par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 16 septembre 2014, 13-17147
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Cour de cassation, chambre commerciale
16 septembre 2014, 13-17.147

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Sauvegarde des entreprises
Société d'exercice libéral (SEL)




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte à la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages femmes (la caisse) de ce qu'elle se désiste de son pourvoi dirigé contre la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 5 mars 2013), que, M. X..., chirurgien-dentiste d'abord à titre individuel, exerce cette profession depuis l'année 2000 sous la forme d'une société d'exercice libéral unipersonnelle (SELEURL) ; que, le 2 mars 2012, la caisse, en qualité de créancier de cotisations impayées, a assigné M. X... en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ;

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable cette demande pour avoir été formée plus d'un an après la constitution de la SELEURL, alors, selon le moyen :

1°/ que, même s'il constitue une société d'exercice libéral, le professionnel exerçant à titre libéral, tel que le chirurgien-dentiste, continue d'exercer son activité au sein de cette structure ; qu'il ne peut dès lors être regardé comme ayant cessé son activité ; que, par suite, il peut faire l'objet d'une demande visant à l'ouverture d'une procédure collective, sans pouvoir opposer le délai d'un an ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 631-1 et L. 631-5 du code de commerce ;

2°/ que, dès lors que le juge constate que la demande est irrecevable, il lui est interdit, sous peine de commettre un excès de pouvoir, d'examiner le fond ; qu'à partir du moment où les juges avaient considéré que la demande était irrecevable comme tardive, il était exclu qu'ils puissent évoquer, sous peine de commettre un excès de pouvoir, les conditions d'ouverture de la procédure collective ; que, dès lors, les motifs du jugement, relatifs à la situation du débiteur ne peuvent être invoqués pour établir que l'arrêt est légalement justifié au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ; que de ce point de vue, l'arrêt doit être censuré pour excès de pouvoir ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en cas d'appel, les juges du second degré doivent vérifier si, à la date de leur arrêt, le débiteur est ou non en état de cessation des paiements, autrement dit, dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que faute d'avoir recherché si tel était le cas en l'espèce, à la date de leur arrêt, les juges du fond ont de nouveau violé les articles L. 631-1 et L. 631-5 du code de commerce ;

4°/ qu'en tous cas, les premiers juges ne se sont pas expliqués sur le point de savoir quel était le passif exigible et l'actif disponible et n'ont donc pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur l'existence d'un état de cessation des paiements ; qu'à cet égard l'arrêt doit être au moins censuré pour défaut de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la personne exerçant une profession indépendante, qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral unipersonnelle, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; qu'il cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 631-2 du code de commerce ; que le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure ; que toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle ; qu'après avoir relevé que, depuis l'année 2000, M. X... exerçait son activité libérale de chirurgien-dentiste non plus à titre individuel mais comme associé unique de la SELEURL constituée à cet effet et retenu qu'en transférant à cette date l'exercice de son activité libérale à titre individuel au travers d'une personne morale, il avait cessé d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 631-2 du code de commerce, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches invoquées aux troisième et quatrième branches devenues inopérantes, en a déduit à bon droit que la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire introduite à son encontre le 2 mars 2012 était irrecevable ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni du jugement ayant déclaré irrecevable la demande de la caisse tendant à obtenir l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. X..., ni de l'arrêt le confirmant, que les juges du fond ont statué, dans le dispositif de ces décisions, sur le bien-fondé de cette demande ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages femmes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages femmes

L'arrêt attaqué encourt la censure :

EN CE QU'il a déclaré irrecevable la demande de la CARCDSF, visant à obtenir une procédure collective à l'encontre de Monsieur X..., comme formée au-delà du délai d'un an ayant couru à compter de la date à laquelle, ce dernier ayant constitué une EURL et a débuté un nouvel exercice dans le cadre de cette structure ;

