par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 6 avril 2016, 14-29731
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
6 avril 2016, 14-29.731

Cette décision est visée dans la définition :
Gestion d'affaires




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 13 janvier 2014), que Mme X..., propriétaire d'un immeuble loué, en a donné la moitié en nue-propriété à Mme Y..., sa fille ; qu'à la suite de la délivrance, par Mme X... aux locataires de l'immeuble, d'un congé aux fins de reprise par elle-même et sa fille, celle-ci et son époux se sont installés dans les lieux ; que, soutenant qu'ils étaient occupants sans droit ni titre, Mme X... les a assignés aux fins d'obtenir leur expulsion ainsi que le paiement d'une indemnité d'occupation et de dommages-intérêts ; que, se fondant sur un arrêté municipal mettant en demeure Mme X... et Mme Y... de procéder à des travaux dans l'immeuble ainsi que sur les motifs du congé, M. et Mme Y... ont invoqué l'existence d'une gestion d'affaires justifiant, malgré l'opposition de Mme X..., leur présence dans les lieux ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de leur ordonner de quitter les lieux, sous astreinte, et de les condamner in solidum au versement d'une indemnité d'occupation ;

Attendu, d'abord, qu'en ce qu'il invoque une gestion d'affaires, pour justifier l'occupation des lieux consécutive au congé pour reprise délivré aux locataires, le moyen est nouveau et mélangé de fait ; qu'ensuite, l'arrêt constate que l'occupation des lieux par M. et Mme Y... met Mme X... dans l'impossibilité de jouir du bien en tant qu'usufruitière et l'empêche de faire procéder elle-même aux travaux préconisés ; que la cour d'appel a ainsi fait ressortir que cette occupation n'était pas justifiée par l'exécution d'une obligation légale incombant à Mme X..., de sorte que l'existence d'une gestion d'affaires ne pouvait être invoquée ; que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, l'existence de vaines tentatives de récupérer les lieux et la résistance abusive de M. et Mme Y... ; que la cour d'appel, ayant mis en évidence un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité d'occupation, a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a ordonné aux époux Y... de libérer l'immeuble sous astreinte de 100 euros par jour de retard et les a condamnés in solidum à payer à Mme X... une indemnité d'occupation de 400 euros par mois assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque échéance, depuis le 7 mars 2012 et jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés,

aux motifs que « les époux Y..., dont la femme seule possède la moitié de la nue-propriété de l'immeuble, estiment que leur présence est nécessaire pour effectuer les travaux de remise en état des locaux dans le cadre d'une gestion d'affaires nonobstant le refus du maître de l'affaire auquel ils entendent notamment éviter des poursuites pour avoir invoqué un faux motif dans le congé donné à son locataire », qu'« en empêchant Mme X... de reprendre possession de son immeuble ils la placent justement dans l'impossibilité de réaliser elle-même les travaux de réparation préconisés par l'arrêté du 15 juin 2009 et de ce fait d'exécuter si besoin est son " obligation citoyenne ", alors qu'elle ne bénéficie d'aucun régime de protection de sa personne et de ses biens, étant précisé d'ailleurs que les locaux ne sont plus donnés à bail, alors que l'arrêté municipal du 15 juin 2009, dont se prévalent les appelants, avait manifestement pour vocation de faire respecter par le bailleur l'obligation de fournir un logement décent à ses locataires, en vertu de la loi du 13 décembre 2000 et du décret du 3à janvier 2002, et de permettre ainsi sa mise en conformité avec le règlement sanitaire départemental » ; que « l'article 1373 du code civil commande que le gérant d'affaires rapporte en cas de refus du maître de l'affaire, la preuve de l'impossibilité dans laquelle se trouve celui-ci d'agir pour lui-même, ou du caractère illégitime de l'opposition à la gestion de ses biens lorsque " sa résistance a été le résultat d'un entêtement aveugle et irréfléchi " ; or, les arguments avancés par les appelants ne satisfont pas à cette condition, l'exposé fait par Mme X...dans son audition du 9 septembre 2006 révélant qu'elle dispose bien de ses facultés intellectuelles et l'incident, dont témoigne le médecin des enfants Y... le 23 août 2010, contraint de quitter la maison par l'arrière cour, étant inopérant à cet égard » ; qu'« enfin il ne peut être fait grief à Mme X... de ne pas s'être présentée aux tentatives de conciliation, ni d'avoir donné à ses locataires, quatre ans auparavant, un congé avec reprise pour occuper elle-même les lieux ou les faire occuper par sa fille, aucune intention frauduleuse de sa part n'étant présumée à la lecture d'un acte où Mme Nancy Y... n'apparaissait d'ailleurs pas comme la seule bénéficiaire de la reprise » ; qu'« en conséquence le juge d'instance a considéré avec justesse que les époux Y... étaient occupants sans droit ni titre de l'immeuble situé rue de la Croix Rouge à BROUT-VERNET et en a tiré les conséquences qui s'imposaient, en ordonnant leur expulsion assortie d'une astreinte et en fixant une indemnité d'occupation dont le montant n'est pas contesté »,

alors que l'opposition du maître de l'affaire ne fait pas obstacle à la gestion d'affaires lorsque cette opposition est illégitime, que l'opposition du maître est illégitime lorsque le gérant se borne à exécuter une obligation légale du maître, sans qu'il soit nécessaire de constater qu'elle procède d'un « entêtement aveugle et irréfléchi », que tel est le cas en l'espèce où, d'une part, l'arrêté municipal du maire de la commune de Brout-Vernet du 15 juin 2009 faisait obligation à Mme X... ainsi, au demeurant, qu'à sa fille, Mme Y..., de mettre le logement litigieux en conformité avec la réglementation en vigueur et, en conséquence, d'y faire exécuter un certain nombre de travaux et ce, dans le délai d'un mois, et, d'autre part, où le congé avec reprise délivré par Mme X... aux locataires le 23 novembre 2009 pour occuper les lieux et les faire occuper non seulement par elle-même mais aussi par sa fille, Mme Y..., entraînait l'obligation pour celles-ci d'occuper effectivement les lieux après le départ des locataires, obligations légales auxquelles Mme X... ne s'était pas conformée et que Mme Y... entendait au contraire exécuter dans l'intérêt de sa mère et que, dès lors, en écartant l'existence d'une gestion d'affaire, la cour d'appel a violé les articles 1373 et suivants du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum les époux Y... à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,

aux motifs qu'« il est manifeste que Mme X... a subi un préjudice résultant de l'impossibilité de reprendre la jouissance de son bien nonobstant ses tentatives »,

alors que l'indemnité d'occupation compense la perte de jouissance correspondant à la valeur des locaux et assure en outre la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans droit ni titre et qu'en condamnant M. et Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour réparer le « préjudice résultant de l'impossibilité de reprendre la jouissance de son bien », sans préciser en quoi cette dernière avait subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'indemnité d'occupation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Gestion d'affaires


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.