par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 16 février 2016, 15-80705
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 février 2016, 15-80.705

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Frédéric X..., partie civile,


contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. David Y... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 janvier 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Schneider, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller SCHNEIDER, les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE DE BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;

Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique et les observations complémentaires, produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, 1382 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. Frédéric X...tendant à faire reconnaître son droit à l'indemnisation intégrale du préjudice subi lors de l'accident de la circulation survenu le 2 avril 2013 et d'en mettre la réparation à la charge de M. David Y... ;

" aux motifs que l'appelant, compte tenu de la relaxe intervenue au profit de M. Y... se doit de rapporter la preuve d'une faute civile commise par ce dernier et différente de celle objet de la prévention ; que l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes des accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et applicable en l'espèce prévoit que la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subi ; que le jugement entrepris, pour renvoyer M. Y... des fins de la poursuite rappelle que ce dernier, qui voulait faire de nuit un demi-tour (ce qui n'est pas interdit au lieu où il se trouve) a mis son clignotant, s'est arrêté pour vérifier qu'il n'y avait personne, a repris sa route et, constatant la survenance d'un motocycliste arrivant à vive allure a stoppé son véhicule ; qu'il indique que M. Y... a bien pris toutes les précautions nécessaires et n'a pas commis d'infraction à la législation sur la circulation routière ; qu'il a certes empiété pour partie sur la voie du motocycliste mais a stoppé sa progression et a laissé libre tant une partie de la voie la plus à gauche où circulait le motocycliste que l'autre voie de circulation du motocycliste ; que le tribunal a considéré qu'il ne résultait pas de la relation des faits que le véhicule automobile de M. Y... ait percuté M. X...mais précise que ce dernier en revanche a touché le véhicule de M. Y... (au niveau du pare-choc avant) qui était arrêté et qu'il n'a pu éviter du fait de sa vitesse et des problèmes survenus lors du freinage d'urgence ; que la juridiction pénale a également expliqué que le motocycliste avait essayé de contourner le véhicule de M. Y... en allant plus à gauche et ne l'avait qu'effleuré mais compte tenu du freinage et de la roue arrière qui avait glissé et s'était désolidarisé du véhicule avait fait un vol plané lui occasionnant diverses blessures ; que M. X...explique lors de son audition que dès qu'il a vu le véhicule de M. Y... il a tenté de freiner en urgence puis de dévier sur sa gauche pour le contourner mais que sa moto a glissé, sa roue arrière passant devant ; qu'un témoin des faits M. Z...a précisé avoir vu le motard freiner et de la fumée blanche sortir du pneu arrière ; qu'il a indiqué qu'au cours du freinage la moto avait chassé de l'arrière puis avait heurté l'avant droit du véhicule avec son côté gauche ; que c'est donc le freinage en urgence de M. X...puis le glissement de sa moto qui a entraîné la collision avec le véhicule de M. Y... qui se trouvait à l'arrêt ; qu'il ressort donc de l'examen du dossier et des pièces versées que nonobstant l'implication du véhicule de M. Y... dans l'accident M. X...ne rapporte pas la preuve de la commission par M. Y... d'une faute civile distincte de celle objet de la prévention ; qu'en revanche il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la faute de M. X...est la cause exclusive de l'accident de la circulation survenu le 2 avril 2013 ; que, dès lors, il ne peut prétendre à une quelconque indemnisation ; que ses demandes formées à l'encontre de M. Y... tendant à obtenir la désignation d'un expert et le versement d'une provision ne peuvent être que rejetées ;

" et aux motifs, à les supposer adoptés, qu'il résulte des éléments du dossier que M. Y..., voulant faire, de nuit, un demi-tour, ce qui n'est pas interdit au lieu où il se trouve, a mis son clignotant, s'est arrêté pour vérifier qu'il n'y a personne, a repris sa route et constatant la survenance d'un motocycliste arrivant à vive allure, a stoppé son véhicule, qu'il a bien pris toutes les précautions nécessaires et n'a pas commis d'infraction à la législation sur la circulation routière, que s'il est certain qu'il a empiété, pour partie, sur la voie du motocycliste, il n'en reste pas moins qu'il a stoppé sa progression et a laissé libre tant une partie de la voie la plus à gauche où circule le motocycliste, que l'autre (ou les autres) voie (s) de circulation du motocycliste (voie de droite), que celui-ci a bien vu le véhicule s'arrêter et a freiné, mais ne s'est pas dirigé à droite (où il n'y a pas d'autre usager de la voie et une large voie libre), mais, selon ses propres déclarations, a cru que le véhicule de M. Y..., allait continuer sa traversée (et de ce fait lui couper la route pour aller à droite), ce qui n'a pas été le cas, puisqu'il s'est arrêté, pour lui laissé la place, et le motocycliste a essayé de le contourner, allant encore plus à gauche et ne l'a qu'effleuré, mais compte tenu du freinage et de la roue arrière qui a glissé et s'est désolidarisée du véhicule, a fait un vol plané lui occasionnant diverses blessures ; qu'il ne résulte pas de cette relation des faits que le véhicule automobile de M. Y... l'ai percuté, mais que M. X...a, en revanche, touché le véhicule de M. Y... (au niveau du pare-choc avant droit) qui était arrêté et qu'il n'a pas pu éviter du fait de sa vitesse (50 km/ h maxi en agglomération, reconnue sur le même PV) et des problèmes survenus lors du freinage d'urgence (fumée blanche sortant du pneu arrière selon PV A2 (passager de la voiture) ; que si M. Y... a bien fait une manoeuvre pour tourner, a bien été, en partie, sur la voie du motocycliste, il n'est pas démontré que M. Y... a violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'il ressort des éléments du dossier et des débats qu'il convient de relaxer des fins de la poursuite M. Y... ;

