qui édictait que les ordonnances du conseiller de la mise en état peuvent être déférées « lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure ou un incident mettant fin à l'instance » ; que Me Y... fait valoir que la nouvelle rédaction issue du 9 décembre 2009, « lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, un incident mettant fin à l'instance », modifie profondément la règle de procédure, en ce que le déféré serait désormais ouvert contre toutes les décisions statuant sur une exception de procédure, mettant fin ou non à l'instance ; que cette interprétation strictement littérale, si elle peut se prévaloir d'une certaine logique grammaticale, en présupposant que cette dernière ait été pleinement consciente et préméditée, auquel cas elle aurait peut-être été plus explicite, reste contraire à l'esprit général du texte, tant dans sa rédaction antérieure que dans sa rédaction actuelle ; que l'énumération limitative de l'article 916 du Code de procédure civile commande une interprétation stricte des cas dérogatoires ; que l'ordonnance déférée rejette l'exception de procédure et ne met pas fin à l'instance ; qu'elle ne figure donc pas parmi les décisions susceptibles d'être déférées à la Cour, le seul recours possible devant être effectué en même temps que l'arrêt au fond ; qu'en conséquence, le recours exercé par Me Léon Y... sera déclaré irrecevable ;

ALORS QUE les ordonnances du conseiller de la mise en état qui statuent sur une exception de procédure peuvent être déférées à la Cour d'appel ; qu'en jugeant que l'ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 25 septembre 2013, dont elle constatait qu'elle avait statué sur une exception de procédure, n'était pas susceptible de déféré, la Cour d'appel a violé l'article 916 du Code de procédure civile.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt du 12 juin 2014 d'AVOIR écarté la demande de nullité des actes de procédure effectués au nom de la société Textiles Balsan après le 25 octobre 2011 ;

AUX MOTIFS QUE l'application de l'article L 237-21 du Code de commerce, texte supplétif (à défaut de clauses statutaires ou de convention expresse entre les parties, la liquidation de la société dissoute est effectuée conformément aux dispositions de la présente section : article L. 237-14 du même Code), la durée du mandat du liquidateur ne peut excéder trois ans, toutefois, son mandat peut être renouvelé par les associés ou par le président du Tribunal de commerce, selon que le liquidateur a été nommé par les associés ou par une décision de justice ; qu'il résulte des statuts de la SA SGT Balsan que :
« article 20 : Liquidation
Sous réserve du respect des prescriptions légales impératives en vigueur, la liquidation de la société obéira aux règles ci-après, observation faite que les articles 402 à 418 de la loi du 24 juillet 1966 sur les activités commerciales ne seront pas applicables ... Le mandat du liquidateur est, sauf stipulation contraire, donné pour toute la durée de la liquidation » ;

qu'ainsi, ces statuts ont expressément exclu l'application de l'article L. 237-21 du Code de commerce et que la durée du mandat du liquidateur amiable a été expressément prévue par ceux-ci, à savoir toute la durée de la liquidation ; que la jurisprudence invoquée par l'appelant est dénuée d'intérêt, d'une part, parce qu'elle est très ancienne, isolée, jamais confirmée ensuite, et que, d'autre part, elle a été prise au visa des articles 402 à 409 de la loi du 24 juillet 1966, textes supplétifs dont l'application a été expressément écartée par les statuts précités ; qu'ainsi, M. Vincent X... a été désigné le 25 octobre 2008 par le président du Tribunal de commerce de Châteauroux au visa de l'article 1844-8 du Code civil, qui dispose que « le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice » ; qu'en l'espèce, il n'est pas discuté que les associés n'ont pu procéder à cette désignation et qu'en conséquence, en application de l'article 20 des statuts de la SA SGT Balsan, le mandat de liquidateur donné à M. Vincent X... l'a été pour la durée de la liquidation, durée parfaitement précise, et était donc valide au moment de la constitution de Me Rahon, avocat postulant de la société intimée, le 4 octobre 2012, ainsi que des écritures de celle-ci les 29 janvier et 4 février 2013 ; qu'en conséquence, la demande de nullité des actes de procédure présentée par M. Léon Y... n'est pas fondée ;

1° ALORS QUE la durée du mandat du liquidateur amiable fixée par les statuts ou l'acte de désignation ne peut excéder trois ans ; qu'en se fondant sur les statuts de la société Textiles Balsan prévoyant une désignation « pour la durée de la liquidation », pour juger valables les actes effectués par son liquidateur amiable postérieurement à l'expiration du délai de trois ans à compter de sa désignation, la Cour d'appel a violé l'article L. 237-21 du Code de commerce.

