par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, 10-15890
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
22 janvier 2014, 10-15.890

Cette décision est visée dans la définition :
Propriété intellectuelle




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution de décisions en matière civile et commerciale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., prétendant être l'auteur, le compositeur et l'interprète de douze chansons enregistrées sur un disque vinyle et indiquant avoir découvert que celles-ci avaient été reproduites sans son autorisation sur un disque compact (CD) pressé en Autriche par la société autrichienne KDG Mediatech AG (la société), puis commercialisé par les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy sur différents sites Internet accessibles depuis son domicile toulousain, a assigné la société en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de ses droits d'auteur ; que celle-ci a soulevé l'incompétence des juridictions françaises ; que, par arrêt du 5 avril 2012 (pourvoi n° 10-15.890, Bull. 2012, I, n° 88), la première chambre civile de la Cour de cassation a saisi la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles ;

Attendu que pour déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître du litige, l'arrêt, après avoir relevé que la réglementation européenne n'apporte que des précisions exceptionnelles au principe général selon lequel, en matière délictuelle, la juridiction compétente est, au choix du demandeur, celle du lieu du domicile du défendeur, dont il n'est pas discuté qu'il se situe en Autriche, ou celle du lieu de réalisation du dommage, énonce qu'il n'est pas contesté que la société a réalisé le pressage du CD litigieux en Autriche et que les conditions d'achat sur Internet n'intéressent que les sociétés britanniques Crusoe ou Elegy qui ne sont pas au procès ;

Attendu cependant que, par arrêt du 3 octobre 2013 (C-170/12), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution de décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d'atteinte alléguée aux droits patrimoniaux d'auteur garantis par l'Etat membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente pour connaître d'une action en responsabilité introduite par l'auteur d'une oeuvre à l'encontre d'une société établie dans un autre Etat membre et ayant, dans celui-ci, reproduit ladite oeuvre sur un support matériel qui est ensuite vendu par des sociétés établies dans un troisième Etat membre, par l'intermédiaire d'un site Internet accessible également dans le ressort de la juridiction saisie ; que cette juridiction saisie n'est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre dont elle relève ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d'un site Internet commercialisant le CD argué de contrefaçon est de nature à justifier la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société KDG Mediatech AG aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société KDG Mediatech AG à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le Tribunal de grande instance de TOULOUSE incompétent pour connaître du procès en contrefaçon et en réparation de dommages intenté par Monsieur X... sous couvert de l'aide juridictionnelle à la société de droit autrichien KDG MEDIATECH AG et, en conséquence, d'AVOIR renvoyé Monsieur X... à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QUE la réglementation européenne n'apporte que des précisions exceptionnelles au principe général selon lequel, en matière délictuelle dans laquelle s'inscrit le présent litige puisqu'aucun lien contractuel ne lie les parties, la juridiction compétente est, au choix du demandeur, celle du lieu du domicile du défendeur, dont il n'est pas discuté qu'il se situe en Autriche, soit le lieu de réalisation du dommage qui en l'espèce et faute d'allégation (car il n'est guère question de s'intéresser à la preuve ou à la réalité de l'allégation qui relève de la compétence du seul juge du fond) de complicité entre l'auteur de la contrefaçon dénoncée et la société de droit autrichien KDG MEDIATECH AG dont il n'est pas contesté qu'elle a réalisé le pressage du CD litigieux en Autriche sans que l'on sache dans quelles conditions de commande, la bonne foi se présumant toujours, de sorte que là aussi, sans épiloguer sur les conditions d'achat sur internet qui n'intéressent que les sociétés CRUSOE ou ELEGY de droit britannique qui ne sont pas au procès, il apparaît que la compétence des juridictions françaises et singulièrement de celle du tribunal de grande instance de TOULOUSE, juridiction du domicile du demandeur, ne peut qu'être écartée ; qu'il en résulte que l'ordonnance déférée doit être infirmée et que le tribunal de grande instance de TOULOUSE doit être déclaré incompétent au profit de telle juridiction étrangère qu'il appartiendra au demandeur de saisir et donc de renvoyer ce dernier à mieux se pourvoir ;

1) ALORS QU'en matière de contrefaçon, le demandeur peut saisir les tribunaux de l'Etat dans lequel le défendeur a son domicile ou le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire, ce dernier lieu étant soit celui où l'auteur de la contrefaçon est établi, soit celui où l'objet de la contrefaçon se trouve diffusé ; qu'en relevant, pour juger que la contrefaçon invoquée par Monsieur X... ne relevait pas de la compétence du tribunal de grande instance de TOULOUSE, qu'il était indifférent que les contrefaçons aient pu être achetées sur internet en France et que cette juridiction était celle du domicile du demandeur, quand il était essentiel de déterminer, pour statuer sur la compétence des juridictions françaises, si les objets litigieux étaient diffusés sur un site internet accessible en France et avaient pu être vendus dans ce pays, de sorte que le dommage était susceptible de s'y réaliser, voire s'y était d'ores et déjà réalisé, la Cour d'appel a violé l'article 5, 3°, du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

2) ALORS QUE l'acte matériel reproduction d'une oeuvre musicale grâce à la fabrication d'un support audio, en méconnaissance des droits d'auteur, est un acte de contrefaçon ; qu'en jugeant néanmoins que le pressage des CD litigieux par la société KDG MEDIATECH AG n'était pas un acte de contrefaçon et en déduire que l'auteur aurait dû invoquer sa complicité dans leur commercialisation pour justifier de la compétence des juridictions françaises du lieu de diffusion, quand cet acte réalisé en méconnaissance des droits d'auteur de Monsieur X... était un acte de contrefaçon, de sorte que la société autrichienne était co-auteur du délit et susceptible de voir sa responsabilité civile engagée devant les juridictions françaises du lieu de réalisation du dommage, la Cour d'appel a violé l'article 5, 3°, du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble les articles L. 335-4 et L. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle et l'article 1382 du Code civil ;


3) ALORS QU'en toute hypothèse Monsieur X... soutenait expressément que la société KDG MEDIATECH AG, de droit autrichien, avait participé à la contrefaçon en fabriquant les CD AUDIO litigieux, en méconnaissance des droits d'auteurs des membres du groupe « AUBREY SMALL » dont il faisait partie (voir les conclusions d'appel de Monsieur X... déposées le 2 septembre 2008, spéc. p. 7, 3ème §, et s.) ; qu'en jugeant néanmoins, pour écarter la compétence des juridictions françaises pour connaître du préjudice subi en raison de la contrefaçon dénoncée, qu'il n'était pas allégué que la société KDG MEDIATECH AG était complice de l'auteur de la contrefaçon et, en conséquence, qu'elle était impliquée dans cette contrefaçon, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de Monsieur X... et a violé l'article 4 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.