par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 25 septembre 2013, 12-20256
Dictionnaire Juridique

site réalisé avec
Baumann Avocats Droit informatique

Cour de cassation, chambre sociale
25 septembre 2013, 12-20.256

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 1er juin 1982 par Mme Y..., a été licenciée le 30 mai 2008 en raison de la cessation d'activité de son employeur ; que le 4 septembre 2008, la société DG & co a acquis le droit au bail de Mme Y... et a embauché Mme X... en qualité de responsable de magasin ; que le 6 octobre 2008, la salariée a conclu avec Mme Y... un protocole transactionnel relatif à l'indemnisation de son licenciement ; que le 8 octobre 2008, la société DG & co a mis fin à la période d'essai de Mme X... ; qu'estimant que cette rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société DG & co fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen :

1°/ que le salarié licencié à l'occasion du transfert de l'entité économique ne peut se prévaloir de la poursuite du contrat de travail avec le cessionnaire que s'il n'a pas opté pour l'indemnisation, par le cédant, des conséquences de sa rupture ; qu'en jugeant qu'« aucune règle de droit n'interdit à la demanderesse, après avoir agi contre son premier employeur et obtenu de celui-ci une indemnisation à la suite d'une transaction signée consécutivement à son licenciement, de se prévaloir à l'encontre de la société défenderesse du transfert de son contrat auprès de cette dernière » et que Mme X... pouvait se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail avec la société DG & co, « peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur », bien que l'indemnisation préalable de la rupture par Mme Y... ait fait obstacle à la continuation de ce contrat avec la société DG & co, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;

2°/ qu'en toute hypothèse, le salarié qui sollicite l'indemnisation des conséquences de la rupture d'un contrat de travail est irrecevable à prétendre ensuite au maintien de ce contrat ; qu'en jugeant que Mme X... pouvait prétendre au maintien de son contrat de travail peu important qu'elle ait préalablement sollicité et obtenu l'indemnisation de sa rupture, la cour d'appel a méconnu le principe de cohérence, ensemble l'article L. 1224-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'après son licenciement par le cédant la salariée était effectivement passée au service du cessionnaire, qui avait poursuivi la même activité, la cour d'appel en a exactement déduit que l'intéressée était en droit d'agir contre celui-ci au titre des conséquences de la rupture dont il avait ensuite pris l'initiative en méconnaissance des effets de l'article L. 1224-1 du code du travail, peu important qu'une transaction ait été conclue avec le cédant ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/ 23/ CE du Conseil du 12 mars 2001 ;

Attendu que la cour d'appel a retenu que la salariée pouvait prétendre à obtenir de la société cessionnaire réparation du préjudice résultant de la rupture illicite du contrat de travail sans qu'il y ait lieu de prendre en compte l'indemnité transactionnelle qui lui avait été versée par le cédant ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'un salarié ne peut obtenir deux fois réparation du même préjudice, de sorte qu'il convenait de déduire des sommes mises à la charge de la société cessionnaire, en considération d'une ancienneté remontant à 1982, celles que la salariée avait obtenues de la cédante à la suite du licenciement notifié par celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société DG & co

