par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. crim., 20 novembre 2012, 11-88773
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Cour de cassation, chambre commerciale
20 novembre 2012, 11-88.773

Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Yann X...,
- La société GMF, partie intervenante,
- M. Yannick Y..., partie civile,


contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 3e chambre, en date du 25 novembre 2011, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 15 avril 2008, n° 07. 84-487), dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. X... et la société GMF, pris de la violation des articles 1351 et 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a fixé à 55 500 euros le déficit fonctionnel permanent de M. Y... ;

" aux motifs que le DFP global de 30 %, non encore indemnisé à ce jour par quelque décision définitive, devait être chiffré sur la base de 1 850 euros le point ;

" alors que le dommage est définitivement fixé à la date où le juge rend sa décision ; qu'au cas où, postérieurement à cette date, une aggravation survient dans l'état de la victime, les dommages avérés ne peuvent excéder la réparation intégrale du préjudice causé par ladite aggravation ; que le jugement du tribunal correctionnel de Nanterre du 18 novembre 1999 avait fixé le préjudice originaire de M. Y... résultant de son incapacité permanente au taux de 12 % à 84 000 francs ; qu'en ayant fixé l'indemnité réparant les déficits fonctionnels permanents de M. Y..., après aggravation de son état, au taux de 30 % et à 55 000 euros, la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation de contrôler si elle a ou non procédé à une révision du préjudice originaire évalué par le jugement du 18 novembre 1999 " ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour M. Y... de l'atteinte à son intégrité physique, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. X... et la société GMF, pris de la violation des articles 1134 du code civil, 593, 609 et 612 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi de cassation, a débouté la GMF de sa demande de condamnation de M. Y... à lui rembourser la somme de 37 596, 41 euros à laquelle elle avait été condamnée par l'arrêt cassé, en application d'un contrat dénommé « Gix » ayant pour objet de garantir à titre subsidiaire une indemnité de nature complémentaire des dommages corporels occasionnés par les accidents de la circulation, contrat souscrit par M. Y... auprès de la GMF ;

" aux motifs qu'il y avait lieu de donner acte à M. Y... de ce qu'il renonçait à la réclamation qu'il avait formulée sur la base de son contrat souscrit auprès de la GMF ; qu'au surplus, comme elle le soulignait dans ses écritures, la GMF n'étant intervenue en la présente instance qu'en qualité d'assureur du véhicule impliqué conduit par M. X... ; qu'au surplus, la juridiction pénale n'était pas compétente pour statuer sur ce litige contractuel purement civil et notamment sur la demande de remboursement de la somme de 37 594, 41 euros par la GMF à l'encontre de M. Y... ;

" 1°) alors que la cour d'appel qui a relevé que M. Y... renonçait à sa réclamation, laquelle avait entraîné la condamnation de la GMF à lui verser la somme de 37 596, 41 euros, mais qui a néanmoins refusé d'ordonner la restitution de cette somme, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

" 2°) alors que la réparation due par l'assureur du prévenu ne saurait excéder le préjudice subi par la victime ; qu'en ayant retenu qu'en sa qualité d'assureur de M. X..., la GMF ne pouvait réclamer à M. Y... la restitution de la somme versée en exécution du contrat « Gix » conclu entre M. Y... et la GMF, quand, aux termes de ce contrat, cette somme devait venir en déduction de l'indemnité versée par les tiers-payeurs, dont la GMF en sa qualité d'assureur de M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

" 3°) alors que, lorsque la Cour de cassation annule un arrêt, elle renvoie le procès et les parties devant une juridiction du même ordre et degré que celle qui a rendu la décision annulée ; que, si l'arrêt est annulé pour incompétence, la Cour de cassation renvoie le procès devant les juges qui doivent en connaître ; que l'arrêt de la Cour de cassation du 15 avril 2008 a annulé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 5 juin 2007 en toutes ses dispositions et notamment en celles ayant condamné la GMF à payer à M. Y... la somme de 37 596, 41 euros en exécution du contrat dénommé « Gix » ; que la cour d'appel de renvoi ne pouvait se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de la GMF de restitution de cette somme " ;

Attendu que, pour se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de remboursement de l'indemnité versée à la partie civile au titre d'un contrat GIX souscrit auprès de la société GMF, par ailleurs assureur du véhicule conduit par le prévenu, la cour d'appel, après avoir donné acte à la première de l'abandon de sa réclamation formée sur la base du contrat précité, retient qu'il s'agit désormais d'un litige de nature civile  ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. X... et la société GMF, pris de la violation des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ;

