par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 10 avril 2014, 12-29333
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
10 avril 2014, 12-29.333

Cette décision est visée dans la définition :
Appel




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 906, 908 et 911 du code de procédure civile ;

Attendu qu'à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe, pour les signifier aux parties qui n'ont pas constitué avocat, ou, pour celles qui ont constitué avocat après la remise des conclusions au greffe, les notifier à ce dernier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que par acte du 13 mai 2011, les sociétés Aquarium de la Guadeloupe et Restaurant de l'Aquarium ont interjeté appel d'un jugement ayant notamment rejeté l'action indemnitaire qu'elles avaient engagée à l'encontre de la société G3C, assurée auprès de la société SMABTP ; que la société G3C n'ayant pas constitué avocat dans le délai d'un mois suivant la lettre de notification de la déclaration d'appel adressée par le greffe, les appelants lui ont fait signifier cette déclaration par acte délivré le 25 juillet 2011 ; que les appelantes ont remis leurs conclusions au greffe de la cour d'appel le 4 août 2011 puis notifié le 9 septembre suivant celles-ci à la société G3C, qui avait constitué avocat le 10 août ; que cette dernière a soulevé la caducité de l'appel ;

Attendu que pour accueillir cette demande et prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que la société G3C a dûment informé les appelantes de sa constitution d'avocat le 10 août 2011, avant l'expiration du délai de trois mois imparti à ces dernières pour remettre leurs conclusions au greffe, de sorte que celles-ci ne bénéficiaient pas du délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 911 du code de procédure civile pour lui notifier ses conclusions ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la remise des conclusions au greffe étant intervenue avant la constitution d'avocat par la société G3C, les appelantes disposaient du délai supplémentaire d'un mois suivant l'expiration de celui prévu à l'article 908 du code de procédure civile pour les notifier à l'avocat de cette partie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne les sociétés G3C, GFA Caraïbes et Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés G3C, GFA Caraïbes et Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ; condamne la société G3C à verser aux sociétés Aquarium de la Guadeloupe et Restaurant de l'Aquarium la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour les sociétés Aquarium de la Guadeloupe et Restaurant de l'Aquarium

Les sociétés Aquarium de la Guadeloupe et Restaurant de l'Aquarium font grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la caducité de leur déclaration d'appel et d'avoir constaté le dessaisissement de la cour d'appel ;

AUX MOTIFS QU' en l'espèce, l'avis du greffe étant du 19 juillet 2011, les appelantes avaient jusqu'au 19 août 2011 pour signifier la déclaration d'appel à la société G3C, non constituée ; les appelantes disposaient, en outre, d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel du 13 mai 2011, pour conclure, et devaient remettre au greffe et notifier leurs conclusions aux avocats constitués avant la signification des conclusions, avant le 16 août 2011 ; il convient de constater que les conclusions d'appel ont bien été remises au greffe le 12 septembre 2011, soit avant l'expiration du délai légal ; la société G3C a dûment informé les appelantes de constitution d'avocat, le 10 août 2011, avant l'expiration du délai de trois mois, de sorte que les appelantes ne bénéficiaient pas du délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 911 alinéa 2 pour lui notifier ses conclusions ; celles-ci n'ayant été notifiées que le 9 septembre 2011, la caducité sur le fondement de l'article 908 du code de procédure civile doit être prononcée ; qu'il ne saurait être jugé que la caducité prononcée constitue « une atteinte grave et manifeste » ou « une entrave disproportionnée » au droit d'accès au juge et que cette limitation aurait pour conséquence « de restreindre l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tel que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même », en contravention avec les dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ; la Cour européenne des droits de l'homme considère, ainsi, que « le droit à un tribunal, dont le droit d'accès constitue un aspect, n'est pas absolu et reçoit des limitations implicitement admises, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d'un recours » ; les dispositions des articles 908 et 911 du code de procédure civile dont le but est d'assurer une célérité dans la procédure et une bonne administration de la justice, dans l'application qui en est faite, n'empêchent nullement au justiciable d'utiliser la voie de l'appel, qui lui reste largement ouverte ;

ALORS QUE lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois suivant l'envoi de la lettre de notification de la déclaration d'appel que lui a adressé le greffier, l'appelant dispose, pour lui signifier ses conclusions d'appel, d'un mois supplémentaire par rapport au délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel prévu par l'article 908 du code de procédure civile, délai qui ne saurait être réduit par la constitution ultérieure de l'intimé, cette dernière emportant seulement l'obligation de notifier les conclusions à l'avocat de celui-ci ; que dès lors, en retenant, pour considérer comme tardive la notification, effectuée le 9 septembre 2011, des conclusions d'appel des sociétés appelantes à la société G3C, que cette dernière, qui n'avait initialement pas constitué avocat dans le délai d'un mois suivant la déclaration d'appel, l'avait fait le 10 août 2011, soit avant le 16 août 2011, date d'expiration du délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, de sorte que les appelantes, ainsi tenues de notifier à avocat dans les six jours de sa constitution auraient été privées du délai supplémentaire d'un mois courant du seul fait de la tardiveté de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 911 du code de procédure civile.

ALORS, en tout état de cause, QUE l'exigence de l'égalité des armes implique pour chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire, ce qui suppose qu'elle soit en mesure de prévoir les délais dans lesquels les actes de procédures doivent être effectués, afin de ne pas encourir l'irrecevabilité de son action ; que dès lors, en considérant que l'appelant qui, en raison de l'absence de constitution initiale d'avocat par l'intimé, avait disposé d'un délai supplémentaire d'un mois pour lui signifier ses conclusions, perdait le bénéfice de ce délai supplémentaire si l'intimé constituait avocat dans le délai initial de trois mois, peu important que cette constitution ne soit intervenue que peu de jours avant l'expiration de ce délai, ce qui aurait pour effet de laisser la détermination du délai de notification des conclusions à la seule discrétion de l'intimé, de priver l'appelant de la possibilité de connaître, par avance, les conditions dans lesquelles il devait, à peine de caducité de son appel, notifier ses conclusions et de réduire, en l'occurrence, le délai de notification à seulement quelques jours, la cour d'appel a méconnu le principe de l'égalité des armes tel qu'il résulte de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



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Appel


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.