par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 19 novembre 2014, 13-21979
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Cour de cassation, chambre sociale
19 novembre 2014, 13-21.979

Cette décision est visée dans la définition :
Rupture conventionnelle (Travail)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée, à compter du 3 septembre 2007, par la société d'expertise comptable Cabinet Deligey en qualité d'assistante paie ; qu'après la notification de deux avertissements, les 23 décembre 2009 et 27 février 2010, elle a été convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement pour le 18 mars 2010 ; que les parties ont conclu le 19 mars 2010 une convention de rupture du contrat de travail homologuée par l'autorité administrative ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et au paiement de diverses sommes ;

Attendu que pour accueillir ces demandes, l'arrêt retient d'une part, qu'il existait un différend entre les parties sur l'exécution du contrat de travail, l'employeur ayant infligé à la salariée deux avertissements avant de la convoquer à un entretien préalable à son licenciement prévu le 18 mars 2010, d'autre part, que le délai d'une journée entre l'entretien préalable au licenciement, au cours duquel a été évoquée la possibilité d'une rupture conventionnelle, et la signature de la convention de rupture n'est pas compatible avec le temps nécessaire à la recherche d'une solution amiable ;


Qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture, d'autre part, l'article L. 1237-12 du code du travail n'instaure pas de délai entre l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et la signature de la convention de rupture prévue à l'article L. 1237-11 du même code, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un vice du consentement de la salariée, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il requalifie la rupture conventionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Deligey à payer les sommes de 6 400 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 239,40 euros à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 28 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Deligey.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR requalifié la rupture conventionnelle en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Deligey à payer à mademoiselle X... les sommes de 6.400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.239,40 euros à titre d'indemnité de préavis et 323,94 euros à titre d¿indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE conformément aux articles L.1237-11 et suivants du code du travail, la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties, aucun litige entre elles ne devant exister au moment où elle est envisagée ; qu'à défaut, elle peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que le délai d'une journée entre l'entretien préalable et la signature de la rupture conventionnelle n'est pas compatible avec le temps nécessaire à la recherche d'une solution amiable et que les courriers échangés par la suite démontrent l'importance des griefs de employeur envers la salariée à la date de l'entretien préalable et que mademoiselle X... n'a donc pas librement consenti à la rupture conventionnelle incriminée ; qu'en effet, il convient, tout d'abord, de constater que la convocation envoyée par la SARL Cabinet Deligey est une convocation à un entretien préalable « à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement » et que l'article L.1232-2 du code du travail y est visé ; qu'il ressort de l'attestation de la salariée ayant assisté mademoiselle X... que l'entretien a d'abord porté sur les griefs reprochés par la SARL Cabinet Deligey à mademoiselle X..., puis qu'au cours de l'entretien la possibilité d'une rupture conventionnelle a été évoquée, l'une et l'autre des parties s'en renvoyant l'initiative ; qu'il n'apparaît donc pas que la rupture conventionnelle ait été envisagée antérieurement à l'entretien préalable, alors qu'elle a été signée dès le lendemain, bien que la SARL Cabinet Deligey s'en défende, alors que la convocation à l'entretien préalable mentionne bien l'éventualité d'un licenciement pour faute, et nullement la possibilité d'une rupture conventionnelle ; que même si mademoiselle X... n'a pas fait usage du délai de rétractation de 15 jours, il y a lieu de relever que la brièveté du délai de réflexion, soit 24 heures de l'entretien préalable, implique que la convention n'a pas été librement et sérieusement négociée entre les parties, alors qu'aucun entretien spécifique n'a eu lieu et que le licenciement était envisagé par la SARL Cabinet Deligey en raison de manquements de la salariée et faisait suite à deux avertissements des 23 décembre 2009 et 27 février 2010 ; que dans ces conditions, il apparaît que la rupture conventionnelle doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le consentement de la salariée n'ayant pu être librement donné, la signature de la rupture conventionnelle étant intervenue avec précipitation ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef ; que compte tenu de son ancienneté de deux ans et huit mois, du montant de sa rémunération, du fait du chômage qui s'en est suivi et des circonstances de la rupture, il y a lieu d'allouer à mademoiselle X... une somme de 6.400 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement sera donc réformé sur le montant alloué ;

ET, AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE la rupture conventionnelle dont mademoiselle X... réclame la requalification s'est déroulée dans un cadre conflictuel manifeste, tel que la chronologie des faits permet de l'établir ; qu'en effet la demanderesse a été convoquée à un entretien préalable à un « éventuel licenciement » le jeudi 18 mars et que la « convention de rupture du contrat de travail » a été signée à Langon le 19 mars 2010, soit dès le lendemain ; que pareil délai n'est pas compatible avec le temps nécessaire à la recherche d'une solution amiable, les courriers échangés par la suite entre les parties démontrant l'importance des récriminations de l'employeur vis-à-vis de sa salariée à la date de l'entretien préalable ; qu'il en résulte que, malgré le dépassement du délai de rétractation légalement prévu, mademoiselle X... démontre qu'elle n'a pas librement consentie à la rupture conventionnelle incriminée ; qu'il en résulte que la dite rupture sera requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que mademoiselle X... justifie d'obtenir son indemnité de préavis ainsi que l'indemnité de congés payés afférents, dont les montants ne sont pas contestés ;

1°) ALORS QUE l'article L. 1237-12 du code du travail n'instaure pas de délai entre, d'une part, l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d'autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l'article L. 1237-11 du code du travail ; qu'en jugeant que la brièveté du délai de réflexion de 24 heures après l'entretien préalable impliquait que la convention n'avait pas été librement et sérieusement négociée et que le consentement de la salariée n'avait pu être librement donné, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11, L. 1237-12 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'article L. 1237-12 du code du travail ne prévoit pas de formalisme particulier et ne fixe pas de modalités de convocation pour le ou les entretiens au cours desquels les parties conviennent d'une rupture conventionnelle ; qu'en jugeant que la convention de rupture conventionnelle n'avait pas été librement et sérieusement négociée, motifs pris de ce que la convocation envoyée à mademoiselle X... était une convocation à un entretien préalable « à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement », qu'elle ne mentionnait pas la possibilité d'une rupture conventionnelle et qu'aucun entretien spécifique n'avait eu lieu, la cour d'appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail ;


3°) ALORS QUE l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail ; qu'en jugeant que la convention de rupture n'avait pas été librement et sérieusement négociée et que le consentement de la salariée n'avait pu être librement donné, motifs pris de ce que les courriers échangés entre les parties démontraient l'importance des griefs de l'employeur envers mademoiselle X... à la date de l'entretien préalable et que le licenciement de la salariée était envisagé et faisait suite à deux avertissements, la cour d¿appel a violé les articles L. 1237-11 et L. 1237-12 du code du travail.



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Cette décision est visée dans la définition :
Rupture conventionnelle (Travail)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.