2° ALORS QU'en toute hypothèse, la stipulation statutaire selon laquelle le liquidateur amiable est désigné « pour la durée de la liquidation » ne fixe pas valablement de durée ; qu'en se fondant sur les statuts de la société Textiles Balsan prévoyant une désignation « pour la durée de la liquidation », pour juger valables les actes effectués par son liquidateur amiable postérieurement à l'expiration du délai de trois ans à compter de sa désignation, quand, en l'absence de stipulation statutaire relative à la durée du mandat, la durée légale devait s'appliquer, la Cour d'appel a violé l'article L. 237-21 du Code de commerce.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt du 12 juin 2014 d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré recevable l'action en responsabilité exercée par M. Vincent X..., en qualité de liquidateur amiable de la société Textiles Balsan ;

AUX MOTIFS QUE M. Paul C... a rappelé à juste titre que le liquidateur a seul qualité pour représenter le débiteur cédé et qu'il convient de bien distinguer M. Vincent X..., qui représente la SA SGT Balsan en liquidation amiable et lui-même, qui représente les créanciers de cette société ; qu'ainsi, M. Vincent X... ès qualités est bien seul qualifié pour représenter les intérêts de la SA SGT Balsan et solliciter au nom de la société qu'il représente l'indemnisation des conséquences financières des fautes reprochées à l'appelant, s'agissant d'un préjudice personnel à cette société, à savoir la perte de l'outil de production et de l'entreprise ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'en application de l'article L. 237-24 du Code de commerce, le liquidateur représente la société et est investi des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l'actif, même à l'amiable ; que le liquidateur a la capacité d'ester en justice, même après la clôture de la liquidation ; qu'il s'ensuit que M. X... a qualité pour représenter devant cette juridiction la Société Générale Textiles Balsan et à demander réparation du préjudice qui aurait été subi par celle-ci ; qu'enfin les dispositions de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 selon lesquelles seul le commissaire à l'exécution du plan peut agir au nom et pour le compte des créanciers, sont invoquées à tort par Maître Y... puisque le préjudice dont il est demandé réparation n'est pas celui des créanciers, mais se trouve propre à la Société Générale Textiles Balsan ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par Maître Y... doit être rejetée ;

ALORS QUE le préjudice subi par une société dont le plan de continuation a été refusé et la cession ordonnée et qui consiste dans la perte des actifs et de la chance de générer des bénéfices n'est pas séparable de celui subi par l'ensemble des créanciers, de sorte que seul le commissaire à l'exécution du plan à qualité pour en demander réparation ; qu'en retenant en l'espèce que le préjudice invoqué par la société Textiles Balsan, par l'intermédiaire de son liquidateur amiable, qui consistait en la perte des actifs et de la chance de générer des bénéfices, constituait un préjudice qui lui était propre, la Cour d'appel a violé l'article 67 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt du 12 juin 2014 d'AVOIR jugé que M. Léon Y... avait commis des fautes dans l'exercice de sa mission ;

AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que, par jugement du 24 octobre 2000, le Tribunal de commerce de Châteauroux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SA Société Générale Textiles Balsan, a fixé la date de cessation des paiements au 24 octobre 2000 et a désigné M. Paul C... en qualité de représentant des créanciers et M. Léon Y... en qualité d'administrateur avec mission de « outre les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, d'assister la société débitrice pour tous les actes concernant la gestion en application de l'article du 25 janvier 1985 », fixant à six mois la durée de la période d'observation en vue d'établissement, par l'administrateur, d'un bilan économique et social et de propositions tendant à la continuation ou à la cession de l'entreprise ou à défaut à sa liquidation judiciaire ; que M. Y... a fixé au 22 décembre 2000 la date de dépôt des offres de reprise et déposé un rapport « article 21 », puis un bilan économique et social affirmant comme seule solution possible un plan de cession en faveur d'une société Associated Weawers International NV pour un prix de 22. 700. 000 F, au motif que la situation de la SA SGT Balsan était irrémédiablement compromise ; que, parallèlement, un plan de continuation avait été proposé par la société débitrice, qui faisait valoir qu'elle avait fait l'objet de saisie ayant bloqué l'intégralité de sa trésorerie disponible ainsi que ses avoirs, circonstance fortuite, qui l'a contrainte à faire une déclaration de cession des paiements, mais que l'ensemble des indicateurs établissait sa bonne santé économique et financière ; que, bien que M. Paul C... ait déclaré à l'audience que le désintéressement des créanciers lui paraissait insuffisant et qu'un plan de redressement serait plus à même d'assurer un paiement aux créanciers chirographaires, le Juge commissaire, le parquet de Châteauroux, les délégués du personnel et les contrôleurs ont refusé le plan de continuation, si bien que, dans ces circonstances, le Tribunal de commerce de Châteauroux a rejeté le plan de continuation présenté par la SA SGT Balsan représentée par son liquidateur amiable, M. Vincent X..., et a arrêté le plan de redressement organisant la cession de la débitrice à la société de droit belge Associated Weawers International NV pour le prix global de 22. 700. 000 F ; qu'il convient d'examiner successivement chacune des fautes reprochées à M. Léon Y... pendant la période d'observation par le liquidateur amiable de la SA SGT Balsan ; que la société intimée et les premiers juges reprochent à l'appelant au regard des enjeux, de la technicité des questions à traiter, ainsi que de la dimension de la société impliquée dans un groupe international, de n'avoir pas songé à se faire assister par un ou plusieurs experts et qu'il se soit abstenu par ailleurs de faire définir la mission de sapiteur de M. Bernard Z... que le Juge commissaire avait désigné en janvier 2001 pour lui apporter son concours ; que de tels faits ne caractérisent pas en eux-mêmes, selon le Tribunal, un comportement fautif, mais montrent l'isolement dans lequel celui-ci a souhaité accomplir sa mission et la précipitation avec laquelle il avait établi, dès le 5 janvier 2001, le bilan économique et social, ainsi que fixé au 22 décembre 2000 la date de dépôt des offres de reprise, soit huit semaines après l'ouverture du redressement judiciaire de la SA SGT Balsan ; que les premiers juges ont relevé qu'en premier lieu, le bilan économique et social établi par M. Léon Y... le 5 janvier 2001, dresse une situation étonnamment incomplète de la comptabilité de la société, en se limitant en page 9 à rappeler les comptes d'exploitation arrêtés au 30 juin 1997 et au 30 juin 1999, sans même faire figurer les résultats du bilan clos au 30 juin 2000, dernier exercice avant l'ouverture de la procédure collective, élément essentiel dont il ressortait un chiffre d'affaires hors taxe de 662 millions de francs et un résultat d'exploitation de 32. 317. 000 francs ; qu'en second lieu, il lui est reproché, s'agissant de l'analyse de la situation active de la société, d'avoir fait simplement référence « pour mémoire » aux immeubles appartenant à la SA SGT Balsan, à savoir 60 Ha de terrain, ainsi que des bâtiments et annexes de 50. 