par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 9 décembre 2014, 13-23309
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Cour de cassation, chambre commerciale
9 décembre 2014, 13-23.309

Cette décision est visée dans la définition :
Agent commercial




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 septembre 2012) et les productions, que M. X... a conclu en 2002 un contrat d'agent commercial à durée indéterminée avec la société Brugman France, aux droits de laquelle vient la société Heating Company France (la société HCF) ; que cette dernière s'est opposée en 2008 à la cession par M. X... de sa carte d'agent commercial et a rompu le contrat les liant pour faute grave, sans préavis, ni indemnité, au motif d'une insuffisance d'activité significative courant 2007 ; que soutenant avoir fait signer le 14 mars 2007, par la société Guysanit, un bon de commande ferme et définitive auprès de la société HCF, M. X... a assigné cette dernière en paiement des commissions dues au titre de cette commande, outre une indemnité de fin de contrat, une indemnité pour refus d'agrément des repreneurs présentés, ainsi que des dommages-intérêts pour rupture sans préavis ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que la commission pour la commande de la société Guysanit ne lui est pas due alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque l'agent commercial a établi l'existence d'opérations lui donnant droit à un commissionnement, la preuve du chiffre d'affaires généré par ces opérations, nécessaire au calcul de la commission, incombe au mandant si bien qu'en décidant au contraire qu'en présence d'un accord du 14 mars 2007 entre la société HCF et la société Guysanit, M. X... devait justifier du montant des commandes réalisées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil et de l'article L. 134-6 du code de commerce ;

2°/ que M. X... faisait valoir dans ses conclusions que le contrat du 14 mars 2007 conclu entre la société HCF et la société Guysanit portait sur 12 857 radiateurs de la marque Brugman pour un prix unitaire variable en fonction du type de radiateur commandé et que la société HCF était mal venue de contester la quantité commandée dès lors qu'elle n'avait pas remis en cause les accusations formulées par M. X... dans son courrier du 13 janvier 2008 précisant que la société HCF lui avait fait perdre plus de 7 000 à 8 000 radiateurs ; que le taux de remise de 68 % était justifié par le volume des commandes réalisé par la société Guysanit de l'ordre de 12 000 à 15 000 unités de produits ; qu'une bonification de fin d'année avait été également convenue entre les parties ainsi qu'une reprise de son stock de radiateurs Finimetal de sorte qu'en considérant que les commandes de 12 000 à 15 000 radiateurs n'étaient pas justifiées sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'accord conclu entre la société Guysanit et la société HCF s'analysait en un simple accord-cadre sur les conditions de prix, de remise et de mise en stock en fonction des besoins du client, c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a décidé de ne pas faire droit à la demande de commissions de M. X..., faute pour ce dernier de justifier de commandes passées par la société Guysanit auprès de la société HCF ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité pour refus d'agrément d'un successeur alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 11, alinéa 1er, du contrat d'agent commercial liant la société HCF et M. X... en date du 4 juillet 2002, l'agent peut transmettre à un tiers agréé par le mandant les droits et obligations attachées au présent contrat ; que si le mandant, qui dispose de deux mois pour prendre parti sur un candidat, refuse toute succession ou deux candidats (personne physique ou morale) successivement présentées, il doit à l'agent l'indemnité de l'article 9 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société HCF a refusé la cession par M. X... de sa carte d'agent commercial après que celui-ci lui a fait part de son intention de lui présenter deux successeurs potentiels clairement identifiés si bien qu'en déboutant néanmoins M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de refus d'agrément au motif qu'elle ne pouvait se cumuler avec l'indemnité de fin de contrat ce qui ne résultait pas dudit contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le préjudice subi par l'agent commercial qui cesse ses fonctions, sans agrément par le mandant du successeur présenté par lui, est déjà réparé par l'indemnité de fin de contrat, laquelle, étant destinée à réparer le préjudice résultant pour lui de la cessation de ses fonctions, prend nécessairement en compte la perte du droit de présentation d'un successeur du fait de la non-transmission du contrat, et qu'elle a refusé d'allouer à M. X... une indemnité supplémentaire à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches, n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Heating Company France la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la commission Guysanit n'était pas due à M. Didier X...,

AUX MOTIFS PROPRES QUE

« c'est par une motivation pertinente que la cour adopte que le tribunal de grande instance de MULHOUSE a débouté M. X... de sa demande de commission concernant le client Guysanit dès lors qu'il ne justifie d'aucune commande passée par cette société auprès de la société Heating Company France laquelle n'a établi aucune facture et n'a par conséquent livré aucun matériel à ce client ;

le premier juge a justement analysé l'annexe n° 2 produite par M. X... comme constituant un simple accord cadre conclu entre la société Heating Company France et la société Guysanit sur les conditions de prix, de remise et de mise en stock en fonction des besoins du client, ce document étant tout à fait insuffisant pour ouvrir à l'agent commercial un droit à commission au sens des articles 6 et 7 du contrat le liant à l'appelante ; »

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

« Sur la demande d'une commission Guysanit :
Le droit à commission est reconnu par l'article L 134-5 du code de commerce et prévu aux articles 6 et 7 du contrat d'agent commercial : « sur toute affaire traitée par le mandant dans le secteur défini en point 2, l'agent perçoit, de quelque façon que la commande soit parvenue au mandant, une commission égale, hors taxe à 6 % du montant hors taxe des factures après déduction des frais de transport. Cette commission est payable mensuellement sur toutes affaires facturées par le mandant le mois précédent et sur les affaires qui auraient dû être livrées au cours de la même période et qui ne l'ont pas été pour des raisons imputables au mandant, avec déduction des affaires facturées et précédemment commissionnées et dont il est établi que le paiement par le client n'aura pas lieu ».

