par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 22 octobre 2015, 14-24103
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
22 octobre 2015, 14-24.103

Cette décision est visée dans la définition :
Avocat




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois dernières branches :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 27 mai 2014), que la société Auto Guadeloupe investissement (la société AGI) a sollicité les services de la société X...et Y...LLP, avocat au barreau de Paris, pour défendre ses intérêts dans une procédure d'arbitrage se déroulant à la Barbade relative à la cession de ses parts dans une société tierce pour un prix d'environ 120 000 000 dollars US ; que suite à un différend sur le paiement des honoraires, l'avocat a saisi le bâtonnier de son ordre, qui, par décision du 1er mars 2013, a fixé à une certaine somme le montant total des honoraires et débours dus par la société AGI ;

Attendu que la société AGI fait grief à l'ordonnance de fixer le montant des honoraires et débours dus par elle à la somme totale de 3 400 000 euros HT, de constater qu'elle avait effectué des règlements pour un total de 2 809 900 euros HT et de dire en conséquence qu'elle devra régler à la société X...et Y...LLP la somme de 590 100 euros ainsi que de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que sauf convention expresse le prévoyant, la compétence matérielle et territoriale du bâtonnier en matière de contestation d'honoraires, fondée sur la connaissance des usages de son propre barreau, ne l'autorise pas à connaître des honoraires d'avocats étrangers ; qu'en admettant néanmoins sa compétence pour connaître des honoraires d'avocats étrangers facturés à la société AGI, le premier président a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

2°/ que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client ; qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'il en résulte qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client déterminant précisément la mission du conseil et le cadre dans lequel il pourra avoir lui-même recours à d'autres avocats, le cas échéant étrangers, chaque avocat ne peut réclamer le paiement de ses honoraires que pour les diligences qu'il a personnellement accomplies, en cas d'intervention d'une pluralité de conseils ; qu'en considérant néanmoins que la société X...et Y...LLP inscrit au barreau de Paris pouvait réclamer des émoluments pour des diligences accomplies par des avocats étrangers, après avoir pourtant constaté que ce cabinet n'était lié à la société AGI par aucune convention d'honoraires le désignant comme son seul conseil et aménageant le recours à des avocats étrangers, le premier président, qui n'a déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

3°/ qu'en considérant que la relation contractuelle a existé entre la société AGI et la société X...et Y...LLP, inscrit au barreau de Paris, à l'exclusion de tout autre, sans rechercher, comme il y était invité, si la société AGI n'avait pas été en contact direct et régulier avec les avocats étrangers en charge du dossier, les factures produites aux débats attestant notamment de rendez-vous à de nombreuses reprises entre les dirigeants de la société AGI et ces avocats, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Mais attendu que les honoraires d'avocats étrangers, mandatés pour le compte de son client par un avocat français, constituent pour ce dernier des frais au sens de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, soumis à l'appréciation du juge de l'honoraire en l'absence de convention ;

Que c'est dès lors à bon droit que, par motifs propres et adoptés, le premier président a retenu que la société AGI n'ayant été en relation contractuelle qu'avec la société X...et Y...LLP, avocat inscrit au barreau de Paris, il y avait lieu d'apprécier seulement la mission exécutée par celle-ci pour déterminer les honoraires qui lui revenaient en prenant en compte les interventions ponctuelles d'avocats étrangers auxquels elle avait recouru dont le coût devait être considéré comme des frais ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses quatrième et sixième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois premières branches du moyen annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Auto Guadeloupe investissement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Auto Guadeloupe investissement, la condamne à payer à la société X...et Y...LLP la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Auto Guadeloupe investissement.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant total des honoraires et débours dus par la société AUTO GUADELOUPE INVESTISSEMENT (AGI) à la somme totale de trois millions quatre cent mille euros hors taxes (3. 400. 000 € HT), d'avoir constaté que la société AGI a effectué des règlements pour un total de deux millions huit cent neuf mille neuf cents euros hors taxes (2. 809. 900 € HT) et d'avoir dit en conséquence que la société AGI devra régler au cabinet X...et Y...LLP la somme de cinq cent quatre-vingt-dix mille cent euros hors taxes (590. 100 EUR HT) ainsi que d'avoir débouté la société AGI de ses demandes ;