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société DG & CO à payer à Madame Annie-France X... les sommes de 5. 200 ¿ à titre d'indemnité de préavis, outre 520 ¿ pour congés payés afférents, 12. 220 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 28. 000 ¿ de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 1224-1 du Code du travail « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise » ; qu'il résulte des éléments du dossier que Madame Annie-France X... a été licenciée au motif d'une cessation d'activité par Madame Y... le 30 mai 2008 ; qu'il est constant que Madame Y... a cédé son droit au bail à la SARL DG & CO, avec l'agrément du bailleur, et que le cessionnaire a, au final, exercé la même activité que Madame Y... dans les locaux en question, cette décision ayant été prise par lui au moins dès le mois d'août 2008, soit avant la signature du contrat de travail avec Madame Annie-France X..., dès lors que le 5 août la SARL DG & CO écrivait à l'ensemble des fournisseurs de Madame Y... dans les termes suivants : « je me permets avec retard de vous confirmer les entretiens téléphoniques que vous avez échangés avec Madame Annie-France X.... Nous désirons continuer le partenariat que vous entretenez avec elle depuis fort longtemps. Nous avons l'intention de lui conserver ses responsabilités et nous espérons fortement à ce challenge et de stimuler notre entente à travers le temps ¿ » ; qu'il s'ensuit que la cession du droit au bail par Madame Y... à la SARL DG & CO a eu en réalité pour finalité la cession d'une entité économique rentrant dans les modalités d'application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ce qui autorise Madame Annie-France X... à se prévaloir d'un transfert de son contrat de travail indépendamment du contrat régularisé le 4 septembre 2008 ; que la rupture dite de « la période d'essai » n'en est en conséquence pas une mais s'analyse en licenciement abusif ouvrant droit au profit de la salariée au bénéfice des créances habituelles peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur ; que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé dans son analyse ainsi qu'en ce qu'il a alloué à Madame Annie-France X... les sommes suivantes :-5. 200 ¿ à titre de préavis outre 520 pour les congés payés afférents,-12. 200 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-28. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1. 200 ¿ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, la Cour ne trouvant pas dans le dossier de Madame Annie-France X... des arguments lui permettant d'augmenter l'indemnité de dommages intérêts alloués en première instance ; que le jugement dont appel sera, en conséquence, confirmé dans l'intégralité de ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il convient d'estimer qu'aucune règle de droit, malgré ce que prétend la société défenderesse, n'interdit à la demanderesse, après avoir agi contre son premier employeur et obtenu de celui-ci une indemnisation à la suite d'une transaction signée consécutivement à son licenciement, de se prévaloir à l'encontre de la société défenderesse, après la rupture survenue le 9 octobre 2008, du transfert de son contrat de travail auprès de cette dernière par application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; que dans ces conditions, il n'existe aucune raison d'enjoindre à la demanderesse de produire la transaction qu'elle a conclue avec son précédente employeur ; qu'en outre il importe de considérer que :- la société défenderesse exerce le même type d'activité que Madame Y...,- la première, par courrier du cinq août 2008, a écrit à l'ensemble des fournisseurs du fonds de commerce afin de continuer les relations commerciales avec ceux-ci,- aucune modification n'apparaît en ce qui concerne les caractéristiques de la clientèle ; que par suite c'est à juste titre que la demanderesse souligne que la cession du droit au bail est constitutive en l'occurrence d'une cession d'une entité économique ayant conservé son identité, rentrant dans les prévisions du texte précité ; que dès lors, le licenciement le 30 mai 2008 ne peut se voir reconnaître aucun effet, peu important la transaction dont il a fait ultérieurement l'objet, étant par ailleurs rappelé que dès le 25 juillet 2008, la société défenderesse cherchait à s'attacher les services de Madame X..., alors que celle-ci se trouvait toujours en fonction ; qu'il s'en déduit que le contrat de travail, nonobstant l'embauche conclue entre les parties le 4 septembre 2008, avait été en tout état de cause de plein droit transféré à la société défenderesse par application de l'article L. 1224-1 du Code du travail ; qu'en conséquence, « la rupture de la période d'essai » s'analyse nécessairement comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'ancienneté de Madame X... devant en l'occurrence être fixée à l'égard de la défenderesse au 1er juin 82 ;

1° ALORS QUE le salarié licencié à l'occasion du transfert de l'entité économique ne peut se prévaloir de la poursuite du contrat de travail avec le cessionnaire que s'il n'a pas opté pour l'indemnisation, par le cédant, des conséquences de sa rupture ; qu'en jugeant qu'« aucune règle de droit n'interdit à la demanderesse, après avoir agi contre son premier employeur et obtenu de celui-ci une indemnisation à la suite d'une transaction signée consécutivement à son licenciement, de se prévaloir à l'encontre de la société défenderesse du transfert de son contrat auprès de cette dernière » et que Madame X... pouvait se prévaloir de la poursuite de son contrat de travail avec la société DG & CO, « peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur », bien que l'indemnisation préalable de la rupture par Madame Y... ait fait obstacle à la continuation de ce contrat avec la société DG & CO, la Cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du Code du travail ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, le salarié qui sollicite l'indemnisation des conséquences de la rupture d'un contrat de travail est irrecevable à prétendre ensuite au maintien de ce contrat ; qu'en jugeant que Madame X... pouvait prétendre au maintien de son contrat de travail peu important qu'elle ait préalablement sollicité et obtenu l'indemnisation de sa rupture, la Cour d'appel a méconnu le principe de cohérence, ensemble l'article L. 1224-1 du Code du travail ;


3° ALORS QU'en toute hypothèse, le salarié ne peut obtenir, à deux reprises, l'indemnisation de la rupture du même contrat de travail ; qu'en jugeant que Madame X... pouvait solliciter de la société DG & CO des indemnités pour licenciement « peu important l'accord transactionnel conclu avec son ancien employeur » qui l'avait indemnisée des conséquences de la rupture du même contrat de travail transféré, la Cour d'appel a violé le principe de réparation intégrale, ensemble les articles L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-3 du Code du travail.



site réalisé avec
Baumann Avocats Contrats informatiques

Cette décision est visée dans la définition :
Licenciement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.