" en ce que l'arrêt attaqué a dit que la somme de 195 952, 04 euros produirait intérêts au double du taux légal du 20 décembre 2005 au 20 septembre 2006 ;

" aux motifs que la GMF a déposé des conclusions lors de l'audience du 20 septembre 2006 portant alors sur le préjudice alors soumis à recours la somme de 195 952, 04 euros, après application de la limitation du droit à indemnisation, mais avant application de la créance des tiers-payeurs, ainsi que le mentionne l'arrêt du 2 novembre 2008, valant offre au sens de la loi du 5 juillet 1985 pour l'aggravation de l'état de santé de la victime … que, dès lors, l'offre portant, avant déduction de la créance de l'organisme social, sur les postes de préjudice objets de la présente fixation sur la somme de 195 952, 04 euros, produira en conséquence intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 20 décembre 2005 au 20 septembre 2006 ;

" alors qu'en cas d'offre tardive de l'assureur, la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur après et non pas avant déduction de la créance des organismes sociaux " ;

Attendu que la cour d'appel, après avoir constaté la tardiveté de l'offre de la société GMF, assureur du prévenu, a ordonné la majoration du taux d'intérêt sur la somme offerte avant imputation de la créance du tiers payeur ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a, au titre des préjudices soumis à recours, limité le préjudice de pertes de gains professionnels futurs de M. Y... à la somme de 26 438, 56 euros ;

" aux motifs que, sur le préjudice professionnel, le docteur M. Z..., dans son rapport, retient une consolidation au 23 septembre 1998, un DFP de 12 % mais aucun préjudice professionnel ; que le docteur M. A...et le docteur M. B...précisent, comme rappelé précédemment, que la victime, « sur le plan professionnel, est apte à un travail en position assise. On notera par ailleurs qu'elle ne possède aucun diplôme dans son secteur professionnel qui est l'informatique. Par contre, elle ne peut exercer aucune activité d'intervention sur site du fait de la nécessité de ports de charges, de position accroupie, de transports divers » ; qu'après l'accident, la victime a repris son travail le 2 février 1998 pendant un mois, a arrêté une quinzaine de jours, a repris à mi-temps thérapeutique jusqu'au 14 juin 1998, puis à plein temps le 15 juin jusqu'en août 1999, date à laquelle elle a démissionné pour entrer dans une société créée par l'une de ses relations et ce, selon ses propres indications, sans diminution de salaire ; que dans le cadre de l'aggravation de son état, M. Y... a été en arrêt de travail jusqu'au 2 janvier 2005, a été licencié pour inaptitude le 23 juillet 2005, a exercé quelques emplois, bénéficié des ASSEDIC, ce qui lui a permis de percevoir, selon ses avis d'imposition, 23 227 euros en 2007, 21 339 euros en 2008, 13 253 euros en 2009 ; que M. Y... précise qu'il est demandeur d'emploi depuis octobre 2009 ; que l'année précédant l'aggravation de son état, M. Y... a perçu, aux termes du bulletin de paye de décembre 2001, un revenu professionnel net imposable de 34 585 euros ; qu'il reconnaît dans ses écritures que les séquelles dont il reste atteint ne lui aurait permis que d'espérer un poste d'assistant informatique par téléphone avec un revenu mensuel net annuel de 15 912 euros ; que ses recherches de travail justifiées n'apparaissent pas particulièrement régulières dans le temps ; que ces recherches d'emploi adaptées ont cependant été plus délicates non seulement en raison des séquelles rendant impossible le déplacement sur site, mais également de l'absence de tout diplôme et de l'âge de la victime ; que l'augmentation alléguée de 10 % de son salaire n'est nullement justifiée par les pièces versées aux débats ni par le contexte économique et le marché actuel du travail ; que compte tenu de l'âge de la victime lors de l'aggravation, des pertes de revenus générées par cette limitation d'exercice de son activité antérieure, de la dévalorisation sur le marché de l'emploi, de la pénibilité accrue pour tout emploi, des répercussions sur le montant des retraites limitées heureusement eu égard à ses années antérieures d'activité, il y a de retenir que M. Y... subit une perte de revenus annuels depuis la consolidation du 2 janvier 2005 consistant en la différence entre son revenu professionnel de 2001, soit 34 585 euros, et celui d'assistant informatique par téléphone de 15 912 euros et ce, jusqu'à l'âge de 65 ans, l'euro de rente à 52 ans aux termes du barème publié en mai 2011 à la Gazette du Palais étant de 11, 502, soit :
-34 585 euros-15 912 euros = 18 673 euros x 11, 502 = 214 776, 85 euros, dont 3/ 4 à la charge de M. X... = 161 082, 64 euros ; que doit s'imputer sur ce montant l'ensemble des arrérages et capital représentatif de la rente AT versée par la CPAM des Yvelines, tel que calculé à juste titre par M. Y... au vu des divers relevés de la caisse soit :
- arrérages échus au 31 décembre 1999 = 2 771, 78 euros ;
- arrérages versés de janvier 2000 à décembre 2004 inclus = 12 488, 90 euros ;
- arrérages échus du 1er janvier 2005 au 15 janvier 2011 = 41 944, 15 euros ;
- capital représentatif = 77 439, 25 euros ;
- soit un total de 134 644, 08 euros ;
qu'il revient donc à Yannick Y... sur les PGPF un solde de :
-161 082, 64 euros-134 644, 08 euros = 26 438, 56 euros ;
qu'il revient donc à M. Y... les sommes suivantes, indépendamment de la créance de la CPAM des Yvelines, après application de la limitation de son droit à indemnisation, mais provisions non déduites :
- DSA à charge = 373, 44 euros
-DFTT et DFTP = 26 400 euros
-tierce personne = 50 531, 04 euros
-PGPA = 3 219, 77 euros
-DFP = 41 625 euros
-PGPF = 26 438, 56 euros
-soit un total de = 148 587, 81 euros
que la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter des sommes alors accordées de ces chefs par jugement du 18 novembre 1999 puis de l'arrêt du 5 juin 2007 pour le surplus toujours de ces chefs et du présent arrêt pour le surplus éventuel ;