AUX MOTIFS QU'« au soutien de son appel la CARCDSF fait valoir que les règles de la profession d'avocat sont dérogatoires de celles applicables à d'autres profession libérales, et que s'il a pu être jugé que l'avocat qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral a par conséquent cessé d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens des articles L.631-2 et L.640-2 du code de commerce, tel n'est pas le cas d'un chirurgien-dentiste ; que ce dernier bien qu'en société exerce toujours la même activité professionnelle relevant de l'organisme autonome d'assurance vieillesse des professions libérales et se trouve tenu d'une obligation personnelle de verser ses propres cotisations sociales ; que cependant il est constant que Monsieur Jean-Jacques X... exerce son activité libérale de chirurgien-dentiste non pas à titre individuel mais comme associé unique de la S.E.L.U.R.L. qu'il a constituée depuis l'année 2000 ; qu'aucun élément ne permet d'affirmer qu'il exercerait sa profession en dehors de ce cadre ; que par conséquent Monsieur Jean-Jacques X... a incontestablement cessé d'exercer comme personne physique pour exercer au travers d'une personne morale ; qu'en transférant son activité libérale sur une personne morale en 2000, Monsieur Jean-Jacques X... a bien cessé d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L.640-2 du code de commerce ; qu'en délivrant son assignation à Monsieur Jean-Jacques X... le 2 mars 2012, la CARCDSF n'a pas respecté le délai d'un an imparti aux créanciers par l'article L.631-5 du code de commerce pour demander l'ouverture d'un redressement judiciaire » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la procédure de redressement judiciaire définie à l'article L.631-1 du code de commerce et ouverte aux personnes désignées à l'article L.631-2, ne peut, en application de l'article L.631-5 alinéa deuxième du même code, être ouverte à la demande d'un créancier contre une personne qui a cessé son activité professionnelle, qu'à la condition, que cette personne soit assignée clans le délai d'un an à compter de la date de cessation de l'activité ; que selon trois arrêts de principe-de la cour de cassation en date du 9 février 2010, la personne exerçant une profession libérale qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société civile professionnelle ou d'une société d'exercice libéral, doit être considérée comme n'agissant plus en son nom propre mais au nom de la société ; que la disposition de l'article L631-5 alinéa deuxième du code de commerce trouve dès lors à s'appliquer et l'assignation doit intervenir dans le délai d'un an à peine d'irrecevabilité. Monsieur X... justifie par un extrait K-Bis qu'il exerce sa profession dans le cadre de la SELEURL Jean-Jacques X... depuis le 1er janvier 2000 ; qu'en conséquence, l'assignation délivrée le 2 mars 2012 rend la demande de redressement judiciaire de la CARCDSF irrecevable à son encontre ; qu'au surplus, elle le serait également à l'égard de la SELEURL dès lors que les litres exécutoires présentés montrent en l'état, que les créances de la CARCDSF, s'agissant de cotisation de retraites, sont toutes détenues à l'encontre de Monsieur X... à titre personnel et ceci que leur exigibilité soit antérieure ou postérieure au 1er janvier 2000 ; qu'enfin, le fait de détenir une créance importante, en l'occurrence chiffrée par la partie demanderesse à la somme de 157.806,18 euros, dont le recouvrement n'a pu être obtenu à l'amiable ou même par voie d'exécution forcée, ne suffit pas à caractériser l'état de cessation des paiements exigé à l'article L631-1 du code de commerce lorsque, comme en l'espèce, il apparaît clairement, à la lecture des différentes décisions de justice rendues suite aux oppositions à contraintes formées par Monsieur X..., que sa carence à payer ses cotisations de retraites, procède non pas d'une impossibilité pécuniaire mais d'un comportement délibéré de sa part s'inscrivant dans l'action de la confédération de défense des commerçants, artisans, agriculteurs et professions libérales dont il précisait alors qu'il était membre ».

ALORS QUE, premièrement, si même il constitue une société d'exercice libéral, le professionnel exerçant à titre libéral, tel que le chirurgien-dentiste, continue d'exercer son activité au sein de cette structure ; qu'il ne peut dès lors être regardé comme ayant cessé son activité ; que, par suite, il peut faire l'objet d'une demande visant à l'ouverture d'une procédure collective, sans pouvoir opposer le délai d'un an ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L.631-1 et L.631-5 du code de commerce ;

ALORS QUE, deuxièmement, dès lors que le juge constate que la demande est irrecevable, il lui est interdit, sous peine de commettre un excès de pouvoir, d'examiner le fond ; qu'à partir du moment où les juges avaient considéré que la demande était irrecevable comme tardive, il était exclu qu'ils puissent évoquer, sous peine de commettre une excès de pouvoir, les conditions d'ouverture de la procédure collective ; que, dès lors, les motifs du jugement, relatifs à la situation du débiteur ne peuvent être invoqués pour établir que l'arrêt est légalement justifié au regard de l'article L.631-1 du code de commerce ; que de ce point de vu, l'arrêt doit être censuré pour excès de pouvoir ;

ALORS QUE, troisièmement, et en toute hypothèse, en cas d'appel, les juges du second degré doivent vérifier si, à la date de leur arrêt, le débiteur est ou non en état de cessation de paiement, autrement dit, dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; que faute d'avoir recherché si tel était le cas en l'espèce, à la date de leur arrêt, les juges du fond ont de nouveau violé les articles L.631-1 et L.631-5 du code de commerce ;

ALORS QUE, quatrièmement et en tous cas, les premiers juges ne se sont pas expliqués sur le point de savoir quel était le passif exigible et l'actif disponible et n'ont donc pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer sous contrôle sur l'existence d'un état de cessation des paiements ; qu'à cet égard l'arrêt doit être au moins censuré pour défaut de base légale au regard de l'article L 631-1 du code de commerce.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Sauvegarde des entreprises
Société d'exercice libéral (SEL)


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.