par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 18 décembre 2014, 13-26842
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
18 décembre 2014, 13-26.842

Cette décision est visée dans la définition :
Maladie professionnelle




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu les articles L. 461-1 et R. 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas du premier, la juridiction de sécurité sociale est tenue de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X..., qui avait exercé des fonctions de conducteur de train et de formateur des agents de conduite à la SNCF de 1972 à 2001, a déclaré, le 22 novembre 2005, être atteint d'un adénocarcinome pulmonaire ; que la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (la caisse) ayant refusé de prendre en charge la maladie déclarée au titre de la législation professionnelle en l'absence d'exposition à un risque d'inhalation de poussières d'amiante, l'intéressé a saisi une juridiction de sécurité sociale qui a accueilli son recours en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie au titre du tableau n° 30 bis ; que la cour d'appel devant laquelle sont intervenus Mme Y... et M. X..., ayant droits de l'intéressé décédé le 12 octobre 2010, a infirmé le jugement et invité la caisse à saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (le comité régional) par application de l'article L. 461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter la demande en reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, l'arrêt retient, d'une part, que dans un avis motivé et des conclusions claires et circonstanciées, le comité régional de Marseille a exclu un lien direct entre la pathologie décrite et la profession exercée par l'intéressé, d'autre part, que ses ayants droit n'apportent pas d'élément nouveau susceptible de remettre en cause ces conclusions ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la maladie ne remplissant pas les conditions d'un tableau de maladies professionnelles, elle ne pouvait se prononcer sur l'origine professionnelle de la maladie invoquée sans recueillir préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui avait été saisi par la caisse sur son invitation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen unique :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et la condamne à payer à Mme Y..., veuve X... et M. Nicolas X... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y..., veuve X... et M. Nicolas X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré opposable aux ayants cause de la victime d'une maladie liée à l'amiante (Mme Y... veuve X... et M. X..., les exposants) l'avis rendu par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de les avoir déboutés de leur demande tendant à voir reconnaître l'origine professionnelle de la maladie ;

AUX MOTIFS QUE le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par un avis largement motivé, avait exclu un lien direct entre la pathologie décrite et la profession exercée par Jean X... ; que, pour arriver à cette conclusion, après analyse des documents qui lui étaient soumis, c'est-à-dire la demande présentée par la victime, le certificat médical établi par le médecin traitant, le rapport circonstancié de l'employeur et l'enquête de la caisse ainsi que les mesures d'empoussièrement réalisées dans les cabines de conduite, la caisse avait relevé que, malgré la présence d'un calorifugeage sur divers éléments des locomotives, qu'il avait énumérés, l'empoussièrement analysé ne montrait qu'une concentration de fibres d'amiante au plus <0,001 fibres/cm3, <0,002 fibres/cm3, voire inexistante pour les locomotives diesel ; qu'il avait aussi estimé que « la conduite de locomotives à vapeur ou d'engins diesel n'(était) pas assimilable à un travail d'entretien ou de maintenance sur des équipements contenant de l'amiante », après avoir rappelé que la profession exercée par Jean X... était conducteur de trains ou formateur des agents de conduite ; qu'il avait observé, en fin de son analyse, qu'il n'était fourni aucun résultat de prélèvement anatomique sur parenchyme pulmonaire témoignant de la présence de corps asbestosiques inhalés, laissant ainsi sous-entendre qu'il n'était au surplus pas médicalement établi que le cancer de Jean X... avait pu être effectivement causé par l'inhalation de poussières d'amiante, après avoir constaté la faible, voire très faible concentration de telles poussières dans les cabines de conduite ; que la cour constatait que les consorts X... n'apportaient pas d'élément nouveau susceptible de remettre en cause les conclusions du CRRMP ;

ALORS QUE la demande de prise en charge d'une maladie hors tableau, ou dont les conditions du tableau ne sont pas toutes réunies, fait émerger une difficulté d'ordre médical que le juge ne peut trancher sans avoir préalablement recueilli l'avis d'un comité régional de reconnaissance des ma-ladies professionnelles autre que celui qui a été saisi par la caisse, et ce même lorsque cette saisine n'a pas été demandée par les parties ; que l'arrêt attaqué a constaté que l'organisme social avait saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Marseille qui avait exclu un lien direct entre la profession et la maladie de la victime ; qu'en se fondant uniquement sur cet avis pour écarter tout lien de cette nature, sans avoir préalablement recueilli l'avis d'un autre comité régional, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 461-1 et R 142-24-2 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, subsidiairement, dans le cadre d'une procédure sans représentation obligatoire, la juridiction du second degré est tenue de répondre aux conclusions antérieures aux dernières écritures lorsqu'il en est expressément demandé le bénéfice ; que, dans leurs dernières conclusions du 13 mars 2013 telles que visées par l'arrêt attaqué, les exposants invitaient expressément la cour d'appel à se reporter à leurs écritures antérieures qui démontraient que l'activité régulière de la victime ne se cantonnait pas à la conduite de la machine qui impliquait de rester dans la cabine mais à d'autres activités à l'extérieur de la cabine sujettes à une importante exposition aux poussières d'amiante ; que la cour d'appel n'a visé que les dernières conclusions déposées sans aucunement mentionner la circonstance que les exposants invoquaient le bénéfice de leurs écritures antérieures ; qu'elle s'est contentée de suivre l'avis du CRRMP sans s'expliquer sur les moyens dont elle était saisie à propos des activités régulières de la victime hors de la cabine de conduite, pour la raison inopérante que les exposants n'apportaient pas d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause les conclusions du CRRMP ; que la cour d'appel a ainsi méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


ALORS QUE enfin, la partie qui demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; que le jugement entrepris avait relevé qu'un contrôle régulier par observation était confié au conducteur de la locomotive électrique lors des phases de préparation précédant la mise en tête du train et que de puissants ventilateurs chargés de refroidir les deux moteurs étaient à même de disperser des poussières accumulées lors de l'enclenchement ou du déclenchement des contacteurs ; qu'il avait également retenu que la phase de préparation de la locomotive prévoyait une ouverture totale des capots, et ce, lors du fonctionnement des ventilateurs ; qu'il observait encore que le conducteur de la locomotive devait intervenir sur les appareillages lors de la défaillance de l'engin moteur ou de panne et qu'il avait un accès à l'ensemble des équipements de la locomotive, que ce fût en marche ou à l'arrêt ; qu'il ajoutait que l'on ne pouvait concevoir qu'un formateur ne fît pas fonctionner la locomotive, objet de l'étude, déclenchant ainsi l'action des ventilateurs dispersant les poussières d'amiante présentes dans les appareillages, tel que cela avait été recensé par les services de la SNCF ; que, pour infirmer cette décision, l'arrêt attaqué s'est contenté de rappeler les termes de l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles suivant lequel la concentration de fibres d'amiante aurait été infime dans les cabines de conduite et affirmant que la conduite de locomotives n'était pas assimilable à un travail d'entretien ou de maintenance sur des équipements contenant de l'amiante ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs du jugement entrepris sur les fonctions régulières exercées par la victime hors de la cabine de conduite et distinctes de son activité de conducteur, dans le cadre notamment de la préparation de la locomotive ou lors de ses activités régulières de formation, motifs dont les exposants demandaient la confirmation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Maladie professionnelle


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.