" 1°) alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en décidant, néanmoins, que le poste de préjudice correspondant à la perte de gains professionnels futurs subie par M. Y... devait être évaluée sur la base d'un euro de rente jusqu'à l'âge de 65 ans et non sur la base d'une capitalisation viagère, après avoir pourtant constaté que la perte de revenus subie par M. Y... aurait des répercussions sur le montant de sa retraite, soit au-delà de l'âge de 65 ans, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

" 2°) alors que la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable pour ce qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n'a reçu qu'une indemnisation partielle ; qu'il en résulte que le droit de préférence de la victime doit s'exercer, poste par poste, sur l'indemnité due par le responsable, pour la part du poste de son préjudice que ne réparent pas les prestations versées, le solde de l'indemnité étant, le cas échéant, alloué au tiers payeur ; qu'en fixant, néanmoins, le poste de préjudice correspondant aux pertes de gains professionnels futurs de M. Y... en déduisant la créance de la caisse du montant de son préjudice après partage de responsabilité, bien qu'elle ait été tenue de déduire la créance de l'organisme social du préjudice réel de M. Y... sans partage de responsabilité, la Caisse ne pouvant exercer son recours que sur le reliquat, la cour d'appel a violé le droit de préférence de la victime et exposé sa décision à la cassation " ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour évaluer le préjudice économique subi par M. Y..., les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a choisi le barème de capitalisation qui lui paraissait le plus adéquat, n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'apprécier, dans les limites des demandes des parties, la consistance du préjudice et l'indemnité propre à le réparer ;

D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, modifiée par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ;

Attendu que, selon ce texte, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; qu'en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence au tiers payeur subrogé ;

Attendu que, pour fixer à 26 438, 56 euros le montant du solde de l'indemnisation revenant à M. Y... au titre de son préjudice professionnel, l'arrêt retient que la somme totale des indemnités allouées pour ce poste de préjudice s'élève à 214 776, 85 euros dont les trois quarts, soit 161 082, 64 euros, sont à la charge de M. X... ; que les juges ajoutent que, sur cette somme totale ainsi réduite du quart par application du partage de responsabilité, il y a lieu d'imputer la créance de la caisse pour son montant global, soit 134 644, 08 euros correspondant au capital représentatif de la rente accident du travail ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que le droit de préférence de la victime sur le tiers payeur impliquait que la créance de ce dernier fût imputée sur le montant des indemnités allouées au titre du préjudice professionnel sans tenir compte du partage de responsabilité, soit la somme de 214 776, 85 euros, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé  ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

I-Sur les pourvois formés par M. X... et de la société GMF :

Les REJETTE ;

II-Sur le pourvoi formé par M. Y... :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 25 novembre 2011, en ses seules dispositions relatives à l'imputation de la créance de la caisse sur la somme réduite du quart des indemnités allouées au titre du préjudice professionnel à M. Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

FIXE à 80 132, 77 euros l'indemnité complémentaire due à M. Y... ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. Y..., de M. X...et de la GMF, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Responsabilité civile


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.