Aux motifs que, « la relation contractuelle a existé entre la société AGI et X... & Y..., avocats inscrits au barreau de Paris, à l'exclusion de tout autre, notamment avec des avocats inscrits à des barreaux étrangers, de sorte que la seule question en litige est celle de l'appréciation de la mission exécutée par ce cabinet d'avocats dont la taxation des honoraires lui revenant, laquelle en l'absence de toute convention à cet effet doit s'établir en application des critères définis par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, implique que soit prise en compte la totalité des diligences qu'il a dû accomplir et notamment les avis qu'il a pu requérir auprès des confrères étrangers en vue d'assurer au mieux la défense des intérêts de son client dès lors que l'affaire relevait de l'application d'un droit étranger, à savoir celui de la Barbade et que la société AGI avait fait le choix de la soumettre à une procédure d'arbitrage inspirée du droit anglo-saxon ;

Considérant par ailleurs que le délégué du bâtonnier relève à juste titre que les honoraires revenant à X... & Y...ont donné lieu à l'établissement de 14 notes d'honoraires comportant en annexe un détail journalier des diligences effectuées, lesquelles ont été acquittées par la somme de 2. 809. 900 euros HT sans protestations ni réserves de la part de la société AGI ;

Que cependant, c'est également avec pertinence que tout en tenant compte du caractère prestigieux de X... & Y...et donc de l'incidence de ce critère sur le taux horaire pratiqué selon le statut de chaque participant au dossier, qu'il en a revanche opéré une distinction entre les prestations pouvant faire l'objet d'une facturation aux taux pratiqués et celles qui, en dehors de tout accord précis du client, ne pouvaient donner lieu à une évaluation spécifique, en ce que correspondant aux charges usuelles et inhérentes au fonctionnement d'un cabinet d'avocat, elles étaient en conséquence intégrées au taux horaire pratiqué ;

Considérant qu'ayant également apprécié à sa juste importance la complexité de l'arbitrage international auquel s'était soumise la société AGI, les difficultés juridiques en résultant, l'application d'un droit étranger, la qualité du travail fourni et la pertinence des résultats obtenus, certes aujourd'hui remises en cause par la société AGI mais qui à l'époque lui ont donné entièrement satisfaction comme en attestent les emails constituant les pièces 50, 51 et 52 produites aux débats par X... & Y..., le délégué du bâtonnier a en conséquence fait une évaluation conforme des honoraires revenant audit cabinet d'avocats » ;

Alors, d'une part, que le visa des conclusions des parties avec indication de leur date est nécessaire lorsque le juge n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; qu'en visant les conclusions des parties sans indiquer leur date et sans exposer par ailleurs, fût-ce succinctement, les moyens des parties, le premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pages 10 suivantes) que le juge de l'honoraire français était incompétent pour statuer sur les honoraires de consultation et de plaidoirie d'avocats n'exerçant pas en France ; qu'en ne répondant pas, même sommairement, à ce moyen péremptoire, le premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, en outre, que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pages 14 suivantes) qu'en tout état de cause, les honoraires de consultation et de plaidoirie facturés par des avocats inscrits dans des barreaux étrangers ne sont pas des débours facturables par une structure française ; qu'en ne répondant pas, même sommairement, à ce moyen péremptoire, le premier président a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

Alors, de plus, que sauf convention expresse le prévoyant, la compétence matérielle et territoriale du Bâtonnier en matière de contestation d'honoraires, fondée sur la connaissance des usages de son propre barreau, ne l'autorise pas à connaître des honoraires d'avocats étrangers ; qu'en admettant néanmoins sa compétente pour connaître des honoraires d'avocats étrangers facturés à la société AGI, le premier président a violé a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Alors, au surplus que, les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client ; qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'il en résulte qu'à défaut de convention entre l'avocat et son client déterminant précisément la mission du conseil et le cadre dans lequel il pourra avoir lui-même recours à d'autres avocats, le cas échéant étrangers, chaque avocat ne peut réclamer le paiement de ses honoraires que pour les diligences qu'il a personnellement accomplies, en cas d'intervention d'une pluralité de conseils ; qu'en considérant néanmoins que le cabinet X...& Y...LLP inscrit au barreau de Paris pouvait réclamer des émoluments pour des diligences accomplies par des avocats étrangers, après avoir pourtant constaté que ce cabinet n'était lié à la société AGI par aucune convention d'honoraires le désignant comme son seul conseil et aménageant le recours à des avocats étrangers, le premier président, qui n'a déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Alors enfin qu'en considérant que la relation contractuelle a existé entre la société AGI et le cabinet X...& Y...LLP, inscrit au barreau de Paris, à l'exclusion de tout autre, sans rechercher, comme il y était invité, si la société AGI n'avait pas été en contact direct et régulier avec les avocats étrangers en charge du dossier, les factures produites aux débats attestant notamment de rendez-vous à de nombreuses reprises entre les dirigeants de la société AGI et ces avocats, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.