" 1°) alors qu'en exigeant du conducteur victime qu'il apporte la preuve d'une faute de l'autre conducteur, distincte de celle visée par la prévention, cependant qu'elle constatait que le véhicule de ce dernier était impliqué dans l'accident de la circulation et qu'il lui appartenait, le cas échéant, d ¿ apprécier l'éventuelle faute du conducteur victime en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur, la cour d'appel a méconnu l'article 4 de la loi du 25 juillet 1985 ;

" 2°) alors qu'en excluant toute indemnisation du préjudice subi par le conducteur victime par la considération que la faute imputée à ce dernier était la cause exclusive de la survenance de l'accident, la cour d'appel s'est déterminée par référence au comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué, et non au regard de la nature et de la gravité de la faute prétendument commise, et a méconnu l'article 4 de la loi du 25 juillet 1985 ;

" 3°) alors qu'ayant constaté que le glissement de la moto conduite par le conducteur victime et la collision faisaient suite au freinage d'urgence destiné à éviter le véhicule de l'autre conducteur qui empiétait alors sur la voie sur laquelle cette moto circulait, la cour d'appel, en retenant que la faute prétendue du conducteur victime était la cause exclusive de la survenance de l'accident, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a méconnu l'article 4 de la loi du 25 juillet 1985 ;

" 4°) alors que ne caractérise aucune faute le fait pour le conducteur d'une moto de ne pas maîtriser le freinage d'urgence imposé par la présence d'un véhicule à l'arrêt empiétant en partie sa voie de circulation et de ne pas parvenir à éviter la collision avec ce véhicule ; qu'en retenant une faute de M. X...à raison des problèmes survenus au cours du freinage d'urgence qu'il réalisait pendant qu'il tentait de contourner le véhicule de M. Y... qui empiétait sur une partie de sa voie de circulation et pour n'avoir ainsi pu éviter une collision avec ce véhicule, la cour d'appel a méconnu l'article 4 de la loi du 25 juillet 1985 ;

" 5°) alors qu'en retenant qu'avec les problèmes survenus lors du freinage d'urgence, la vitesse du conducteur de la moto l'aurait empêché d'éviter le véhicule qui empiétait sur sa voie de circulation, sans procéder à la moindre constatation relative au caractère excessif ou inadapté de cette vitesse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 de la loi du 25 juillet 1985 ;

" 6°) alors qu'en retenant des pièces du dossier et des motifs du jugement de première instance que la roue de la moto s'était désolidarisée de l'engin là où il résulte clairement desdites pièces comme du jugement que c'est le conducteur de cette moto qui s'est désolidarisé de l'engin au moment de la collision, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs sur un élément de fait supposé essentiel à la caractérisation de la faute prétendument commise par le conducteur victime " ;

Vu les articles 1 et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que, lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'une collision s'est produite entre la motocyclette pilotée par M. X...et le véhicule conduit par M. Y... ;

Attendu que, pour exclure l'indemnisation des dommages subis par M. X..., l'arrêt retient, notamment, qu'avant d'effectuer son demi-tour, M. Y... a pris toutes les précautions, qu'il a certes empiété sur la voie du motocycliste, mais a stoppé sa progression et laissé libre la partie la plus à gauche où circulait le motocycliste ainsi que les autres voies ; que le véhicule de M. X...n'a pu éviter du fait de sa vitesse et des problèmes survenus lors du freinage d'urgence, le véhicule de M. Y... qui était à l'arrêt ; que les juges ajoutent que, nonobstant l'implication de M. Y..., M. X...ne rapporte pas la preuve de la commission par ce dernier d'une faute civile distincte de celle objet de la prévention et que la faute de M. X...est la cause exclusive de l'accident excluant son droit à indemnisation ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, en exigeant de la victime qu'elle rapporte la preuve d'une faute de l'autre conducteur impliqué dans l'accident de la circulation, alors qu'il lui appartenait, en faisant abstraction du comportement du conducteur impliqué dans l'accident, de rechercher si la victime avait commis une faute de nature à exclure ou à limiter son droit à indemnisation, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 14 novembre 2014, mais en ses seules dispositions ayant énoncé que la faute commise par M. X...est la cause exclusive des conséquences dommageables de l'accident de la circulation survenu le 2 avril 2013 et déclaré mal fondées les prétentions formées par M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize février deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.



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Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 28/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.