000 m2, ainsi que, pour le fonds de commerce, dont la valeur d'apport s'était élevée à 60 millions de francs ; qu'en troisième lieu, ils estiment incompréhensible que l'administrateur avance sans explication détaillée un passif social de 1, 4 milliards de francs, alors que cette estimation correspondait aux déclarations de créances, sans que celles-ci aient été examinées par le représentant des créanciers, en dehors de toute procédure de vérification ; que, s'il ne peut être reproché à M. Léon Y... de s'être abstenu de faire définir la mission de M. Z..., car sa désignation est postérieure d'une huitaine de jours à l'adoption par le Tribunal du plan de cession, il est incontestable que les éléments versés aux débats montrent les réticences de l'administrateur judiciaire à consulter les personnes susceptibles de l'informer sur la situation, ainsi que sur les perspectives de redressement de l'entreprise et qu'il établira un bilan économique et social, dont le Tribunal était en droit d'attendre une information exacte et précise, notamment quant à la situation financière de l'entreprise, pour se décider en pleine connaissance de cause à l'issue de la période d'observation, dans ce contexte bien particulier ; que l'appelant prétend que l'entreprise, pour fonctionner et couvrir ses charges d'exploitation, devait trouver cent millions de francs par mois, ne justifie par de ces allégations par des pièces comptables, même s'il est incontestable que la SA SGT Balsan avait une activité ayant fortement baissé ; qu'il existe donc bien dans les circonstances rappelées plus haut une précipitation dans la fixation au 22 décembre 2000 de la date de dépôt des offres de reprise, alors que le Tribunal de commerce avait ouvert le 24 octobre 2000 la procédure collective de cette société ; qu'il en va de même de l'établissement, dès le 5 janvier 2001, du bilan économique et social ; que, même si le bilan au 30 juin 2000 figure en annexe 2 du bilan économique et social, M. Léon Y... ne fait état dans son analyse des comptes d'exploitation comparés que de ceux clos au 30 juin 1997 et au 30 juin 1999, omettant d'évoquer cet élément essentiel, dont il ressortait des éléments favorables à un plan de continuation ; que, par ailleurs, la SA SGT est propriétaire de parcelles de terrain entourant l'usine d'une superficie totale de 60 Ha, alors que l'appelant se borne à mentionner dans la situation active du débiteur la mention « mémoire » ; qu'il importe peu que M. Léon Y... prétende sans en justifier que les immeubles appartenant à l'entreprise étaient connus de tous ; que, concernant le fonds de commerce, l'appelant mentionne que « la société aurait apporté son fonds de commerce à une de ses filiales belges. Toutefois, il n'existe aucune publicité de cet apport et la convention, qui prévoyait cet apport, n'est jamais devenue effective faute d'avoir rempli toutes les conditions », si bien que M. Léon Y... aurait dû faire état de sa valeur, qui n'était pas négligeable compte tenu d'une valeur d'apport de 60 millions de francs ; que même si l'évaluation du passif ne ressort pas de la compétence de l'administrateur judiciaire, mais de celle de représentant des créanciers, M. Y... n'a fait état d'aucune évaluation du passif dans son bilan économique et social, critiquant M. Vincent X... lorsqu'il évalue ce passif à environ 210 millions de francs et estimant qu'il s'agit « d'une vision optimiste des choses, qui suppose que soient rejetés des centaines de millions de francs de créances produites sans raison valable » ; que la totale incertitude sur cet élément ne permet pas au Tribunal de statuer en toute connaissance de cause ; que lorsqu'il mentionne l'existence des soldes des différents comptes bancaires, tous créditeurs, de la SA SGT Balan, l'appelant aurait dû préciser qu'il y avait lieu d'ajouter plus de 13 millions de francs de saisies conservatoires, dont la mainlevée venait d'être ordonnée ; que l'ensemble de ces omissions ou agissements hâtifs constitue indiscutablement des fautes imputables à l'administrateur judiciaire ; qu'il convient de rappeler que la compétence exercée par le Tribunal, qui arrête la solution à l'issue de la période d'observation, n'exonère nullement l'administrateur judiciaire de la responsabilité qu'il encourt sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, en raison des manquements commis par lui dans son devoir d'information de cette juridiction ; qu'en l'espèce, le président du Tribunal de commerce a demandé à l'administrateur judiciaire, au représentant des créanciers, au représentant des salariés, aux contrôleurs, au procureur de la République adjoint leurs points de vue sur le plan de continuation proposé par M. Vincent X... et sur les plans de cession au profit de Messieurs A... et B..., ainsi que de la société Associated Weawers International NV et a écarté, avec l'avis conforme du procureur de la République adjoint, des délégués du personnel ainsi que des contrôleurs, le plan de continuation aux motifs que « ce projet est irrecevable en l'état car il concerne deux sociétés et non une » et que « le Tribunal ne saurait accepter d'arrêter un plan de continuation imparfait, donc la fiabilité est plus qu'incertaine et dont l'échec se traduirait nécessairement par une liquidation judiciaire et la perte des emplois sur le site d'Arthon » ; que les imperfections du plan de continuation proposé par M. Vincent X... peuvent s'expliquer par la précipitation reprochée au mandataire judiciaire, notamment la fixation au 22 décembre 2001 des offres de reprise, soit moins de deux mois après le jugement d'ouverture de la procédure collective ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE l'administrateur judiciaire engage sa responsabilité civile pour les dommages causés par ses fautes et peut être poursuivi par les créanciers, par le débiteur ou même par. un tiers, sur le fondement dos articles 1382 et 1383 du code civil, à charge pour le demandeur de rapporter la preuve de l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre les deux premières conditions ; que l'administrateur judiciaire, est tenu dans la transparence, de fournir au tribunal de commerce une information loyale, objective, complète et sincère, quant à la situation réelle de l'entreprise et ses possibilités de redressement ; que selon l'article 18 de la loi du 25 janvier 1985 (ancien article L 621-54 du Code de commerce), " L'administrateur, avec le concours du débiteur et l'assistance éventuelle d'un ou plusieurs experts, est chargé de dresser dans un rapport le bilan économique et social de l'entreprise. Au vu de ce bilan, l'administrateur propose soit un plan de redressement, soit la liquidation judiciaire. Le bilan économique et social précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise " ; que de manière générale, la compétence exercée par le tribunal qui arrête la solution à l'issue de la période d'observation n'exonère nullement l'administrateur judiciaire de la responsabilité qu'il encourt sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil au titre des manquements commis dans son devoir d'information de la juridiction ; qu'il s'ensuit que la décision prise par la juridiction consulaire de retenir-, comme le lui proposait Matin Y..., le plan de cession des actifs en faveur de la société AWT et de rejeter le plan de continuation de la Société Générale Textile BALSAN, ne l'exonère nullement de sa responsabilité civile ; qu'en premier lieu, le bilan économique et social établi par Maître Y... le 5 janvier 2001 dresse une situation étonnamment incomplète de la comptabilité de la société en se limitant en page 9 à rappeler les comptes d'exploitation arrêtes au 30 juin 1997 et au juin 1999 sans même faire figurer les résultats du bilan clos au 30 juin 2000, dernier exercice avant l'ouverture do la procédure collective, alors que nécessairement l'administrateur ne pouvait pas ne pas avoir connu cet élément essentiel dont il ressortait un chiffre d'affaires hors taxes de 662 millions de francs et un résultat d'exploitation de 32 317. 000 francs ; que par ailleurs, s'agissent de l'analyse de la situation active de la société, le bilan économique et social fait simplement référence " pour mémoire " aux immeubles appartenant à la Société Générale Textile Balsan, à savoir 60 hectares de terres entourant l'usine ainsi que les bâtiments et un terrain occupé poux 50. 000 mètres carrés ; qu'il en est de même du fonds de commerce indiqué également " pour mémoire " ; que rien n'empêchait une évaluation de ces actifs, notamment des immeubles qui avaient été valorisés au bilan de la Société BALSAN clos au 30 juin 2000 ainsi qu'il ressort de la pièce numéro 3 communiquée par la demanderesse ; que les éléments incorporels du fonds de commerce étaient tout autant indiqués " pour mémoire " par l'administrateur judiciaire en page 23 de son rapport alors que leur valeur d'apport s'était élevé à 60. 000. 000 de francs ; qu'il est tout aussi incompréhensible que l'administrateur judiciaire avance, sans explications détaillées, précises et contrôlable, un passif social de 1, 4 milliard de francs alors que cette estimation correspondait aux décimations de créances sans que celles-ci n'aient été examinées par le représentant des créanciers et donc en dehors de toute procédure de vérification ; qu'ainsi, le montant du passif retenu par l'administrateur à partir de déclarations de créances dont le total s'élevait à 1 488 485 204 francs sera réduit après vérification dans des proportions considérables puisqu'i1sera fixé à 251 548 346 francs après des rejets définitifs de créances ayant, selon le rapport d'audit établi par Monsieur Z.... le 28 juin 2002 à la demande du tribunal de commerce de Châteauroux, atteint 1. 203. 806. 954 francs, si bien que selon celui-ci, le passif au jour de l'ouverture de la procédure collective était en réalité de 202 120 307 francs ; que Monsieur Z... concluait ainsi (page 80 de son rapport) : " De sorte que le passif courant recensé et échu à la date du dépôt de bilan se situe (ou aurait dû se situer) entre 150 et 200 MFF, correspondant plus ou moins à un passif de fonctionnement courant " ; qu'également, l'évaluation faite par Maître Y... en page 25 du bilan économique et social de la trésorerie de la Société GENERALE TEXTME BALSAN, après avoir repris les soldes de ses différents comptes bancaires, tous créditeurs, fait ressortir un montant de liquidités, caisse comprise, de 3 000. 000 FF, sans que l'administrateur judiciaire ait pris soin d'indiquer qu'il s'y ajoutait les 13 420 000 FE de saisies conservatoires dont la mainlevée avait été ordonnée peu après sa désignation ;

1° ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir que ce n'était pas lui, mais le Tribunal de commerce, qui avait « inscrit l'affaire à son audience du 8 janvier 2001 » (conclusions d'appel de M. Y..., p. 33, al. 1er) ; qu'en lui imputant à faute une précipitation dans la fixation au 22 décembre 2000 de la date de dépôt des offres de reprise, sans répondre aux conclusions par lesquelles il soutenait que le calendrier lui avait été imposé par le Tribunal, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2° ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir l'urgence de la situation dans laquelle se trouvait la société Textiles Balsan, dont le dirigeant était absent, alors que lui-même n'avait été investi que d'une simple mission d'assistance (conclusions d'appel, p. 26, antépénultième et pénultième al.) ; qu'en lui imputant à faute une précipitation dans la fixation au 22 décembre 2000 de la date de dépôt des offres de reprise, sans répondre à ce moyen de nature à établir la nécessité de trouver une solution rapide, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3° ALORS QUE le bilan économique et social que l'administrateur judiciaire est chargé d'établir a vocation à préciser l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise ; qu'en retenant que M. Y... avait commis une faute en n'y faisant pas figurer de façon détaillée tous les éléments positifs concernant la société Textiles Balsan, quand seul devait apparaître un diagnostic relatif à l'origine, à l'importance et à la nature des difficultés de l'entreprise, la Cour d'appel a violé l'article 18 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

4° ALORS QUE l'administrateur judiciaire, à qui il incombe de favoriser en priorité la sauvegarde des emplois, d'une part, et les intérêts des créanciers, d'autre part, n'est tenu qu'à une obligation de moyens ; qu'en retenant que M. Y... avait commis une faute en ne faisant pas figurer de façon détaillée, dans le bilan économique et social, tous les éléments positifs concernant la société Textiles Balsan, sans rechercher si, compte tenu de l'urgence de la situation dans laquelle se trouvait la société Textiles Balsan et des risques qui en résultaient, l'administrateur judiciaire n'était pas tenu de favoriser une solution rapide, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir établi un bilan économique et social exhaustivement détaillé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

5° ALORS QUE la faute imputée à l'administrateur judiciaire, tenu à une obligation de moyens, doit s'apprécier au regard des informations dont il disposait au moment de la décision ou de l'abstention qui lui est reprochée ; qu'en imputant à faute à M. Y... d'avoir fait état, dans le bilan économique et social, du montant du passif déclaré et de ne pas avoir précisé pour quel montant celui-ci serait admis, sans rechercher si, à cette date, l'administrateur judiciaire avait des raisons de prévoir que certaines créances seraient rejetées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Liquidation
Société commerciale


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.