Si un accord cadre a bien été passé le 14 mars 2007 entre le client Guysanit et la société THC France avec signature de M. X..., cet accord ne concerne que les conditions de prix, de remises et conditions du stock Brugman d'après les besoins du client Guysanit.

Les commandes de 12.000 à 15.000 radiateurs ne sont pas justifiées et il n'est produit aux débats aucune facture qui seule aurait permis, aux termes du contrat, le versement d'une commission. En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de commission Guysanit.

1) ALORS QU'aux termes de l'article 6 de la convention d'agent commercial liant M. X... à la société Heating Company France la commission était due sur toute affaire traitée par le mandant dans le secteur dans lequel l'agent commercial bénéficiait d'une exclusivité de sorte qu'en disant que la commission Guysanit n'était pas due à M. X... tout en constatant qu'un accord avait bien été conclu le 14 mars 2007 entre la société Heating Company France et la société Guysanit par l'intermédiaire de M. X... pour la commande de 12.000 à 15.000 radiateurs, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L 134-6 du code de commerce,

2) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE lorsque l'agent commercial a établi l'existence d'opérations lui donnant droit à un commissionnement, la preuve du chiffre d'affaires généré par ces opérations, nécessaire au calcul de la commission, incombe au mandant si bien qu'en décidant au contraire qu'en présence d'un accord du 14 mars 2007 entre la société Heating Company France et la société Guysanit, M. X... devait justifier du montant des commandes réalisées, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil et de l'article L 134-6 du code de commerce,

3) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE M. X... faisait valoir dans ses conclusions que le contrat du 14 mars 2007 conclu entre la société Heating Company France et la société Guysanit portait sur 12.857 radiateurs de la marque Brugman pour un prix unitaire variable en fonction du type de radiateur commandé et que la société Heating Company France était mal venue de contester la quantité commandée dès lors qu'elle n'avait pas remis en cause les accusations formulées par M. X... dans son courrier du 13 janvier 2008 précisant que la société Heating Company France lui avait fait perdre plus de 7.000 à 8.000 radiateurs ; que le taux de remise de 68 % était justifié par le volume des commandes réalisé par la société Guysanit de l'ordre de 12.000 à 15.000 unités de produits ; qu'une bonification de fin d'année avait été également convenue entre les parties ainsi qu'une reprise de son stock de radiateurs FINIMETAL (conclusions de M. X... signifiées le 15 novembre 2011, p 6 § 6 et suiv.) de sorte qu'en considérant que les commandes de 12.000 à 15.000 radiateurs n'étaient pas justifiées sans répondre à ce moyen opérant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile,

4) ALORS QU'aux termes de l'article 7 du contrat d'agent commercial du 4 juillet 2002, la commission est payable non seulement sur toutes affaires facturées par le mandant dans le mois précédent mais encore sur les affaires qui auraient dû être livrées au cours de la même période et qui ne l'ont pas été pour des raisons imputables au mandant ; qu'en disant que la commission Guysanit n'était pas due à M. X... sans rechercher si en présence d'un accord cadre fixant les conditions de prix, de remise et mise en stock, les commandes de la société Guysanit n'avaient pas été honorées du fait de la société Heating Company France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L 134-6 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour refus d'agrément d'un successeur,

AUX MOTIFS QUE
« M. X... sollicite devant la cour une indemnité supplémentaire pour refus d'agrément par le mandant de tout successeur, du même montant que l'indemnité de fin de contrat ;

il résulte en effet des pièces produites que la société Heating Company France a refusé cette cession par M. X... de sa carte d'agent commercial après que celui-ci lui ait fait part de son intention de lui présenter deux successeurs potentiels clairement identifiés (cf. annexes 7, 15 et 16 de l'intimé) ;

la position catégorique et sans équivoque de la société Heating Company France s'apparente dans ces conditions à un refus d'agrément de ces deux candidats ;

Mais l'indemnité pour refus d'agrément d'un successeur ne saurait se cumuler avec l'indemnité de fin de contrat ;

le préjudice subi par M. X... qui cesse ses fonctions sans agrément par le mandant du successeur présenté par lui est déjà réparé par l'indemnité de fin de contrat ;

l'indemnité destinée à réparer le préjudice résultant pour l'agent commercial de la cessation de ses fonctions prend en effet nécessairement en compte la perte du droit de présentation d'un successeur du fait de la non transmission du contrat ;

M. X... doit par conséquent être débouté de ses conclusions à ce titre »,


ALORS QU'aux termes de l'article 11, alinéa 1er, du contrat d'agent commercial liant la société Heating Company France et M. X... en date du 4 juillet 2002, l'agent peut transmettre à un tiers agréé par le mandant les droits et obligations attachées au présent contrat ; que si le mandant, qui dispose de deux mois pour prendre parti sur un candidat, refuse toute succession ou deux candidats (personne physique ou morale) successivement présentées, il doit à l'agent l'indemnité de l'article 9 ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Heating Company France a refusé la cession par M. X... de sa carte d'agent commercial après que celui-ci lui a fait part de son intention de lui présenter deux successeurs potentiels clairement identifiés si bien qu'en déboutant néanmoins M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de refus d'agrément au motif qu'elle ne pouvait se cumuler avec l'indemnité de fin de contrat ce qui ne résultait pas dudit contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.